aladhimi

«Depuis une dizaine d’années rien n’a été fait, aujourd’hui on le paye»




Abdelkrim Aïssa Benghanem, qui a eu à gérer Sonelgaz de 1995 à 2004, estime que la loi sur l’électricité issue des réformes de Chakib Khelil est inappropriée aujourd’hui et qu’il faut la réadapter à la situation actuelle. Il préconise aussi que les pouvoirs publics aident le groupe Sonelgaz à relancer l’investissement et à sortir du cercle infernal des créances. L’ancien PDG de Sonelgaz estime aussi qu’il faut libérer progressivement les tarifs de consommation pour aider l’entreprise à respirer.


-Comment expliquez-vous les nombreux délestages et coupures d’électricité que subissent les citoyens ?

Il y a une très forte demande qui a surpris Sonelgaz. Le groupe ne dispose pas, actuellement, des moyens nécessaires pour faire face aux pics de consommation. Les délestages, même s’ils ne sont que conjoncturels, sont en partie dus au manque d’investissement constaté depuis une dizaine d’années. Il y a eu pas mal d’investissements, notamment pour la construction de centrales électriques, à l’image de celle de Hadjret Ennouss (Cherchell), mais depuis une dizaine d’années, un retard a été enregistré et rien n’a été fait pour le combler. Aujourd’hui, on le paye. Par ailleurs, des retards sont accusés dans la réalisation de certains ouvrages de distribution à cause de l’opposition des citoyens et les walis ne jouent pas le jeu pour faire appliquer la clause d’utilité publique et faire avancer les projets.

-Sonelgaz n’est-elle pas censée jouir d’une autonomie de gestion et d’investissement ? Pourquoi le groupe se retrouve-t-il dans une position aussi inconfortable aujourd’hui ?

L’autonomie n’est qu’une vue de l’esprit. Sonelgaz ne peut pas faire ce qu’elle veut. Selon les déclarations de M. Boutarfa, l’Etat empêche, d’une part, Sonelgaz d’augmenter les tarifs et, d’autre part, il ne lui donne pas de compensations. D’ailleurs, M. Boutarfa se plaint tout le temps et déclare que c’est une situation qui ne peut pas durer.
Par ailleurs, je pense que Sonelgaz a des créances extraordinaires. Je n’en connais pas la structure, mais apparemment, les services rattachés à l’Etat sont les plus concernés. La situation financière n’est donc pas du tout reluisante, ce qui réduit la marge de manœuvre du PDG de Sonelgaz.

-L’augmentation des tarifs est-elle une solution ?

C’est une option inévitable, mais elle a trop tardé. Il est inconcevable de bloquer les tarifs pendant longtemps et de les augmenter ensuite de 50%. Ce serait très mauvais non seulement pour le consommateur, mais également pour l’équilibre général et financier de Sonelgaz. A mon avis, de petits réajustements annuels de 1 ou de 2% seraient envisageables et préférables pour permettre à l’entreprise de respirer.

-N’est-il pas aberrant de voir un groupe tel que Sonelgaz se plaindre des climatiseurs des ménages ?

Vous avez raison, le groupe n’a qu’à se plaindre de son incapacité à prévoir ces pics de consommation, mais il faut connaître la structure de la consommation pour pouvoir en juger plus sereinement. Actuellement, ce sont les ménages qui tirent la demande vers le haut et cela dure depuis quelques années. En effet, 60% de la consommation est le fait des seuls ménages, alors que dans une structure normale de consommation, les ménages ne devraient pas dépasser une consommation de 25 à 30%. Autre fait important : les secteurs industriel, agricole et les transports ne représentent que 40% de la consommation, alors qu’ils devraient en représenter de 60 à 65%.

-Et la loi relative à l’électricité dans tout cela ? A quoi a-t-elle servi ?

La loi du 22 février 2002 relative à l’électricité et à la distribution du gaz par canalisations ne sert plus à rien. Elle a été adoptée pendant une période d’ultralibéralisme, maintenant force est de constater qu’elle n’est pas applicable. A mon avis, l’actuel ministre de l’Energie et les pouvoirs publics devraient réadapter la loi à la nouvelle situation. Sonelgaz restera une entreprise étatique et son objectif premier restera de satisfaire la consommation des citoyens algériens. Cette loi est inapplicable, elle stipule que «les initiatives privées vont servir à investir en Algérie et vendre librement leur électricité». C’est une vue de l’esprit, ce n’est pas possible ! Moi-même, à l’époque, je disais : «Je vois mal un étranger venir investir dans une centrale électrique et vendre ensuite de l’électricité avec des tarifs bloqués par l’Etat.» Je faisais partie des gens qui disaient qu’il est impossible de compter sur l’investissement étranger ou des capitaux privés nationaux qui viendraient investir en Algérie dans la construction de centrales électriques.
J’ai toujours pensé que pendant longtemps, ce serait le domaine de Sonelgaz avec l’aide de l’Etat. Une réadaptation de la loi est donc nécessaire, notamment en ce qui concerne le rôle de la commission de régulation, la CREG, qui n’est pas aussi indépendante que la loi le prévoit. Il faut donc revoir ses rapports avec les pouvoirs publics et ses rapports avec Sonelgaz. Des changements sont nécessaires, mais il faut savoir que les effets ne se feront pas immédiatement sentir.

-Quelles solutions préconisez-vous pour réadapter l’offre à la demande ?

Je pense que sur le segment production d’électricité, il faut faciliter les choses à Sonelgaz pour pouvoir subvenir aux besoins de consommation dans notre pays pour les 20 à 30 ans à venir. Les pouvoirs publics devraient soutenir cet effort d’investissement tout en commençant à réajuster les tarifs pour permettre à l’entreprise de commencer à investir sur l’avenir. Par ailleurs, sur le segment transport qui est un monopole naturel, il y a aussi un problème sur les droits de passage. Pour construire une ligne de transport, on met dix, douze ou quinze ans, ce n’est pas possible ! Il faut savoir pourtant que les pouvoirs publics ont les moyens de faciliter les choses par la déclaration d’utilité publique, l’expropriation avec indemnisation, etc. Si on regarde enfin le secteur de la distribution, on constate qu’il y a des compétences, actuellement, mais malheureusement, elles manquent également de moyens financiers.





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