Béjaïa, Algérie – 11 mai 2025 – À l’occasion du 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, l’Université Abderrahmane Mira de Béjaïa organise, du 11 au 13 mai 2025, un colloque international d’envergure intitulé « Les crimes coloniaux de la France en Afrique ». Cet événement, tenu à l’auditorium Boualem-Saidani du campus d’Aboudaou, réunit des historiens, sociologues, juristes et chercheurs d’Algérie, de France, du Sénégal, du Cameroun, de Madagascar, des États-Unis et d’autres pays, dans une démarche scientifique et mémorielle visant à documenter et analyser les exactions commises durant la période coloniale française.
Un rendez-vous scientifique et mémoriel
Ce colloque, qui s’inscrit dans un contexte de relecture critique du passé colonial, coïncide avec une période marquée par des appels croissants à la reconnaissance des crimes coloniaux et à la justice historique. Selon le recteur de l’université, Pr Abdelkrim Beniaiche, l’objectif est de « mettre en lumière les mécanismes de la violence coloniale » et de revisiter les pans occultés ou falsifiés de l’histoire coloniale à travers des communications scientifiques rigoureuses et des projections de documentaires inédits. L’événement ambitionne également de nourrir les revendications mémorielles des sociétés africaines, encore marquées par les séquelles de la colonisation, tout en abordant des questions sensibles comme l’accès aux archives coloniales, souvent verrouillées en France, et les obstacles juridiques à la reconnaissance des crimes coloniaux comme crimes contre l’humanité.
Le colloque s’articule autour de quatre axes principaux :
Les crimes du colonialisme français en Algérie de 1830 à 1962.
Les massacres du 8 mai 1945 dans les médias internationaux, hier et aujourd’hui.
Les crimes français et la déportation dans la mémoire des Algériens, en Algérie et dans la diaspora.
Le rôle des massacres de 1945 dans l’émergence du mouvement de libération nationale algérien.
Une délégation française et un programme riche
L’événement est rehaussé par la présence d’une délégation de parlementaires français, arrivée à Béjaïa le 10 mai 2025, et reçue au siège de la wilaya avant une visite à Kherrata, ville emblématique des massacres de 1945. Cette délégation, engagée dans des démarches de reconnaissance, travaille à une proposition de résolution à l’Assemblée nationale française pour qualifier les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata comme crimes d’État.
Le programme du colloque, qui s’étend sur trois jours, comprend des conférences animées par des figures éminentes du monde académique. Parmi les intervenants :
Denis Alexandre Lahiniriko, maître de conférences à l’Université d’Antananarivo, qui analysera la répression militaire de l’insurrection malgache de 1947-1948, responsable de dizaines de milliers de morts.
Marie Ranjanoro, autrice du roman Feux, fièvres, forêts, proposera une relecture décoloniale et féministe de cette même insurrection à travers la fiction.
Benjamin Claude Brower, professeur à l’Université du Texas, explorera la violence symbolique et la colonisation des noms, soulignant que « la violence coloniale n’a pas toujours besoin d’armes pour soumettre ».
Cheikh Sakho, historien sénégalais, reviendra sur le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye le 1er décembre 1944, un événement qu’il qualifie de « symbole de ralliement pour les forces panafricanistes ».
Gilles Manceron, spécialiste de l’histoire coloniale française, expliquera le « choix funeste » de la France de refuser l’émancipation des peuples colonisés après la Seconde Guerre mondiale.
Alain Ruscio, historien, s’intéressera aux termes employés dans l’historiographie pour qualifier la guerre d’Algérie (1945-1954), plaidant pour une reconnaissance de la « Première guerre d’Algérie » dès 1830.
Aïssa Kadri, sociologue et historien algérien, Hosni Kitouni, historien, Kamel Beniaiche, journaliste et historien, Jacob Tatsitsa et Ferdinand Marcial Nana, universitaires camerounais, enrichiront les débats avec leurs perspectives sur les répressions au Cameroun et en Algérie.
Projections et échanges culturels
En complément des conférences, trois films seront projetés pour les étudiants et le public :
Guelma 1945, un court-métrage inédit de Mehdi Lallaoui (2025).
Algérie. Armes spéciales, présenté à distance par l’historien Christophe Lafaye, qui retrace ses recherches sur les archives coloniales.
Fahavalo, Madagascar 1947, de Marie-Clémence Andriamonta Paes, qui documente l’insurrection malgache.
Ces projections, ouvertes au public, visent à sensibiliser les nouvelles générations aux réalités de la période coloniale et à favoriser un dialogue intergénérationnel.
Un engagement pour la vérité historique
En organisant ce colloque, l’Université de Béjaïa réaffirme son rôle de pôle académique et intellectuel engagé dans les débats de société. Comme le souligne Pr Beniaiche, cette manifestation offre une « opportunité unique » pour les étudiants, enseignants et chercheurs de consolider leurs connaissances et d’échanger avec des experts internationaux sur des événements marquants, tels que les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata (1945), la répression de Madagascar (1947), les exactions au Cameroun (années 1950) ou encore les tortures durant la guerre d’indépendance algérienne.
Ce rendez-vous s’inscrit dans un mouvement plus large pour la justice historique et la dignité des peuples colonisés. Il répond à l’appel de nombreuses voix africaines et européennes pour une reconnaissance officielle des crimes coloniaux, dans l’espoir de construire un avenir apaisé, fondé sur la vérité et la réconciliation.
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Posté par : chouhada