Dans le cadre de la série documentaire Les Oubliés de l'Histoire, Arte rediffusera le 16 février 2018 à 3 h 35 (après une première diffusion le 25 février 2017 à 17 h 40) le film Si Mustapha Müller, le maître déserteur (titre original : Mustapha Müller, Deserteur), réalisé par Lorenz Findeisen. Ce documentaire de 26 minutes, produit en 2016 par Films du Tambour de Soie, retrace le parcours singulier de Winfried Müller, un homme aux multiples vies, entre engagement révolutionnaire et dévouement écologique.
Une jeunesse obscure sous le IIIe Reich
Comme l’écrit Lorenz Findeisen, Winfried Müller « est né en 1926 dans un petit village des montagnes autrichiennes » (visuels © Fritz Keller). Les détails de sa jeunesse sous le IIIe Reich restent flous, le documentaire ne précisant pas les contours de cette période. Findeisen laisse ainsi une part d’ombre sur ses premières années, marquées par un contexte de guerre et d’oppression.
L’après-guerre : un tournant vers l’URSS
Après la Seconde Guerre mondiale, Winfried Müller « disparaît mystérieusement du côté de l’URSS où il est entraîné par le KGB », selon Findeisen. Ce passage en Union soviétique marque un virage décisif dans sa vie. Formé par les services secrets soviétiques, il se forge une expérience qui influencera ses engagements futurs, bien que les circonstances exactes de cette période demeurent énigmatiques.
Soutien au FLN en Algérie
En 1954, sous l’alias Mustapha, Müller « part soutenir les indépendantistes du FLN en Algérie », qualifiés par Findeisen de « djihadistes ». Il s’engage activement dans la guerre d’indépendance algérienne, contribuant à convaincre des Allemands de la Légion étrangère française de déserter. Cette stratégie de guerre psychologique, inspirée de son passé antifasciste, fait de lui une figure clé dans la déstabilisation des forces coloniales. Pour Müller, l’Algérie semble offrir « une convivialité, une famille politique absentes de son enfance et de son adolescence », note Findeisen, suggérant une quête personnelle autant qu’idéologique.
Rôle dans l’Algérie indépendante
Après l’indépendance de 1962, qui entraîne l’exode d’environ un million de personnes – juives, chrétiennes et autres –, Müller « décide de rester dans ce pays et y occupe diverses fonctions » politiques dans un État au régime autoritaire, surnommé « La Mecque des révolutionnaires » par Findeisen. Dès 1962, il participe au rapatriement des populations bloquées aux frontières. Entre 1964 et 1966, il « chapeaute le mouvement de la Jeunesse au niveau du ministère de la Jeunesse et des Sports », avant d’occuper plusieurs postes au ministère de l’Information jusqu’en 1971. Findeisen souligne que Müller ne semble pas avoir contesté le pouvoir autoritaire algérien, dont il bénéficie de promotions, ni avoir été troublé par l’exil massif et brutal des autochtones juifs et chrétiens.
Un forestier au service des parcs nationaux
« Forestier de formation », Müller se tourne ensuite vers la protection de l’environnement. Jusqu’en 1979, il s’occupe des sports de montagne, avant d’être nommé inspecteur général des parcs nationaux et des zones protégées. Findeisen rapporte qu’« il a beaucoup fait dans le domaine forestier, notamment avec la création du Parc national du Djurdjura ». À partir de 1986, après sa retraite, il réalise des « documentaires sur l’environnement, la nature et le paysage algérien », dont le dernier, intitulé Vivre et laisser vivre ?, reflète sa philosophie.
Fin de vie et héritage
Winfried Müller, devenu Si Mustapha, décède en septembre 1993. Son fils adoptif, Abdellah Sahki, poursuit son œuvre en tant que protecteur de l’environnement algérien. Des sites internet berbères et amazighs publient des articles reconnaissants à son égard, témoignant de son impact local. Un autre documentaire, Si Mustapha Müller - kurze Zeit des Ruhms d’Erika Fehse, explore également sa vie, comparée par Findeisen à celle des personnages du roman Le village de l’Allemand ou Le journal des frères Schiller de Boualem Sansal. Müller, admirateur de l’islam selon Findeisen, laisse derrière lui une figure complexe, mêlant lumière et zones d’ombre.
Analyse de Lorenz Findeisen
Findeisen présente Müller comme un « maître déserteur », un homme qui a fui les systèmes oppressifs – nazisme, colonialisme – pour embrasser des causes radicales. Pourtant, son silence face aux dérives autoritaires algériennes et à l’exode forcé interroge. Le documentaire, enrichi de visuels signés Fritz Keller, laisse volontairement des zones floues, invitant le spectateur à réfléchir sur ce personnage insaisissable.
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Posté par : patrimoinealgerie
Source : https://www.veroniquechemla.info/2017/02/si-mustapha-muller-le-maitre-deserteur.html