Béchar - Pollution

BECHAR : entre maux et malaises.




Béchar est souvent affublé du titre grandiloquent de "capitale du Sud-Ouest". Cette
agglomération a-t-elle seulement les caractéristiques et les qualités requises d'une ville digne de
ce nom ? C'est loin d'être évident et le contraire se rapprocherait plus de la réalité. Vue de
plusieurs angles, ce serait plutôt une ville chroniquement "sinistrée". Mais, il ne s'agirait pas d'un
sinistre dû à des catastrophes de la nature. Tant s'en faut ! Les éléments naturels sont ici plutôt
cléments contrairement à ce qu'on serait enclin de penser en ces contrées désertiques. C'est rare
qu'un "tsunami de sable" soit à l'origine de dégâts aussi irréparables que ceux causés par les
humains.
Il a été permis à votre serviteur d'évoquer dans ces colonnes "de la culture" à Béchar (le
Q.O. des 13 et 14 avril 2004 : Abdallah AZIZI - "Béchar, le désert et la culture : entités
antinomiques ?"). Dans cette nouvelle contribution, nous envisageons d'examiner et de faire
connaître d'autres aspects de cette ville, notamment sur les plans urbanistiques et architecturaux.
Quant à l'activité économique, elle se limite au bazar. L'industrie est inexistante. L'agriculture,
fantasmatique est une vue de l'esprit. Au passage, nous évoquerons la problématique générale du
manque d'hygiène qui un fléau national, avec ici des côtés aggravants.
Du point de vue démographique, il faut savoir d'emblée que les deux tiers environ de la
population de toute la wilaya vivent au niveau du chef-lieu. "Vivre" est une façon de parler : une
frange importante de cette population survit. Les quelques cent soixante à deux cent mille âmes
que compte l'agglomération classeraient celle-ci dans la fourchette des villes moyennes du pays,
sans pour autant égaler la moyenne d'entre elles sur le plan du développement, celui-ci restant
très relatif pour l'ensemble et diversement apprécié d'une ville à l'autre.
Pour cerner de près la réalité, il faut dire que l'état général de la ville, passable jusqu'à la
fin des années soixante dix (fin du boumédiénisme), a commencé à se dégrader de façon
exponentielle dès le début des années quatre vingt, pour atteindre aujourd'hui les proportions
catastrophiques que l'on sait. Effectivement, on a la triste impression que certains "responsables"
(administratifs et élus) qui ont présidé au destin de cette ville pour la période considérée,
n'auraient fait "que passer" : "marrou mourour el kiram". Ceux qui auraient marqué la ville par
quelques projets pouvant faire date, se compteraient sur les doigts d'une seule main. Et encore !
En effet, quand on y regarde de près, il s'agirait de projets qui se sont imposés d'eux-mêmes
notamment du fait de la poussée démographique des premières décennies de l'Indépendance.
Autrement dit, il s'agirait de projets incontournables : logements, centre universitaire, lycées,
centres de formation, écoles primaires et CEM.-.Des dépenses publiques suscitées .par ces
projets ont enrichi une très petite minorité. Quelques goudronnages sporadiques et inefficaces,
sont aussitôt défoncés qu'étalés... Cette dernière donnée est "une constante" (il en existe d'autres
!) : mettre du goudron aujourd'hui et le défoncer demain. La ville a connu sa "Maison de la
Culture" et son "Musée" (et quel musée !) en 2004. Depuis, quelques manifestations culturelles
timides autant qu'embryonnaires, voient le jour aujourd'hui pour s'évanouir demain sans laisser
de traces.
