Ce fut une
punition, une fessée bien douloureuse. Si, si, ne me dites pas le contraire.
Bien sûr, oui, il y a eu cet arbitre béninois qui a pourri la demi-finale de
football entre l'Equipe nationale (EN) et l'Egypte en Angola. Un pauvre type
dépassé dont il se dit, ici et là, que ce match lui a permis de préparer au
mieux ses vieux jours. Bien sûr, oui, il y a eu aussi l'habituel comportement
fécal d'une équipe égyptienne dont la valeur intrinsèque devrait pourtant lui
éviter de simuler et chicaner en permanence pour se mettre les arbitres dans la
poche. Mais tout cela n'empêche pas de reconnaître que ce fut une raclée, une «
tréha », qui restera certainement dans nos mémoires et qu'il faudra effacer un
jour ou l'autre. Sur un terrain de foot bien entendu et de manière pacifique.
Mais ce n'est peut-être pas le plus important
car un enseignement inattendu est offert par cette campagne angolaise. Il y a
quelques mois, évoquant une possible élimination des Verts des éliminatoires de
la Coupe du
Monde, nous étions nombreux à craindre que la jeunesse algérienne, soudain
privée de rêve et d'exutoire, lasse de trop de frustrations et de désespérance,
ne mette le feu dans les rues du pays. Et cette crainte s'est répétée pour la Coupe d'Afrique des Nations
(CAN). C'était une erreur. Des émeutes viendront peut-être à l'automne
prochain, quelques semaines après l'extinction des dernières lumières en
Afrique du Sud, mais il n'en demeure pas moins que la déroute des Verts à Benguela
a eu d'autres conséquences.
J'avoue en effet avoir été complètement
surpris par les manifestations de joie qui ont suivi ce match perdu contre les
« Pharaons ». Je crois même que c'est la première fois que des joueurs de
football algériens sont accueillis en vainqueurs malgré la défaite.
Souvenez-vous de cette équipe de légende qui a battu la RFA et le Chili lors de la Coupe du Monde de 1982 et
qui est revenue au pays de manière quasi-clandestine, obligée d'atterrir à la
base militaire de Boufarik pour ne pas se faire lapider par un peuple
versatile.
Qu'est-ce qui a changé ? Les Algériens
sont-ils soudain devenus indulgents vis-à-vis de la défaite ? Faut-il alors
s'en inquiéter à l'heure où, dans le monde entier, il n'est question que de «
culture de la gagne », de performance et de dépassement de soi ? Pas si sûr car
cela n'a rien à voir. Il s'agit en fait d'une histoire d'amour. Une histoire
entre les Algériens et leur équipe et peut-être même entre Algériens tout
court. Une idylle née le 18 novembre dernier et que personne ne pouvait prédire
il y à peine un an. Vu de Paris, il y avait quelque chose de déroutant – et
d'émouvant - dans ces images de grappes humaines défilant dans les rues
d'Alger, d'Oran ou de Constantine et chantant « Khadra ‘azizti » malgré la
cuisante douleur infligée par quatre à zéro.
« Ça ne fait rien. Ils ont perdu mais on les
aime quand même ! » sanglotaient quelques faces bien viriles au son des klaxons
et des youyous. L'amour... En novembre dernier, après la victoire de l'EN à
Khartoum, j'écrivais que la jeunesse algérienne avait un besoin urgent d'une
grande cause mobilisatrice et qu'il fallait que nos décideurs en tiennent
compte (*).
Cette fois-ci, je me rends compte - excusez ma
naïveté et n'allez pas penser que je suis soudainement devenu fleur bleue -
qu'il est aussi question d'amour ou, à défaut, d'affection.
Peut-être que le football vient de nous
révéler que les Algériens, instruits par la terrible expérience des années de plomb,
ont enfin envie de s'aimer les uns les autres. A deux ans du cinquantième
anniversaire de l'indépendance, il était temps que cela arrive. Mais là aussi,
il est à craindre que cette offre d'amour ne soit ignorée pour ne pas dire
méprisée par ceux qui ont la charge du pays. A leur décharge, il faut
reconnaître que l'amour et la passion ne se commandent pas et qu'ils suivent
des méandres mystérieux que les politiques ignorent mais que le football arrive
parfois à emprunter.
Terminons par les moments qui ont suivi la
défaite. Ce furent des instants d'abattement où il a fallu beaucoup de
ressource pour résister à l'envie masochiste de zapper pour encaisser les
délires chauvins des Egyptiens. Et puis, cadeau inattendu mais ô combien
apaisant, Orange sports a proposé un documentaire sur les meilleures pages de
l'histoire du football algérien. Pour cette CAN, les journalistes de cette
chaîne, qui avait l'exclusivité de la retransmission, étaient pour la plupart
en faveur de l'Algérie. Cela se sentait à leurs commentaires, à leur joie après
le match contre la Côte
d'Ivoire, à leur indignation et exaspération après la victoire égyptienne. Cela
mérite d'être signalé : en France, il n'y a pas que de méchants journalistes
qui cherchent à dénigrer notre pays, bien au contraire. Le documentaire en
question fut un véritable baume au cÅ“ur. Nous avons eu droit à l'histoire du
Mouloudia d'Alger (MCA), à celle de l'équipe du FLN qui, selon le commentaire
audio, « symbolisait à sa façon la lutte contre le colonialisme et ses
injustices » - étrange sensation que d'entendre ces propos sur une chaîne
française. Evoquées aussi les médailles d'or des Jeux Méditerranéens (1975) et
Africains (1978) ; l'historique et épique victoire du MCA contre le Hafia
Conakry en Coupe d'Afrique des clubs champions (1976) ; l'épopée de 1982 déjà
évoquée ci-dessus et, avant elle, la naissance d'une grande équipe nationale
lors de la Coupe
d'Afrique des Nations de 1980 et, après elle, le titre continental de 1990.
Merci donc à Orange grâce à qui le court
sommeil dans la nuit du 28 au 29 janvier n'a pas été trop agité. Par contre,
oublions vite le réveil et laissons-nous convaincre que d'autres pages
brillantes seront écrites pour le plus grand bonheur de ceux qui aiment à
chanter « Verte, ma chérie. »
(*) Un moment
Algérien, 26 novembre 2009.
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Posté par : sofiane
Ecrit par : Paris : Akram Belkaid
Source : www.lequotidien-oran.com