El-Oued - A la une



La tumultueuse année romanesque où s'affrontaient les jeunes loups du chaâbi n'est pas près d'en finir avec ses secrets. Dans les ruelles sombres de la Casbah, des bouibouis, fumoirs et autres officines malfamées se tramait une révolte, le désespoir d'une jeunesse confinée à gratter sur une guitare de fortune en captant du regard la grande bleue. Une bohème à Quat'sous libérant les effluves lyriques des « sirènes ». A cet âge-là, on pouvait tout faire avec ses vingt ans pour croquer à belles dents une misère qui n'était rien d'autre qu'un exutoire pour en faire la plus belle ballade du monde. Avec la fierté d'un cheval arabe en prime, ces jeunots de la grande évasion prirent soin d'aller égaler les « zazous » du music-hall et leur rafler la vedette. En bleu de chauffe, de quoi se payer juste un coupe-faim, la guitare en bandoulière, l'entrée en scène d'un illustre inconnu fit exploser tous les paris. Son nom donnant le tournis à qui veut bien le prononcer, « Zerbout » pénétra par effraction dans ce monde silencieux des « pestiférés », poursuivi par l'anathème ancestral contre la musique. Très jeune, il commence à s'intéresser à la musique chaâbi, il fréquente assidûment les fêtes animées par certains chouyoukh. Il finit par se lier amitié avec le grand « Caïd » Khelifa Belkacem qui le prend avec lui comme « drabki », percussionniste, jusqu'en 1951, date de la rixe qui l'a opposé aux frères Hamiche qui tenaient le haut du pavé à la Casbah. Il se met au mandole dont la maîtrise lui permet d'intégrer l'orchestre de Hadj M'hamed El Anka. Sa façon de chanter ne laisse pas indifférentes les maisons d'édition qui lui proposent, à 25 ans, la production de plusieurs disques tels « Nebki ma fad abkaya » et « Moulet esself etouil ». C'est en 1958 que Zerbout eut ce grand culot d'aller braver les crooners de l'époque pour reprendre l'interprétation de Abdelhakim Garami en chantant pour la première fois la célèbre romance de Gilda « Que sas Quesas » devenue « Chehilet Laayani ». Après moult péripéties, la vie d'artiste de Zerbout prit le chemin de l'exil, un peu comme le regretté Hasnaoui. Seul contre tous, Mohamed vaquât dans les boites de nuit, dépérissant de jour en jour en quête de gîte. Une vie de nomade qui lui fit regagner le pays en 1970 et s'installer dans son nostalgique Bab El-Oued où il sera confronté au douloureux problème du chômage. Des amis lui apportèrent de l'aide en lui procurant quelques soirées de mariage, pour pouvoir renouer avec le public. Le chemin de croix a été contraignant au terme duquel Mohamed Zerbout succomba dans le strict dénuement à l'âge de 47 ans.
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