Il n'est pas ici question de faire le procès de quiconque, mais les faits récurrents sont
tenaces. La responsabilité est générale. Nous avons toujours les dirigeants qu'on mérite. Le
proverbe arabe, (un aphorisme universel) ne dit-il pas que "faqidou chai îaayu'ttih" (celui qui n'a
rien à donner ne peut rien donner). Les "certains hommes" qui n'auraient fait "que passer" ne
manqueraient pas d'arguments pour justifier cet état de fait s'ils étaient mis en cause. Leurs
arguties seraient facilement imaginables et pourraient se résumer en ces quelques mots :
"manque de moyens matériels, humains et financiers". Tout est dit. Mais malgré ces carences, les
hommes en question ne sont pas restés les bras croisés. Ils ont "travaillé". Ils ont certes œuvré,
mais est-ce dans le sens que le citoyen et l'Etat sont en droit d'attendre d'eux en toute légitimité ?
Serait-il tabou de dire qu'en attendant des jours meilleurs, certains ont expédié les affaires
courantes, ont tenus des réunions interminables, ont achevé quelques projets initiés par eux ou
par leurs prédécesseurs et relégués d'autres aux calandres grecques. Il semble que pour ces "cas
d'espèce" les jours meilleurs, seraient ailleurs. Parfois, le passage ici obligé deviendrait une
opportunité, un tremplin pour d'autres promotions, d'autres horizons. Autrement dit, une.question
de mettre le pied à rétrier pour l'ascension vers d'autres sphères, d'autres cimes plus valorisantes
et évidemment plus rémunératrices.
Cependant, avoir de l'ambition n'est pas une tare en soi. Aussi, toute réussite doit avoir
pour corollaires des efforts intellectuels et physiques réels, positifs, visibles, lisibles au service
d'une mission donnée (noble). Aux résultats probants il faudrait le cas échéant applaudir très
honnêtement. Dans le même ordre d'idées, un responsable n'a que plus de mérite s'il réussit sa
mission dans les collectivités territoriales les plus déshéritées et les plus difficiles à gérer : entités
enclavées, entités à climats rudes et aux reliefs chahutés et froids (montagnes) ou chauds et
arides (Hauts plateaux. Sud et Grand Sud) qui sont de par leur nature intrinsèque pauvres. En ces
contrées difficiles ne devrait-on pas y nommer que les cadres les plus compétents ? Les plus
aguerris ? En effet, gérer une entité territoriale bien positionnée géographiquement, riche en
ressources humaines et matérielles, serait rouler sur du velours pour n'importe quel cadre moyen.
A contrario, certains ne verraient dans leurs nominations en des entités déshéritées
(qualifiées parfois avec mépris "de bleds perdus") que comme "mesures disciplinaires"
équivalant à une punition qu'ils pensent ne pas mériter. Mais quand ils s'y feraient quand même,
il arrive qu'ils y prennent goût. Car, comme aime à dire un ami qui affectionne l'humour
caustique : "II y a des fois le beurre, l'argent du beurre, le sourire de la fermière et la bénédiction
du crémier, et ce n'est pas de refus !".
URBANISME ET ENVIRONNEMENT :
Malgré un plan d'urbanisme directeur (PUD) que l'on peut qualifier de sérieux, la ville
donne l'image de s'être "développée" de façon anarchique. Mais, "développée" serait trop dire,
car ce terme implique une certaine rationalité dans le développement, conséquence d'une
expansion intelligente et réfléchie du tissus urbain. Or ce n'est pas le cas. Hélas ! La ville ne s'est
donc pas développée, mais s'est étalée comme une tâche de cambouis sur une feuille de papier
immaculée. Elle s'est "répandue" là où elle a pu, au gré des lots de terrain distribués de façon
anarchique, de chaque côté de cette pestilentielle césure qu'est l'oued Béchar.
Pour rappel un PUD envisage généralement des prévisions socioculturelles
démographiques et économiques s'étalant sur le long terme : 50, 100 ans... Il permet ainsi toutes
latitudes d'action aux responsables pour une utilisation appropriée et rationnelle de l'espace dans
le temps. En effet, il ne s'agit pas de remplir un espace vide parce qu'il est vide ! Dans ces
conditions, si on n'en prend garde, tous les espaces destinés à être verts, toutes les aires de jeux,
les cours et autres espaces réservés aux extensions futures des établissements d'enseignement et
de formation, parce que bien positionnés sur le plan urbanistique, seraient "squattés" par les
puissants du jour (la tentation est grande !), et les établissements concernés réduits à des peaux
de chagrin.
