Il est tout à
fait approprié que le prochain sommet du G20 se déroule à Pittsburgh, un ancien
centre industriel d'une économie avancée, parce que ce sont bien les économies
avancées qui ont été chargées de définir l'ordre du jour de la réforme des
systèmes financiers. À part une certaine joie maligne à l'idée du malheur des
pays industrialisés, les marchés émergents n'ont pas apporté grand chose au
débat.
Les Etats-Unis mettent l'accent sur le
relèvement des exigences de fonds propres imposées aux banques. Les Européens
sont eux favorables à une réforme des bonus dans le secteur financier. Bien que
ces deux propositions aient chacune leurs mérites, leur capacité à stabiliser
des systèmes financiers dangereusement instables est, au mieux, douteuse.
Ce que les marchés émergents peuvent ajouter à
ce programme n'est pas clair, pour le dire charitablement. Ils n'ont pas dit ce
qu'ils comptaient faire pour réformer leurs systèmes financiers. Ils peuvent
toujours dire que ce n'est pas leur problème – que la crise des deux dernières
années a été centrée sur les économies avancées et que ce sont les seuls
systèmes financiers de ces pays qui doivent être réformés.
Mais le programme adopté à Pittsburgh
définira, pour le meilleur ou pour le pire, non seulement les systèmes
financiers américain et européen, mais également le système financier mondial.
Les marchés financiers sont trop intégrés – et le resteront, qu'on le veuille
ou non – pour que les règles adoptées n'aient pas de profondes répercussions
pour les marchés émergents. La
Chine, le Brésil et la Russie ont avancé des propositions ambitieuses,
qui porteront peut-être des fruits dans 10 ou 20 ans, pour faire du droit de
tirage spécial du FMI une monnaie internationale à part entière. Mais ils n'ont
rien dit sur la manière dont ils comptent réformer leurs politiques ou systèmes
financiers aujourd'hui.
La première priorité doit être les banques
internationales. Jusqu'à présent, le régime bancaire international, sous
l'égide du FMI et de l'OCDE, a poussé les pays à accepter la présence des
banques étrangères sur leur marché. Ce serait compréhensible si les marchés
émergents, ayant constaté de graves manquements dans la conduite des banques
étrangères, insistaient aujourd'hui sur la propriété et le contrôle des
institutions financières.
Mais une politique générale serait une erreur.
Contrairement à l'idée selon laquelle les banques étrangères plieraient bagage
à la première alerte, elles ont maintenu un niveau de soutien remarquable à
leurs succursales des marchés émergents au cours de la crise actuelle. Toutes
choses étant égales par ailleurs, les prêts transfrontaliers ont chuté dans une
moindre mesure dans les pays ayant une présence importante de banques
étrangères que dans les marchés émergents où les banques n'étaient pas détenues
de manière prédominante par des entités étrangères. En fait, les banques
nationales avec des ressources moindres ont été les plus enclines à se replier.
Certains diront que les pays baltes et de
l'Europe du Sud-Est ont eu de la chance que des banques suédoises et
autrichiennes responsables, plutôt que leurs homologues toxiques britanniques
et américains, aient pénétré leurs marchés. Mais cette remarque sert son propos
: la nécessité d'un régime définissant les conditions que doivent remplir les
banques étrangères avant de s'établir sur un marché.
Le pays du siège de la banque concernée doit
fixer des limites aux effets de levier, limiter les pratiques de financement et
d'octroi de liquidités et prévoir un processus de résolution dans les cas de
dissolution d'institutions financières complexes. Faute de quoi, les marchés
émergents devraient être en droit de refuser l'accès de leur marché aux banques
étrangères.
La deuxième priorité doit être l'élaboration
par les marchés émergents d'une norme stricte de réglementation des banques
étrangères après qu'elles aient ouvert des succursales dans ces pays. En dépit
d'autres aspects positifs, la présence de banques étrangères est souvent
associée à une disparité entre les monnaies. En Europe centrale et orientale,
les banques étrangères ont accordé des crédits commerciaux, immobiliers et
automobiles libellés en euro et en francs suisses aux entreprises et aux
particuliers dont les revenus étaient en monnaie locale, ce qui a aggravé leurs
difficultés financières lorsque la monnaie locale s'est dépréciée. Les
autorités autrichiennes, italiennes et suisses, après avoir constaté que
l'actif et le passif de leurs banques étaient dans leurs propres devises, ont
préféré ignorer le problème.
L'implication est que les marchés émergents,
tout en encourageant l'implantation de banques étrangères, doivent en même
temps réglementer strictement les prêts accordés par ces banques. Et les
marchés émergents doivent présenter un front commun puisqu'une réglementation
stricte, si elle était adoptée unilatéralement par un pays, pourrait inciter
les banques étrangères à ignorer ce pays.
Enfin, les marchés émergents doivent redoubler
leurs efforts pour mettre en place des marchés obligataires, mais sur une base
locale. Les pays ayant un marché obligataire ont moins souffert de la crise,
parce que leurs entreprises importantes conservaient une source de financement
autre que les crédits bancaires.
Mais l'ouverture de ces marchés aux
investisseurs étrangers, qui était la stratégie prédominante de leur
développement, a eu des avantages et des inconvénients. La Corée du Sud, le pays
asiatique ayant la plus forte proportion d'investisseurs étrangers dans son
marché d'actions, est aussi le pays ayant connu la plus forte baisse des cours
et des échanges quand ces investisseurs, principalement des fonds spéculatifs,
ont rapatrié leurs fonds.
Encourager la participation des investisseurs
étrangers est une manière rapide de faire décoller un marché obligataire local.
Mais l'expérience récente tend à suggérer que le plus rapide n'est pas
nécessairement le mieux. Des réglementations fixant la participation étrangère
dans des limites prudentes doivent être inscrites dans le nouveau régime
international. La Corée
du Sud assumera la prochaine présidence du G20. Les marchés émergents doivent
se préparer maintenant à prendre la parole.
Traduit de
l'anglais par Julia Gallin
* Professeur d'économie
à l'université de Californie à Berkeley
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté par : sofiane
Ecrit par : Barry Eichengreen*
Source : www.lequotidien-oran.com