Béchar - Igli

Vieux ksour délabrés, gravures rupestres vandalisées, patrimoine abandonné: Le coeur de la Saoura saigné


Vieux ksour délabrés, gravures rupestres vandalisées, patrimoine abandonné: Le coeur de la Saoura saigné
De notre envoyé spécial à Béchar : Mehdi Mehenni

Taghit, Igli, Beni Abbès, le cœur de la Saoura saigne de la morsure de l’oubli, du mépris et de l’indifférence.

Vieux ksour délabrés, stations de gravures rupestres vandalisées et pièces archéologiques abandonnées dans la nature. Un patrimoine historique qui s’érode au fil des ans, du fait de l’action inconsciente de l’homme couplée à l’immobilisme des pouvoirs publics.

Sait-on que chaque dessin gravé sur chaque pierre de l’erg conte un pan de l’histoire millénaire de l’Algérie ?

A quelque 153 km au sud de Béchar, du haut du minaret du vieux ksar d’Igli, la vallée de la Saoura s’offre à l’œil du visiteur dans toute sa splendeur. A l’est, les dunes de sable doré forment la limite du Grand Erg occidental ; à l’ouest, les montagnes rocheuses du Djebel Béchar déclinant en cascades tirent leur source de l’extrême sud.

Dunes et montagnes se contemplent sur des centaines de kilomètres et accourent vers le nord, en direction des monts des ksour et les dizaines de stations de gravures rupestres.

C’est dans cette terre que bat le cœur de la Saoura, car c’est exactement ici que coulent oued Guir et oued Zouzsfana. C’est la rencontre des deux oueds, d’où l’appellation Saoura, dont la prononciation en langue locale (chleuh) est plutôt «Messaoura».

C’est aussi du haut de ce minaret, que les dizaines de palmeraies de la région s’offrent au regard du visiteur. Un mélange de verdure et de rouge d’argile, dont le contraste de lumières et à la faveur de la clarté du ciel s’accordent parfaitement avec la couleur dorée du sable et le noir charbon des montagnes rocheuses qui cadrent triomphalement le tableau.

Mais c’est aussi et surtout du haut de ce minaret que le visiteur constate tristement l’état de délabrement très avancé d’Aghram Akdim d’Igli (vieux ksar). Seul le minaret de la zaouïa du ksar reste encore debout.

Quoique le risque est réel pour celui qui, pris par la fièvre d’un paysage ensorcelant et à la recherche davantage de vues panoramiques, trouve le courage de l’escalader. C’est dans ce vieux ksar bâti en 1202, que Sidi M’hamed Ben Otmane réunissait les tribus de la région d’Igli. Les Bouziane, les Ouled El-Ayachi, les Ouled Saïd et les Chorfa constitueront sous l’aile de son burnous une force incontestable dans la région d’Igli.

Sur une photo datant de 1933, 4 tours de garde apparaissaient encore, ce qui renseigne sur l’existence à cette époque d’une organisation militaire dans le ksar.

La place Tamaamart (tadjmaat), où se regroupaient les sages des tribus, est encore repérable et laisse supposer qu’une bonne organisation sociale régnait.

Une partie de la zaouïa de Sidi M’hamed Ben Otmane, à savoir sa mosquée et son minaret, sont miraculeusement encore debout, mais le risque d’effondrement reste omniprésent.

Mustapha Ben Otmane, un descendant de l’unificateur des tribus d’Igli, habitant aujourd’hui une modeste bâtisse de la localité, se porte volontaire pour faire visiter les ruines du ksar de ses aïeux et raconte ces histoires et anecdotes transmises de bouche à oreille de génération en génération, et que personne n’a pris le soin de transcrire depuis le temps.

Il fera savoir, à titre d’exemple, que de toutes les zaouïas de la Saoura et ses environs, celle de Sidi M’hamed Ben Otmane est la seule qui n’a pas de tariqa (une méthode). Seuls le Coran et les principes fondamentaux de l’islam étaient enseignés dans la zaouïa qui jouait le rôle d’une mosquée et d’école coranique.