Béchar est peut être - si ce n'est certain - la seule ville du Sud qui n'a aucun cachet propre.
Son vieux ksar grignoté, voire phagocyté par une urbanisation envahissante et anarchique, ayant
subi beaucoup de dégradations, ne présenterait plus qu'un intérêt mineur en tant que vestige
historique. A défaut d'avoir un cachet "sud", on aurait pu espérer que la ville puisse avoir un
semblant d'harmonie architecturale quelconque, un certain style d'habitat qui n'exclut pas
forcément une architecture archétypale. Que nenni ! Nous n'avons que des constructions
bâtardes, un pis-aller qui ressemble à n'importe quoi et à rien. Mais si ce "rien" n'était d'une
laideur affligeante, il aurait pu encore susciter (par mansuétude !) quelques circonstances
atténuantes. Comment cela ce fait-il ? Comment cela est-il possible ? Seule l'évidente incurie
générale peut expliquer ce phénomène. Il faut croire que la majorité des citoyens y est
indifférente ou ne sait pas voter. Les gens construisent mal leurs propres maisons. Quand les
bonnes volontés existent, elles font penser à l'adage qui dit "que l'enfer est pavé de bonnes
intentions".
A Béchar comme ailleurs, la frénésie du béton subjugue. Tout le monde construit. Enfin,
presque tout le monde. Avec un permis dûment délivré par les autorités compétentes. Parfois
sans. Mais, ici très rares sont les gens qui respectent leurs propres plans de construction. Pour
réduire les frais occasionnés par ces plans, souvent les auto-constructeurs (les argentés comme
les pauvres), les font faire par des petits dessinateurs. Les plans ainsi confectionnés sont ensuite
présentés à un bureau "d'études" d'architecture agréé qui y appose sa griffe contre une somme
d'argent convenue. Les tampons de l'architecte sur les plans servent uniquement à obtenir les
autorisations officielles pour lancer les travaux. Puis on construit comme on veut. C'est une
pratique généralisée, qui ne concerne pas spécialement Béchar mais ici, en tout cas, elle est
monnaie courante. Tout le monde le sait, personne ne s'en souci. D'ailleurs dans l'imaginaire
populaire le rôle de l'architecte et son utilité pour les constructions individuelles ne sont pas très
bien perçus et paraissent comme superfétatoires. Par ailleurs, rares les auto-constructeurs qui
achèvent entièrement leurs maisons dans les délais et surtout dans le respect des règles de l'art.
Rares également les auto-constructeurs qui pensent à donner à leur construction un semblant de
cachet local (archaïque pour certains, trop cher pour d'autres). Mais qu'à cela ne tienne : ne
peuvent-ils se conformer, ne serait-ce qu'à leur "propre style" comme ce fut le cas pour les
constructions anciennes des ksour que certains experts qualifient à juste titre "d'architecture
spontanée" ? Quoique "l'architecture spontanée" a toujours correspondue à des besoins divers
notamment de défense, à des besoins culturels et économiques précis. Il est vrai que les progrès
techniques fantastiques, la modernité, l'évolution rapide et époustouflante du monde, bousculent
les traditions et sont à l'origine d'une perte parfois brutale des repères civilisationnels, d'où
l'apparition de certains comportements schizophréniques incoercibles.
Dans les constructions individuelles, la vison mercantile prédomine. La formule la plus
répandue chez ceux qui disposent de fonds est : garages, locaux commerciaux au rez-de-chaussée
et logement(s) aux étages supérieures, avec des façades inesthétiques et des balcons où personne
ne va jamais. Ces derniers constituent certainement une perte considérable d'espace, de matières
diverses, d'efforts et bien sûr d'argent. Il est vrai que les gens sont libres de construire leurs
maisons comme ils l'entendent. Mais est-ce n'importe comment ? Cela n'existe dans aucun pays
qui se respecte. En ce domaine les services de l'urbanisme sont quasi-absents.
