Oran - Patrimoine Architectural et Immobilier

Histoire de l’Hôpital du Plateau à Oran


Histoire de l’Hôpital du Plateau à Oran
L’hôpital du Plateau à Oran, aujourd’hui connu sous le nom de Centre Hospitalier Universitaire Dr. Benaouda Benzerdjeb (CHU Oran), est un établissement médical emblématique dont les origines remontent à la période coloniale française. Situé dans le quartier du Plateau Saint-Michel, devenu Hai Sidi El Bachir après l’indépendance, cet hôpital reflète l’évolution des soins de santé à Oran à travers les époques, marquée par des influences espagnoles, ottomanes, et françaises. Voici un aperçu de son histoire basé sur les informations disponibles.

Origines Précédant la Colonisation Française
Avant l’arrivée des Français en 1831, Oran disposait déjà d’une tradition hospitalière. Dès le Xe siècle, sous l’influence des marins andalous et de la civilisation arabo-musulmane, des hôpitaux existaient, comme l’a noté Hassan al-Wazzan (Léon l’Africain) lors de sa visite au XVe siècle. Après l’occupation espagnole en 1509, les Espagnols ont construit l’Hôpital San Bernardino, capable d’accueillir 480 lits, témoignant d’une infrastructure médicale précoce. Ces établissements, bien que limités, servaient les populations locales et militaires sous le contrôle ottoman puis espagnol.

Développement Sous la Colonisation Française
Avec l’occupation française en 1831, les besoins sanitaires ont évolué en raison de l’arrivée de colons européens et des conditions difficiles de la ville. Initialement, un hôpital militaire fut édifié à Mers el-Kébir, mais sa distance par rapport à Oran, séparée par le mont Aïdour, a conduit à la création en 1832 d’un hôpital mixte au sein de l’enceinte ottomane. Cet hôpital, établi dans la mosquée de la Place d’Armes (rebaptisée Place de la Perle), les bains turcs, et cinq maisons mauresques, offrait une capacité de 450 lits. En 1856, un nouvel hôpital militaire, nommé Hôpital Baudens, fut construit sur l’emplacement du Colisée espagnol, détruit par un séisme en 1790.

L’arrivée du Dr Dupeyré en 1840, premier médecin civil, a mis en lumière la crise sanitaire, notamment lors de l’épidémie de choléra de 1848, qui causa 1 817 décès. Cela a conduit à la construction de l’Hôpital Saint-Lazare en 1852, par arrêté ministériel du 30 novembre 1850, comme premier hôpital civil colonial. Cependant, sa saturation rapide a poussé à envisager un nouvel établissement. En 1864, une commission présidée par le maire Carité, avec le Dr Gustave Sandras et l’architecte Petit, a proposé un projet révolutionnaire : un hôpital pavillonnaire, constitué de 30 pavillons séparés par des allées ombragées, d’une capacité initiale de 600 lits, extensible à l’avenir. Ce plan, présenté en 1876, rompait avec l’architecture médiévale traditionnelle et privilégiait une ventilation naturelle, une innovation pour l’époque.

Les travaux, adjugés le 30 octobre 1877 à MM. Merel et Desfasques, ont débuté en 1878 sur le terrain du Plateau Saint-Michel. En avril 1883, les patients de l’Hôpital Saint-Lazare, situé Boulevard du 2e Zouaves, ont été transférés dans les nouveaux bâtiments, marquant l’inauguration officielle de l’hôpital du Plateau.

Évolution Post-Coloniale et Indépendance
Sous l’administration française, l’hôpital a été régi par des décrets successifs (23 décembre 1874, 27 décembre 1943), avant que le décret n° 57-1090 du 3 octobre 1957 ne le désigne comme Centre Hospitalier Régional d’Oran. L’ordonnance 58-1373 du 30 décembre 1958 l’a élevé au rang de Centre Hospitalier et Universitaire (CHU), en lien avec la Faculté de Médecine d’Oran.

À l’indépendance, le 1er juillet 1962, l’hôpital a été renommé en l’honneur du Dr Benaouda Benzerdjeb, premier médecin martyr de la révolution algérienne, exécuté par les forces coloniales. Le capitaine Bakhti Nemmiche, commandant de la zone ALN-FLN d’Oran, a chargé le Dr Boudraa Belabbès, officier chirurgien de l’ALN, de prendre possession de l’établissement. Le Dr Belkacem Nait en devint le premier directeur général. Cet été 1962, des médecins de l’ALN, comme Maamar Bennai, Mourad Taleb, Senouci Kandil, Boumedienne Hamidou, Mansouri et Hacène Lazreg, ont rejoint l’équipe pour relancer les soins et la formation médicale, marquant une transition clé dans la gestion de l’hôpital par des Algériens.

Modernisation et Rôle Actuel
En 2003, un nouvel hôpital moderne a été construit pour un coût de 120 millions d’euros, conçu par l’architecte japonais Kenzō Tange selon son concept d’architecture métabolique. Ce complexe, situé à proximité de l’ancien site du Plateau, a renforcé la capacité de l’hôpital à plus de 1 000 lits, tout en restant un centre de formation pour la Faculté de Médecine de l’Université d’Oran. Le CHU Oran a joué un rôle crucial lors de crises sanitaires, comme l’épidémie de peste bubonique en 2003 (18 cas traités, 1 décès) et la pandémie de COVID-19 en 2020, avec des visites de hauts responsables comme le Premier ministre Abdelaziz Djerad et le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid.

Réflexions Critiques
L’histoire de l’Hôpital du Plateau reflète les priorités coloniales : améliorer les conditions sanitaires pour les colons tout en répondant partiellement aux besoins des populations locales, souvent dans un contexte d’inégalités. La transition post-indépendance, bien que symbolique avec le renommage et la prise en charge par des médecins algériens, soulève des questions sur la continuité des infrastructures et des ressources laissées par les Français. La modernisation de 2003, bien qu’impressionnante, doit être examinée à la lumière des défis actuels, comme le manque d’entretien signalé dans d’autres édifices coloniaux d’Oran, suggérant un investissement parfois inégal dans le patrimoine médical.

Conclusion
L’Hôpital du Plateau à Oran, né en 1877 d’un projet innovant sous la colonisation française, est devenu un pilier de la santé en Algérie avec son statut de CHU Dr. Benaouda Benzerdjeb. De ses origines pavillonnaires à sa modernisation en 2003, il incarne une histoire de résilience et d’adaptation, marquée par des transitions politiques et sanitaires majeures.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)