La preuve est que ce jour-là, le mardi 27 décembre 2011, et dans le cadre de l’organisation de la douzième édition du marathon des dunes, un groupe de touristes, des Françaises et des Autrichiennes, ont pu accéder à ce qui reste de la zaouïa, pour escalader le minaret sans aucun protocole.

Ce qui dans une autre zaouïa n’aurait pas été possible, car un certain nombre de rituels sacrés doivent être accomplis, commençant par le port du voile et le retrait des chaussures.

Pendant que le groupe de touristes découvraient à sa grande stupéfaction la vue panoramique qui s’offrait du haut du minaret, un muezzin lançait l’appel à la prière, histoire de montrer que cette mosquée ancienne de huit siècles accueille toujours ses fidèles.

Mais cet ensemble de détails démontrent on ne peut plus clair que les habitants de la région considèrent le ksar et sa zaouïa plus comme un patrimoine historique qu’un lieu sacré ou de rituel. Une ouverture de l’esprit qui n’a pas manqué d’étonner les visiteurs.

Pillage, vol et destruction

C’est dans cette zaouïa qu’autrefois, toute personne pourchassée ou menacée de mort trouvait refuge. A l’époque, lorsqu’un individu, qu’il soit citoyen du ksar ou étranger, violait l’ordre social ou religieux en commettant un crime, lorsqu’une femme était surprise en flagrant délit d’adultère, les habitants du ksar étaient autorisés à les battre à mort. Mais si jamais les fauteurs réussissaient à prendre la fuite et atteindre le toit de la zaouïa, plus personne ne pouvait les approcher.

Une fois à l’intérieur, ils jouissaient de la protection de Sidi M’hamed Ben Otmane et c’était à lui et aux sages des tribus de juger du châtiment ou de la grâce à donner. C’est également dans cette zaouïa dotée d’une immense bibliothèque que le savoir rayonnait. Les manuscrits de cette bibliothèque portant les témoignages et les connaissances d’une époque du Moyen-Âge, alors qu’ailleurs la barbarie et le pillage étaient le mot d’ordre, ont été vus pour la dernière fois, selon Mustapha Ben Otmane, en 1978.

Les maisons du ksar, ses locaux de commerce, les fours traditionnels des boulangeries encore visibles, sont dans un état de dégradation très avancé. Les toits et les murs ont croulé sous le poids du temps et surtout le peu d’intérêt accordé à la conservation de ce patrimoine.

C’est dans ce ksar qui depuis l’indépendance n’a jamais été restauré, qu’aujourd’hui des jarres entières, très anciennes, les unes en bon état les autres fracassées sont abandonnées à même le sol. C’est au milieu des décombres de ce ksar que ces jarres d’un style artisanal exceptionnel, datant certainement de plusieurs siècles, sont exposées au vol, aux aléas de la nature ou carrément à la destruction.

Les enfants d’Igli, faute d’aires de jeux, passent leur temps à jouer et à courir dans les ruelles, sur les toits et à l’intérieur des locaux et des maisons du vieux ksar, piétinant involontairement ces jarres.

Ne connaissant pas la valeur qu’elles représentent, ces enfants accélèrent le processus de destruction d’un patrimoine qui sous d’autres cieux aurait fait l’objet du plus grand soin.

Mais est-ce la faute à ces enfants, à qui l’on n’a pas expliqué la valeur d’un tel trésor ?

Mais est-ce que le vieux ksar est au moins gardé, clôturé ou protégé ?

Exposé aux quatre vents, tout le monde peut y accéder et se servir volontiers de ces innombrables pièces archéologiques. Tellement de choses restent enfouies sous les décombres et plus d’un citoyen d’Igli affirme qu’il a déjà trouvé des pièces de monnaie très anciennes, certaines même sur lesquelles figuraient l’étoile de David, ce qui entre autres atteste que les commerçants juifs se rendaient souvent dans la région.