A Béchar, il n'existe pas de quartiers huppés. L'urbanisation est hétéroclite. Plus on
s'éloigne vers la périphérie, plus des auto-constructeurs en état d'impécuniosité ci-ironique,
réalisent noiens volens sur un bout de terrain pour lequel ils se sont saignés, une, deux ou trois
pièces, une cuisine et un sanitaire qu'ils sont pressés d'habiter sans autre forme de procès.
Souvent dans ces cas là, la façade en parpaings nus ou en briques rouges demeure en l'état, et les
barres de fer en amorces dépassent sur les ten-asses. Ces barres de fer rond qui se dressent vers le
ciel, au-dessus de beaucoup de maisons, sont "les barres des enfants" : l'idée commune est que
ces derniers, quand ils seront grands, pourront construire leurs propres maisons en étages sur la
maison parentale ! Dans cette projection, on aurait ainsi, dans un ordre ascendant, la chronologie
des générations à venir à travers la superposition des habitations au fur et à mesure que "la tribu"
s'agrandit...En quelque sorte, on pourrait lire de bas en haut, dans un béton grossier, l'arbre
généalogique des familles.
Toutes ces maisons jamais achevées, aux parpaings nus ou en briques rouges, aux barres
de fer qui dépassent des toits, aux façades lépreuses, donnent de Béchar l'aspect d'une ville ayant
subi des bombardements aveugles. Avec tant de laideurs avérées, on ne peut faire mieux pour
répugner les touristes tant nationaux qu'étrangers à visiter ce grand Sud à la beauté légendaire.
Mais, fort heureusement et malgré les outrages que celui-ci ne cesse de subir, il continue de
receler des potentialités éternelles, à portée de main, qui ne demandent qu'à être exploitées. Mais
là aussi, on va de Charybde à Cilla, c'est-à-dire d'un point sombre à l'autre : l'absence quasi-totale
d'une politique touristique fait pendant à l'inexistence d'infrastructures hôtelières dignes de ce
nom. L'immense palmeraie, en état de décrépitude avancée, rappelle encore que la ville fut une
paisible oasis saharienne. Adossé à cette palmeraie, il existe un magnifique site naturel dénommé
"erg Gouray", une énorme et majestueuse dune d'un sable doré en plein cœur de l'agglomération,
que la nature a agrémentée ça et là de quelques "touffes" de palmiers "bore" (sortis des sables
sans être plantés ni in-igués par l'homme). Cette magnifique dune est actuellement une sablière
non-stop où tout le monde puise un sable fin pour tout usage. Les palmiers (de la dune), phoenix
pathétiques, mènent une lutte perpétuelle contre le bayoud (cancer du palmier) et doivent de
surcroît, mener un autre combat inégal, contre un ennemi autrement plus coriace : le béton. Ils
disputent à celui-ci chaque empan de leur espace originel, avec l'inexorable et émouvante
certitude que ce dernier finira tôt ou tard par avoir le dernier mot. Ce site déjà sérieusement
éprouvé, est en danger de mort !
Qu'en est-il des logements réalisés par les organismes publics de constructions ? Nul
besoin d'être grand clerc ni un maniaque esthète du bâtiment, pour constater que ces réalisations
sont catastrophiques tant sur le plan architectural que sur le plan de la qualité de la construction.
