Une Porte d’Entrée dans la Vallée de l’Oued Abiod
En pénétrant la vallée de l’oued Abiod par le sud, dans la wilaya de Biskra, le village de Béni Souik se dévoile comme une sentinelle accrochée aux contreforts des Aurès. Situé à une trentaine de kilomètres au nord-est de Biskra, non loin des palmeraies de Djemmorah et de Branis, ce hameau rural s’élève à environ 600 mètres d’altitude, au pied des reliefs escarpés qui annoncent les montagnes aurésiennes. Son nom, d’origine berbère (probablement lié à « Souik », signifiant « marché » ou « lieu de rencontre » en chaoui), évoque son passé de carrefour communautaire dans cette région stratégique.
Un Village Sculpté dans la Pierre
Les maisons de Béni Souik, bâties en pierre locale extraite des carrières environnantes, épousent les flancs rocailleux de la montagne. Leur teinte ocre, patinée par des siècles d’exposition au soleil et au vent saharien, les fond presque dans le paysage, créant une harmonie visuelle saisissante avec les reliefs environnants. Pour atteindre ce nid d’aigle, il faut emprunter des pistes sinueuses, semées de cailloux et parfois si raides qu’elles défient les véhicules modernes. Ces chemins, autrefois parcourus par des caravanes et des mulets, témoignent d’une résilience séculaire face à l’isolement.
Une Vie Hors du Temps
À Béni Souik, le temps semble suspendu. Loin des standards du confort contemporain – électricité et eau courante y restent rares ou récents –, le village conserve un mode de vie ancestral, hérité des traditions berbères et adapté au rude climat semi-aride. Pourtant, cette simplicité austère est éclipsée par l’hospitalité légendaire des habitants. Dès notre arrivée, des villageois nous accueillent avec des sourires et nous offrent du petit-lait (lben), frais et légèrement acide, tiré du lait de leurs chèvres. Ce geste, ancré dans la culture pastorale des Aurès, dissipe instantanément toute appréhension, nous faisant sentir comme des invités dans une grande famille.
Une Invitation au Cœur du Foyer
Intrigués par cette chaleur humaine, notre guide demande si les femmes du groupe peuvent visiter une maison. La question se mue en une invitation spontanée. À l’intérieur, l’habitation révèle une architecture typique : des chambres modestes s’articulent autour d’un petit patio central, source de lumière et de fraîcheur. Dans la cuisine, une odeur alléchante émane d’un feu de bois où notre hôtesse prépare le repas. Elle nous convie à partager le déjeuner, un moment de communion rare et précieux.
Nous prenons place sur des nattes étalées à même le sol en terre battue, face à une gasâa (plat en bois) remplie de mahkouk. Ce mets traditionnel, dont le nom signifie « le frotté » en arabe, est une spécialité aurésienne. Il est préparé en émiettant des galettes cuites sur un tajine à travers un tamis, puis en les nappant d’une sauce rougeoyante, intensément piquante, à base de piments, d’ail et d’épices locales. Ce plat, humble mais savoureux, incarne la cuisine rustique des Zibans : un équilibre entre ressources limitées et goût prononcé. Le repas, partagé dans une ambiance conviviale, s’achève avec un verre de lben, dont la fraîcheur apaise nos palais enflammés par les épices.
La Palmeraie : Un Éden Sous les Palmiers
Après ce festin, notre guide nous mène à la palmeraie voisine, un écrin de verdure niché au creux de la vallée. Les palmiers-dattiers, dont certains atteignent des hauteurs impressionnantes, dominent des jardins irrigués par des seguias, ces canaux traditionnels hérités des techniques berbères. Le murmure de l’oued Abiod, qui alimente cet oasis, berce l’atmosphère. Sous l’ombre bienveillante des palmes, nous dégustons un thé à la menthe brûlant, accompagné de dattes Deglet Nour, récoltées à maturité parfaite – sucrées, charnues et d’une fraîcheur inégalée. Ce moment suspendu offre une plongée dans la douceur de vivre des Aurès, où la nature et l’hospitalité se conjuguent.
Contexte Historique et Culturel
Béni Souik, bien que modeste, s’inscrit dans l’histoire riche des Zibans et des Aurès. Sous l’Empire romain, la région était un avant-poste agricole et militaire, relié à Vescera (Biskra). Plus tard, sous les dynasties musulmanes puis ottomanes, elle devint un refuge pour les tribus berbères fuyant les invasions ou les taxes. Pendant la colonisation française (à partir de 1844), Béni Souik resta en marge des grands bouleversements, préservant ses traditions face à la modernité imposée. Aujourd’hui, avec une population estimée à quelques centaines d’habitants (non précisément recensée), le village attire les curieux en quête d’authenticité, loin des circuits touristiques balisés.
Un Patrimoine Vivant
Ce hameau hospitalier, avec ses maisons en pierre, sa palmeraie et ses plats comme le mahkouk, est un témoignage vivant du génie local face à un environnement exigeant. Pourtant, l’exode rural et l’érosion menacent cet équilibre fragile. Béni Souik, par sa simplicité et sa générosité, rappelle que le véritable luxe réside dans l’accueil et le partage, bien au-delà des commodités modernes.
Liste des Sites Mentionnés :
Village de Béni Souik : Hameau en pierre accroché à la montagne.
Palmeraie de Béni Souik : Oasis de palmiers et jardins irrigués par l’oued Abiod.
Maisons Traditionnelles : Habitations en pierre avec patio et cuisine au feu de bois.
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Posté par : patrimoinealgerie