Algérie - Revue de Presse

Le sourire du général Aussaresses



La soeur de Larbi Ben M'hidi répond à l'un des compagnons de Larbi Ben M'hidi qui lui-même répond à une version de cette histoire qui elle-même ne répond de rien. La question est: faut-il écrire l'histoire en l'écrivant, en la réécrivant, en permettant qu'elle soit écrite ou en déterrant les corps de ceux qui sont morts? «Dans le tas, Aussaresses doit bien rire» conclut un lecteur perspicace du Q.O. La raison? En Algérie, l'histoire algérienne est constituée de 20% de faits et de 80% de mises au point, démentis, droits de réponse, infirmations et contre-témoignages: il s'agit d'une histoire trop récente pour être en paix et trop ancienne pour être vérifiée totalement. Mal écrite, elle s'éparpilla donc en mille petites histoires, parfois en contradiction l'une avec l'autre, souvent avec un classement différent dans l'ordre de ses personnages et avec des faits que tout le monde revendique alors que tout le monde sait que chaque arme ne demande que deux bras. Pour les jeunes générations de ce pays qui descend mal de lui-même mais descend encore plus bas dans sa propre estime, le «spectacle doit être répugnant». Cinquante-trois ans après le 1er Novembre, l'histoire n'a pas abouti à sa propre vérité mais à la sale guerre des faux anciens moudjahidines et de leurs chiffres malodorants. Ceci pour les survivants. Quand aux morts, le spectacle de leur déterrement n'est pas plus réjouissant: Abane Ramdane en a connu l'épisode cannibale, là où Larbi Ben M'hidi va servir à accentuer le sourire du général français assassin, Aussaresses. Le conte algérien fait donc exception à la règle: à la fin, le pays a eu beaucoup d'enfants, a vécu peu mais n'a pas été heureux. Les manuels scolaires du pays peuvent raccommoder ce qu'ils peuvent, l'essentiel est devant les yeux de ceux qui n'ont pas connu cette guerre mais en sentent les cadavres décomposés: la mort n'a pas fauché tout le monde, mais les décompositions sont presque collectives. On ne raconte l'histoire de ce pays que pour faire taire les autres, leur répondre, les menacer ou pour remplacer la maigreur de sa propre biographie. A la fin, l'histoire n'intéresse personne, la géographie non plus. Les vrais et les faux anciens moudjahidines peuvent reprendre les armes, les uns contre les autres, à la fin, ils mourront quand même tous, une bonne fois pour toutes. Larbi Ben M'hidi peut être réexhumé pour les besoins d'une enquête de paternité de l'histoire algérienne, cela n'empêchera pas de constater qu'il n'a pas eu d'enfants. C'est un scoop permanent. Que faut-il retenir? Rien. Hier à Oran, une voiture munie de hauts-parleurs appelait les Oranais à venir accueillir le Roi d'Espagne, un peu mieux qu'il n'accueille nos clandestins chez lui. Nous sommes mieux et valons plus. C'est déjà ça de gagné dans le marché de la perte du temps.



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