Algérie

Le désert sera plus vert!


Publié le 14.05.2024 dans le Quotidien l’Expression

«Les bateaux sont à l'abri dans les ports, mais ils ne sont pas faits pour cela.»
De plus en plus, les hommes politiques, passent leur temps à ressasser leur bilan, dans le genre «ma vie, mon oeuvre», oubliant presque, ou feignant de l'être, que la gestion de la chose politique nécessite, certes, de l'exercice rétrospectif, mais aussi et surtout de la prospective. C'est dans le diagnostic prospectif, que se dessine le futur des possibles, car c'est là que se projette le projet de société que chaque pays soucieux de son devenir immédiat et, à moyen terme, de son avenir. On l'observe autour de nous, des pays potentiellement riches - à de rares exceptions près - peinent à décoller, sclérosant toute velléité d'émancipation. Regroupés autour de chaires de prospective stratégique et de développement durable, une vingtaine de spécialistes reconnus avaient rédigé un rapport tendant à «éclairer l'action présente, à la lumière des futurs possibles et souhaitables.» Édifiant, en sa façon de mettre en relief le «principal objectif de penser et d'agir autrement, en contribuant à la société de la connaissance et en soutenant l'entrepreneuriat, ainsi que les initiatives locales de développement».

Sauf que toutes ces ambitieuses projections, pour se concrétiser ont besoin d'une matière première, qu'aucun gisement n'est capable de produire, la confiance. La confiance en ses institutions. Jusqu'à il y a un lustre d'années, ce n'était pas tout à fait le cas. La seule perspective restait l'importation massive de tout, mais aussi de n'importe quoi. Mais ce n'était pas perdu pour tout le monde, bien au contraire. De tout temps l'anarchie gestionnaire a surtout, voire essentiellement, profité à une oligarchie, jamais repue.

En 1967, Mohamed Bouamari, un cinéaste algérien avait réalisé «Le Ciel et les Affaires». Certains, quelques décennies plus tard, proposèrent un autre film «Dystopie»... Ce monde dystopique représentant «une société fictive, sombre et dangereuse», tel que l'indique le synopsis propre à ce genre de fiction. La suite on l'a connue, nous l'avons subie.

Alors, aujourd'hui, lorsque l'on voit sortir du sable, du Souf, d'immenses cercles concentriques, (tels ces célèbres dessins aztèques, vus du ciel), contenant des brassées de fruits et de légumes, on se dit que le Sahara, ne sera plus ce désert de sable et de pierres, mais un véritable garde-manger aux dimensions gigantesques. Ce sera bientôt le cas d'Adrar, le futur silo à blé de l'Algérie. Enfin, sortira-t-on, au moins, de la fameuse anthologie céréalière, où la vocation de «grenier à blé de Rome», flattait plus notre ego que nos papilles.

Aujourd'hui, longtemps ignoré, pour ne pas dire délibérément occulté, le numérique devient l'outil démocratique, qui permet la transparence, condition cardinale pour une rationnelle exploitation des ressources et donc une plus juste répartition des richesses.

Et c'est ainsi que se dessinent les contours de cette Algérie qui prospecte, qui produit et qui s'enrichit. Celle qui a cessé de brider son économie, en limitant ses navires à la seule importation des biens finis, la lésant du bénéfice de l'exportation de ses productions diverses et variées.

C'est bien connu, «les bateaux sont à l'abri dans les ports, mais ils ne sont pas faits pour cela...». Aujourd'hui ils sont faits pour sillonner les mers, établir des comptoirs.

Se débarrasser de l'image du harrag et de son corollaire indirect, le trabendiste, n'est plus, en 2024, une gageure, un défi, mais un objectif! Une société rompue à la prospective est une société qui n'est pas tenue à l'écart de ce qui se décide pour elle, en son nom. En prenant connaissance des objectifs à venir, elle sera de plus en plus partie prenante. C'est aussi cela la démocratie participative. Les spécialistes incluent dans les fondements et principes de l'approche participative, l'établissement d'un dialogue permanent entre «populations et agents techniques», sur le respect mutuel et le principe du partenariat, ainsi que sur la reconnaissance du savoir-faire local. C'est une des meilleures façons de concevoir la citoyenneté. Milan Kundera disait que l'existence désigne le «champ des possibilités humaines, tout ce que l'homme peut devenir, tout ce dont il est capable».

Tout ce qui fait peuple, et suscite son adhésion à une vision moderne et équitable.

Construire avec le peuple, maintenant que la confiance est en train de réélire domicile, ne sera donc plus un slogan, mais un credo. «Construire avec le peuple» de l'architecte égyptien, Hassan Fathy, a été longtemps le livre de chevet de Houari Boumediene...
Saïd OULD KHELIFA

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