Plus d’un citoyen d’Igli affirme que tous ceux qui visitent le ksar repartent les poches pleines… d’objets très intéressants !

Et ce n’est pas tout. Comme ce ksar représente le dernier aghram qui a rassemblé les tribus de la région, Mustapha Ben Otmane croit savoir, à travers des recherches, que pas moins de huit autres ksour l’ont précédé. Entre autres, Aghram Nat Saïd, Aghram Noughil et Aghram Nat Bouziane. Ce dernier, dont aucune trace n’est aujourd’hui visible, était situé sur le flan droit de l’oued Saoura à l’entrée de la ville d’Igli. Les habitants de la région qui ont creusé dans un passé récent des puits d’eau dans le terrain sur lequel ce Ksar a été bâti ont découvert des fragments de poteries très anciennes.

Existe-t-il toujours, et que seulement la constante mouvance de la terre l’a préservé ?

Seules des fouilles archéologiques peuvent faire la lumière sur tant de choses dont rien ne justifie leur méconnaissance.

L’Autrichienne et la direction de Tlemcen

C’est à environ 50 km à vol d’oiseau, au nord d’Igli, plus précisément dans le territoire de Taghit, qu’une somptueuse station de gravures rupestres, datant de la préhistoire, reste exposée au vandalisme.

Toujours dans le cadre de la douzième édition du marathon des Dunes, des participants étrangers ont profité de leur séjour dans la région pour aller visiter cette station qui se situe à 16 km au sud de la ville de Taghit. C’était un jeudi 29 décembre 2011. Les participants à cette manifestation sportive arrivent sur les lieux. A environ cent mètres de la station, le décor est captivant, sauf que des graffitis sur la montagne rocheuse abritant les gravures rupestres gâchent le tout. Des mains destructrices sont venues attenter à la pureté de cette station en inscrivant d’une peinture blanche «Tlemcen», une «flèche» indiquant sa direction et une série de «prénoms».

L’attaché commercial au niveau de l’ambassade de la République d’Autriche à Alger, qui était parmi le groupe de visiteurs, n’a pas manqué l’occasion d’ironiser : «Ah ! voilà la peinture rupestre ! Ça nous indique la direction de Tlemcen !» Histoire de dire que c’est cela que nous sommes venus voir. La honte !

Plus grave encore, même sur une gravure rupestre, des vandales bien de cette époque ont trouvé le moyen d’écrire des choses ridicules et de déformer la beauté de ce tableau préhistorique qui a survécu à toutes les époques, sauf à l’actuelle. C’est comme une fausse note dans une parfaite symphonie dont l’écho pourrait, d’une part, attirer des milliers de touristes et de visiteurs et d’autre part conter à celui qui veut écrire de l’encre dorée de ses dunes de sables les épisodes historiques de cette parcelle précieuse de la terre d’Algérie.

Si cette station n’est point protégée, qu’en est-il du vieux ksar situé au centre de Taghit qui perd chaque jour un peu plus de son authenticité ?

Une bonne partie s’est déjà effondrée. Combien encore de vieux ksour, très nombreux dans la région, sont tombés en ruine et continuent de se dégrader devant l’immobilisme d’un ministère de la Culture occupé à organiser des manifestations musicales et de danses orientales sans le moindre intérêt. Occupé à débourser des budgets colossaux dans des projets d’aucun bénéfice pour la culture et l’identité algériennes.

Une triste réalité que le mutisme des différents responsables en charge de ce pays rend fatale.

Un visiteur, qui a trouvé dans la région, le mardi 27 décembre 2011, des bivalves et des ammonites datant d’environ 35 millions d’années, les a mis dans un sac et les a pris pour décorer le salon de sa maison.

Qui était là pour l’arrêter, pour interdire ce pillage des richesses de la Saoura ?

