
Béjaïa, 25 octobre 2025 – Du 18 au 22 octobre dernier, la ville de Béjaïa a accueilli la deuxième édition du Salon national du livre amazigh, un rendez-vous culturel dédié à la promotion de la littérature et de l'édition en langue tamazight. Organisé par le Centre de recherche en langue et culture amazighes (CRLCA), en partenariat avec la Maison de la culture Taous-Amrouche et l'association Assalas, cet événement visait à créer un espace d'échange entre auteurs, éditeurs et lecteurs. Malgré un programme riche en hommages et en conférences, le salon a suscité des réactions mitigées, notamment en raison d'une affluence modeste et d'une visibilité limitée. Retour sur cette manifestation, qui illustre à la fois les avancées et les obstacles de l'édition amazighe en Algérie.
L'édition 2025 s'est déroulée sur l'esplanade de la Maison de la culture Taous-Amrouche, un lieu emblématique de Béjaïa, berceau de la culture amazighe. Contrairement à la première édition de 2024, qui avait connu des controverses liées à des exclusions d'éditeurs, celle-ci a mis l'accent sur l'inclusivité et l'hommage aux pionniers. Dès l'ouverture, un tribut a été rendu à El Hadi Meziani, fondateur de la maison d'édition Anzar, reconnue pour ses publications en chaoui – une variante du tamazight parlée dans les Aurès. Cet hommage symbolise la reconnaissance officielle des efforts pour préserver et diffuser la diversité linguistique amazighe.
Le programme, étalé sur cinq jours, proposait un mélange d'activités variées : rencontres entre auteurs et public, expositions de livres, conférences thématiques et un panel de clôture. Parmi les temps forts, deux conférences universitaires les 21 et 22 octobre ont exploré l'édition amazighe et la toponymie amazighe, soulignant son rôle dans la transmission de la mémoire collective. Le 22 octobre, à l'occasion de la Journée nationale de la presse, un débat intitulé « Médias amazighs et défis de la pluralité linguistique » a réuni des journalistes de médias publics et privés pour discuter des enjeux de la représentation linguistique. Ces sessions, animées par des chercheurs et des professionnels, ont offert un cadre intellectuel stimulant, même si certains observateurs ont regretté un manque de diversité thématique, avec un recours fréquent à des sujets récurrents comme la toponymie.
Une douzaine de maisons d'édition, originaires de plusieurs wilayas, ont répondu présentes, aux côtés d'une quarantaine d'auteurs et d'écrivains engagés dans la production en tamazight. Des centres de recherche universitaires ont également contribué, enrichissant l'événement d'une dimension scientifique. Selon des rapports initiaux, environ 88 écrivains et 12 éditeurs ont participé activement, permettant la présentation de nombreuses nouveautés littéraires – romans, essais et ouvrages pédagogiques. Cet aspect a été salué comme une opportunité précieuse pour les étudiants du département de langue et culture amazighes de l'université de Béjaïa, qui ont pu découvrir des publications récentes et échanger directement avec les créateurs.
Cependant, l'affluence du public a été un point sensible. Si les amateurs de littérature et les universitaires ont été au rendez-vous pour les conférences, l'esplanade a peiné à attirer un large public familial ou touristique, malgré le potentiel de Béjaïa comme destination culturelle. Des témoignages isolés, relayés sur les réseaux sociaux, pointent un retard dans l'ouverture le premier jour et un espace d'exposition jugé exigu pour les stands, confinant les auteurs dans des conditions inconfortables. L'absence d'une campagne de promotion médiatique soutenue – via radios locales, affiches ou réseaux sociaux – a été particulièrement soulignée, rendant difficile la mobilisation des lecteurs potentiels. Sans grande publicité, le livre amazigh, en tant que produit culturel et commercial, peine à conquérir un public plus large, comme le notent plusieurs observateurs.
Ces lacunes ne sont pas inédites dans le paysage des salons littéraires en Algérie, où les contraintes budgétaires des organismes publics comme le CRLCA limitent souvent les efforts de communication. L'événement, financé par des fonds étatiques, n'a pas bénéficié d'une visibilité nationale comparable à celle du Salon international du livre d'Alger (SILA), qui débute le 29 octobre. De plus, le choix de l'esplanade extérieure, bien que symbolique, a pu être pénalisé par les conditions météorologiques d'octobre, alors qu'un recours aux salles intérieures de la Maison de la culture – y compris la cafétéria ou le salon d'honneur – aurait offert plus de confort et d'intimité pour les débats.
Malgré ces bémols, le salon a rempli son rôle de vitrine pour l'édition amazighe, favorisant des rencontres fructueuses et stimulant les ventes locales. Il rappelle l'importance d'initiatives comme celle-ci pour ancrer la langue tamazight dans l'espace public, surtout depuis sa reconnaissance constitutionnelle. Pour l'avenir, des suggestions émergent : une implication accrue des enseignants et étudiants pour relayer l'événement, des partenariats avec les médias amazighs, et une planification plus anticipée de la promotion. Une troisième édition, potentiellement élargie à d'autres wilayas, pourrait transformer ces défis en atouts.
En somme, le 2e Salon national du livre amazigh de Béjaïa n'a pas été le triomphe escompté, mais il demeure un pas essentiel vers la vitalité culturelle. Il invite à une réflexion collective sur les moyens de relier l'intelligentsia amazighe à son lectorat, pour que la production littéraire en tamazight ne soit pas seulement un acte d'esprit, mais un lien vivant avec la population. Prochain rendez-vous culturel à Béjaïa ? L'avenir le dira, mais l'engagement reste intact.
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : Rédaction