Affichage anarchique

Affichage anarchique Quelque chose ne tourne pas rond à Oran. Quelque chose de spécifique. Beaucoup de choses ne fonctionnent pas correctement dans le pays, mais c’est le pays dans ses généralités, et quand Oran se situe dans la moyenne nationale personne ne peu le lui reprocher. Mais ce qui ne tourne pas rond à Oran et qui ne le devrait pas parce qu’il va à contre-sens de tous ceux qui s’épuisent les méninges, se lèvent tôt, dorment tard et se battent contre leurs propres amis pour les convaincre du bien-fondé de leurs idées, c’est cet affichage anarchique de n’importe quoi sur les murs de la ville. Il n’est plus possible de passer dans une des artères principales de la ville sans être agressés par des affiches commerciales collées à tort et à travers, parfois par dizaines, côte à côte pour un même objet de réclame. A l’heure où la commission d’embellissement de la ville et la ville elle-même, concentrent des efforts qui ne sont pas des moindres pour tirer d’une rue ou d’une place un sourire tout petit soit-il mais prometteur de jours meilleurs, des commerçants, parfois parmi les grands, c’est-à-dire ayant ou pouvant avoir des moyens de se payer des campagnes de pub dignes de ce nom, en utilisant des espaces appropriés et autorisés, collent leurs affiches pour toutes sortes de produits sur les murs, sans prendre la peine de demander la permission à quiconque. Aucun mur n’est lâché. Ni habitation, ni école, ni administration, ni établissement, ni institution. Personne n’ignore qu’une affiche sur papier n’est pas faite pour durer. Et ce n’est pas spécifique à Oran mais constatable sous toutes les latitudes de la planète. Dans les minutes qui suivent son affichage se présente une main qui n’a rien d’autre à faire que la déchirer, la raturer, l’écorcher. Pour rien. Juste comme ça. Pour le simple plaisir idiot. Que le manque de civisme provienne d’une personne marginale ou seulement inculte, cela se comprendrait. Mais qu’il se situe là où l’on ne s’attend pas, chez des gens qui font coller des affiches pour salir. Des gens qui organisent des fêtes et qui sont donc censés avoir une haute idée de l’accueil, de l’hygiène et la convivialité. Ou qui dispensent des formations techniques, scientifiques et intellectuelles donc la rigueur, l’ordre et l’esthétique. Dans une ville qui débarrasse ses espaces verts de leurs barrières de ferraille, qui construit des jets d’eau sur les places publiques, qui plantent des arbres sur le bord de chaque nouvelle route qu’elle construit, cela rassemble à un grain de sable dans le rouage. Pourtant tout le monde sait que la machine est tellement lourde à faire tourner. Pourquoi en rajouter pour la salir... gratuitement.