Personne. Le premier venu peut se servir à sa guise tant que ce patrimoine n’a pas trouvé de protecteur et de conservateur. Un patrimoine délaissé au milieu de ce que certains ont injustement baptisé «désert». Car c’est ici que coule la vie, à la faveur de l’air pur et sain des montagnes de Djebel Béchar, la fraîcheur des palmeraies que traversent l’oued Guir et l’oued Zouzsfana, le contraste des lumières que projette le soleil au contact des dunes de sable doré ou encore le sourire naturel sur ces visages accueillants de la population locale.

M. M.

Igli ya daouia…

Le nom Igli provient selon des autochtones d’un dicton qui dit : «Igli est un four où l’on disparaît sans retour.» En langue locale (chleuh), Igli veut dire la «jonction». En référence à la rencontre des deux oueds Guir et Zouzsfana.

Cette localité du sud-ouest algérien se situe à 153 km de Béchar, entre deux localités touristiques célèbres, en l’occurrence Taghit et Béni-Abbès. Très méconnue par les gens du Nord, Igli n’a rien à envier à Taghit et Béni- Abbès ou encore Timimoun. C’est un véritable coin ensorcelant qu’un passager dans la région ne doit en aucun cas occulter.

Igli ya daouia, c’est dans sa clarté que l’esprit s’illumine et dans la profondeur de ses horizons que le regard se perd et se morfond. C’est à la faveur des contrastes de ses lumières que le cœur rayonne et c’est dans les bras de la grandeur de ses montagnes que le soleil se lève et se couche. Son éclat ! Même au soulèvement des vents de sable l’œil ne frémit pas. Sa verdure ! C’est dans ces palmeraies que l’âme vogue à la recherche d’une quiétude infinie. Chant du vent, fraîcheur matinale, ciel étoilé ! C’est ce cri de la vie qui repose l’esprit et le vide des parasites des grandes villes, bruyantes, impures et surpeuplées. C’est l’ivresse de son air pur et sain, et les caresses des rayons de ses astres qui remettent le moral des vicissitudes de la vie au nord. C’est ce sourire si franc, innocent et naturel qui réhabilite, enfin, l’homme dans son être.

M. M.

12E ÉDITION DU MARATHON DES DUNES

Le sport au secours du tourisme

La douzième édition du marathon des Dunes, une manifestation sportive organisée par Sport Events International (SEI), a permis à des touristes étrangers et algériens de découvrir une superbe région du sud-ouest algérien, à savoir la localité d’Igli, dans la wilaya de Béchar.

C’est entre le 26 décembre 2011 et le 1er janvier 2012, que des Algériens établis à l’étranger, dont un venu de la Nouvelle-Calédonie, vont découvrir pour la première fois leur pays, ainsi que des touristes de nationalité étrangère ont pu profiter de cette rencontre sportive pour visiter les vieux ksour de la région, découvrir la culture locale, les plats traditionnels…

Un événement sportif auquel s’associent culture et tourisme, une occasion même pour les habitants de la région de faire connaître leur ville et ses vertus. Compétition sportive dans la matinée, visites guidées et des plats de couscous dans les ruines des ksour l’après-midi, chants et musique traditionnels sous el-kheïma la nuit, cette rencontre a eu le mérite de faire sortir une localité algérienne de l’anonymat, voire de l’oubli.

Le marathon s’est déroulé en trois étapes, et a été remporté dans la catégorie hommes par Mohamed Akbli, un coureur d’Adrar qui a défendu les couleurs de la Sûreté nationale, suivi en deuxième position de Abdelatif Chentouf, un coureur de la localité d’El-Ouata, et en troisième position par Seddik Hamadi, un jeune homme de 17 ans, à qui beaucoup de participants ont prédit un avenir radieux.

Dans la catégorie femmes, Tassaâdit Taharaount, une Algéro-Française de Sochaux, a arraché la première place, suivie de la Française Françoise Temperman, et de l’Autrichienne Khatarina Reiterer.

M. M.
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