Tamanrasset - Winfried Muller appelé Si Mustapha Muller

Biographie de Winfried Muller, également appelé Si Mustapha Muller


Biographie de Winfried Muller, également appelé Si Mustapha Muller
Voici une biographie complète de Winfried Müller, également connu sous le nom de Si Mustapha Müller, basée sur les informations disponibles et vérifiées. Cette biographie retrace son parcours exceptionnel, de sa jeunesse en Allemagne à son engagement dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, jusqu’à ses dernières années dédiées à la préservation de la nature.

Jeunesse et formation (1926-1945)
Winfried Müller naît le 19 novembre 1926 à Wiesbaden, en Allemagne, dans une famille aux origines complexes. Son père, Curt Willi Ernst Müller, est un forestier juif, et sa mère, Lotte Frederike Katherine Neelson, est une professeure de gymnastique allemande. Après la montée au pouvoir des nazis en 1933, la famille se disloque : sa mère se sépare de son père et reprend son nom de jeune fille, tandis que Winfried et elle déménagent à Oberstdorf, en Bavière. Là, il fréquente l’école primaire, puis brièvement une école secondaire, qu’il doit quitter pour des raisons financières. Il travaille ensuite comme ouvrier dans une usine locale.

Dès son adolescence, Winfried affiche une opposition farouche au nazisme. En 1941, sa mère et lui s’installent à Götzens, un village près d’Innsbruck, en Autriche, dans le cadre d’un programme nazi de loisirs. À 14 ans, en mai 1943, son militantisme antinazi le conduit à être arrêté et torturé par la Gestapo à Innsbruck. Les raisons précises de cette arrestation varient selon les sources, mais elles reflètent son refus de se soumettre au régime. Par la suite, il est enrôlé de force dans le Reichsarbeitsdienst (Service du travail du Reich), puis dans la Kriegsmarine (marine de guerre allemande) en 1944, où il sert comme artilleur naval sur la Baltique. Hospitalisé à Kiel après une blessure ou une maladie, il est ensuite affecté à un bataillon disciplinaire près de Toruń, en Pologne.

Accusé de désertion et de subversion après avoir enfreint un règlement, Winfried parvient à s’échapper lors d’un transfert vers un tribunal militaire. Il rejoint alors les lignes de l’Armée rouge près de Dantzig, marquant le début de son engagement auprès des forces opposées au nazisme. Après des interrogatoires, il est intégré au Comité national pour une Allemagne libre (NKFD), une organisation antinazie soutenue par l’URSS, où il aide à convaincre les soldats allemands de déserter.

Après la guerre : Engagement communiste et errance (1945-1954)
Après la capitulation allemande en 1945, Winfried Müller est envoyé dans une école de formation de l’Armée rouge. Il travaille ensuite en Ukraine et en Biélorussie pour gérer le rapatriement des prisonniers de guerre autrichiens. De retour en Autriche, il s’installe brièvement à Vienne, où il collabore à une revue austro-soviétique, avant de retourner dans le Tyrol. Là, ses efforts pour dénoncer d’anciens nazis le rendent impopulaire auprès des locaux.

En 1947, il s’installe à Kleinmachnow, dans la zone d’occupation soviétique en Allemagne, et adhère au Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED). Il suit des cours de sciences sociales à l’école du parti Karl Marx, mais ses positions, jugées trop proches du titisme (soutien à Tito en Yougoslavie), le mettent en conflit avec les autorités. En 1951, il rejoint le Parti ouvrier indépendant à Worms, en Allemagne de l’Ouest, où il épouse Sonja Klare en 1952 et a un fils. Accusé de falsification de documents, il fuit vers la Yougoslavie en 1953, avant de s’installer à Paris en 1954 pour étudier le journalisme.

À Paris, Winfried découvre la cause algérienne grâce à des contacts avec le Front de libération nationale (FLN). Il devient un « porteur de valises », transportant messages et fonds pour les indépendantistes. Repéré par les services français, il est contraint de quitter la France fin 1956 et s’exile à Tétouan, au Maroc.

