Une image, une histoire (parfois imaginaire) …

L’image semble tout droit sortie d’un autre temps. On y voit une vieille dame, droite malgré son âge, et son petit-fils d’à peine six ans, posant devant une goubba aux murs fissurés. Elle en était la gardienne, héritant de cette mission comme on hérite d’un trésor, depuis des générations.
C’était en 2008. De passage dans le village, le photographe avait été frappé par cette scène : la femme essuyait doucement la poussière sur la pierre tombale avec le pan de son foulard, pendant que l’enfant déposait un rameau de myrte sur le seuil. Elle sourit à l’étranger, acceptant qu’il les prenne en photo. « Prends-la bien, qu’elle dure aussi longtemps que cette goubba », avait-elle dit en riant doucement.
En 2025, il revint, avec dans ses mains l’agrandissement de cette photo, soigneusement encadrée. Il voulait lui offrir ce fragment de mémoire, comme un hommage. Mais on lui apprit qu’El Hadja avait quitté ce monde deux ans plus tôt. L’endroit avait changé : avec ses modestes économies et les dons des bienfaiteurs, elle avait fait rénover la goubba et l’ancienne mosquée voisine, avant de s’éteindre. Sa mission était accomplie.
Il trouva tout de même son fils. En découvrant le portrait, l’homme resta muet un instant, comme figé dans le temps, avant qu’un sourire mélancolique n’éclaire son visage. « C’est exactement comme je me souviens d’elle », murmura-t-il. L’image retrouvait ainsi sa place, bouclant une histoire commencée dix-sept ans plus tôt, et rappelant qu’il y avait autrefois des gens qui agissaient par enniya, simplement pour le bien.
Quelques part (Wilaya de Biskra)
Avril 2008