Algérie

Au nom du père




Au nom du père
Premier long métrage de Farid Bentoumi, Good Luck Algeria, sorti le 30 mars dernier sur 172 écrans du territoire français, a effectué un démarrage plus que prometteur en termes de fréquentation avec plus de 71 000 entrées, arrêtées au dimanche soir, 3 avril?Et ce n'est que mérité pour cette comédie populaire où l'émotion est souvent présente au détour de plusieurs scènes, grâce à la performance d'acteur d'un néophyte, un certain Bouchakor Chakor Djaltia, 80 ans, recruté dans un foyer pour retraités immigrés et qui interprète dans le film le père du héros, Samir Zitouni, dit Sam, lequel, pour sauver son entreprise de fabrique de skis de fond de la faillite, va faire jouer sa double nationalité en représentant l'Algérie aux Jeux olympiques d'hiver de Turin (2006), une grande première pour un pays généralement attendu sur les terrains de football?A un moment où les binationaux ont fait l'actualité en France plusieurs semaines durant, et pas pour la meilleure, on ne peut que se féliciter de voir qu'une seconde nationalité puisse donner lieu à une comédie positive. A croire que c'est dans l'air du temps, après le succès rencontré par La Vache de Mohamed Hamidi qui a dépassé le million de spectateurs, déjouant les pronostics les plus pessimistes.Le fait que le scénario s'inspire pour partie d'une histoire vraie ? celle de Nourredine, propre frère du réalisateur ? explique sans doute la justesse de ton de cette comédie où la drôlerie fait bon ménage avec l'émotion. Au-delà du challenge sportif et de ses enjeux économiques à travers la survie d'une entreprise artisanale de huit salariés, pourtant à la pointe dans la qualité et la performance des skis qu'elle fabrique, Good Luck Algeria est surtout une réflexion pertinente sur les racines et la transmission des héritages, qu'il s'agisse d'oliviers ou de culture.Samir est associé à son ami d'enfance, Stéphane Duval (Frank Gastambide excellent), lequel va lui souffler l'idée de concourir pour l'Algérie aux JO d'hiver. Cela donnerait un dernier coup de projecteur sur la qualité de leur production, tout en récupérant la manne financière de 20 000 dollars attribuée par le CIO (Comité olympique international). Toutefois, il faut passer par la Fédération algérienne de ski et ce n'est pas le moindre des obstacles bureaucratiques?Sur le plan personnel, Samir est marié à Bianca (Chiara Mastroianni) elle-même binationale puisque franco-italienne. Bien qu'inquiète quant à la réussite d'un pari osé, elle se tiendra aux côtés de Sam, qui bénéficie aussi du soutien de son père, Kader, époux de Françoise (Hélène Vincent), lesquels s'inquiètent pour l'avenir de leur fils ingénieur et de leur fille avocate (Fadila Belkebla). La décision de concourir pour l'Algérie comble de fierté le vieux Kader qui voit là l'un de ses souhaits les plus chers en voie de s'accomplir.Les séquences tournées en Algérie* recèlent une profondeur et une justesse étonnantes. On y voit débattre, parfois de manière virulente, le sempiternel problème du partage des terres et des oliviers entre le père, le fils et les oncles et cousins. Et lorsque le père, dans son infinie sagesse et sa bonté arrimées à l'amour filial, comprend que son fils ne cultivera jamais ses 1200 oliviers, il se résout à les vendre.Le produit financier de cette vente est partagé à parts égales entre Samir et sa s?ur au cours d'une scène où l'émotion, l'amour et la fierté d'un fils pour son père font perler les larmes dans les yeux de Samir. «Cette fable pour dire avec simplicité que les binationaux sont aussi des héros est aussi une leçon de vie qui tombe à pic», souligne le critique de Télérama, Aurélien Ferenczi. Ses propos font écho à ceux du réalisateur, Farid Bentoumi, qui nous affirme : «Dans ce débat (sur la binationalité) on oublie l'humain.Moi, j'ai grandi en France, j'y ai construit ma famille, mes projets, je suis français. Mais je suis aussi algérien et très fier de cette binationalité. Good Luck Algeria est comme une réponse à tous les Algériens ou descendants d'Algériens qui se demandent s'ils doivent renier leur culture algérienne pour s'intégrer. Et le racisme n'a jamais déterminé mes choix, ni ne m'a freiné. Je trouvais important que ce soit la même chose pour mon personnage.Le fait que Samir fasse les JO sous la bannière algérienne pour sauver sa boîte qui fait des skis 100% français est un pied de nez à tous les débats sur l'identité nationale !» Avec un sens aigu des situations et des dialogues, avec une totale maîtrise de sa direction d'acteurs, Farid Bentoumi signe avec Good Luck Algeria un premier film qui fera date. On espère simplement qu'il sera bientôt projeté sur les écrans algériens, pour que les nationaux, eux aussi, comprennent un peu mieux ce que sont les enjeux multiples de la binationalité.  *NDLR : seules les scènes à Alger ont pu être tournées. Suite à l'assassinat du randonneur Hervé Gourdel en 2014, les tournages prévus en Kabylie ont été déplacés vers le Maroc.







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