Engagement dans la guerre d’Algérie (1956-1962)
Au Maroc, Winfried Müller, désormais appelé Si Mustapha, rejoint l’Armée de libération nationale (ALN). D’abord traducteur pour les prisonniers de guerre capturés par l’ALN, il se distingue en élaborant une stratégie de guerre psychologique visant à faire déserter les légionnaires étrangers de l’armée française, notamment les germanophones. Inspiré par son expérience avec le NKFD pendant la Seconde Guerre mondiale, il crée en octobre 1956 le Service de rapatriement des légionnaires étrangers, basé à Tétouan. Ce service convainc les soldats de déserter, puis organise leur retour dans leurs pays d’origine.

Avec l’aide d’un réseau de sympathisants en Europe (notamment en Allemagne et en Autriche) et de figures comme Hans-Jürgen Wischnewski et Bruno Kreisky, Si Mustapha orchestre la désertion de plus de 4 000 légionnaires entre 1956 et 1962, dont environ 2 700 Allemands. Il utilise des tracts, des rencontres clandestines dans des bars et des bordels, et des promesses de sécurité pour rallier les soldats à la cause algérienne. Ce succès fragilise l’armée coloniale française et fait de lui une cible prioritaire des services secrets français et de l’organisation La Main rouge. Il échappe à plusieurs attentats, dont une tentative d’assassinat à Meknès en 1957, une lettre piégée en 1960, et une attaque à l’arme automatique à Francfort.

Promu major dans l’ALN sous le nom de guerre El Ouazzani, Si Mustapha devient une figure respectée parmi les indépendantistes. Après les accords d’Évian en 1962, marquant l’indépendance de l’Algérie, il choisit de rester dans le pays qu’il a aidé à libérer, refusant de retourner en Allemagne.

Vie dans l’Algérie indépendante (1962-1993)
Dans l’Algérie post-indépendance, Si Mustapha Müller occupe divers postes administratifs. Il travaille d’abord au ministère de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme sous Abdelaziz Bouteflika, promouvant le tourisme allemand vers l’Algérie. En 1964, il obtient la nationalité algérienne et rejoint le ministère de l’Information, où il supervise la presse en langue allemande pendant dix ans. Cependant, sa carrière connaît des revers : en 1963, il est brièvement arrêté pour s’être présenté comme secrétaire d’État à des journalistes étrangers, ce qui entraîne son expulsion temporaire vers Paris, avant son retour en Algérie.

À partir des années 1970, Si Mustapha se consacre à sa passion pour la nature. Écologiste convaincu, il devient une figure clé dans la création et la gestion des parcs nationaux algériens. Il fonde le parc national du Djurdjura en Kabylie et prend la direction du parc national du Tassili n’Ajjer au Sahara. Il milite également pour le développement des sports d’hiver, cofondant l’Association algérienne de ski et plaidant pour des infrastructures à Tikjda. Son amour pour l’Algérie se reflète dans son engagement désintéressé : il refuse tout honneur personnel et vit modestement.

Vie personnelle et mort (1993)
Si Mustapha adopte une fille, Rachida Müller, qui témoigne de son caractère doux et de son amour pour la nature algérienne. Il lui transmet sa passion pour la montagne, l’emmenant skier dès l’âge de deux ans dans des lieux comme Tikjda. Le 9 octobre 1993, il succombe à une crise cardiaque à Tamanrasset, dans le sud de l’Algérie, où il est enterré. Sa mort passe relativement inaperçue, malgré son rôle historique.

Héritage
Winfried « Si Mustapha » Müller reste une figure méconnue hors d’Algérie, bien qu’il ait joué un rôle décisif dans la guerre d’indépendance et la préservation de l’environnement algérien. Son parcours, marqué par un anticonformisme radical, illustre un engagement sans faille pour des causes qu’il jugeait justes : la lutte contre le fascisme, la décolonisation et la protection de la nature. En Algérie, il est parfois célébré comme un héros discret, un étranger devenu Algérien par choix et par cœur.
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