Hélas ! Les anomalies et autres malfaçons sont légions. Certains correspondants locaux de presse
signalent de tant à autres quelques bribes de ces calamités. En effet, rien n'est droit, les travaux
de finitions et d'esthétique générale sont inexistants. A croire que les outils du maçon ont déserté
ce pays alors que les magasins de quincaillerie en regorgent. Le Président de la République ne
rate pas une occasion pour fustiger cet état de fait, cette incurie du travail mal fait, cette "absence
du fil à plomb qui fait que le mur est tordu". Néanmoins, "l'absence du fil à plomb" ne serait que
le symbole emblématique de l'incurie générale. Malheureusement d'autres outils sont absents :
notamment la règle en bois qui fait les arrêtes et les angles droits, qui fait que le crépi est moins
gondolé, des plafonds aux surfaces bien planes, et le niveau à eau et le cordeau etc. Et surtout
rien ne remplace le savoir-faire ! Bâtir est un métier. On ne peut pas s'improviser maçon ou
entrepreneur du jour au lendemain. Le bâtiment est un art qui a ses règles. Sur ce chapitre, en ce
qui concerne les constructions publiques, on ne peut pas concevoir que le travail ne soit pas
contrôlé par qui de Droit. D'où la déduction logique qu'il y a complicité et/ou incompétence.

Ainsi, "le "beau", "le bien fait", (c'est-à-dire ce qui est droit, rectiligne et qui fait plaisir à
l'oeil) à quelques rares exceptions, ont déserté nos villes et villages. En somme la maçonnerie de
bonne facture, qui demeure la norme, a pratiquement disparue. Chez une certaine génération
d'Algériens, elle persisterait sous formes rémanentes de lointains souvenirs. Quant aux nouvelles
générations, elles ne savent pas ce que c'est. A titre d'exemple, les "grands cubes" des cités-
dortoirs soviétiques réalisés à l'époque stalinienne, seraient des pavillons de haut standing
comparés aux énormes et laids blocs jaunes parallélépipédiques qui constituent les nouvelles
cites du sud de la ville ou ceux, bordant la route en allant vers Bidon II. Pour ce qui est des
conditions de réalisations, d'après "tout le bien" qui en est dit par les connaisseurs fort
heureusement, la ville ne se trouve pas sur une zone sismique sinon nous serions à la merci
d autres Boumerdès, d'autres tragédies.
Ces modestes remarques nous paraissent d'autant plus pertinentes que le pays
s'apprête à lancer un programme de un million de logements d'ici l'horizon 2009. Avec
quels "maçons" (entreprises) allons-nous réaliser ce programme ? Il serait opportun d'ors
et déjà de penser à la qualité des constructions, tant en ce qui concerne l'aspect
architectural que sur le plan technique pour ne pas tomber dans le travers des cités des
"gourbis améliorés". Quant à l'attribution des marchés, le Président de la République a été
catégorique : "plus de gré à gré". Autrement dit, au moins en ce domaine "il n'y aura plus
de corruption !"
HISTORIQUE PRE ET POST-COLONIAL
Sur le plan purement urbanistique, cette ville avait bénéficié dans les années soixante dix
d'une chose dont peu d'agglomérations, pas seulement en Algérie mais de par le monde auraient
bénéficie. Une aubaine inestimable à savoir : la rénovation de son centre. En effet on ne peut
toucher ou modifier en profondeur le centre d'une ville sans avoir à résoudre des problèmes
multidimensionnels et hyper inextricables. A moins d-avoir, l'époque, le génie et les moyens d'un
Haussmann, ce baron qui révolutionna le centre de Paris au XIXème siècle, et qui avait par voie
de conséquence, créé l'émulation et l'exemple en matière d'urbanisme dans le monde Mais
personne n'aura l'incongruité ni l'outrecuidance d'attendre une pareille chose des responsables
dune petite ville du désert algérien : la wilaya de Bêchai- n'est pas l'Etat du Texas (que l'on croît
a tort a climat aride du fait des films western) et Béchar n'est pas Dallas. Et comme il n'est pas
interdit de rêver, un ancien maire de la ville des années soixante réalisa la première cité du centre
ville, d un style archétypique quelconque qui passait à l'époque pour le née plus ultra (aujourd'hui
cette cite s est clochardisée") : trois bâtiments de trois étages, auxquels on y ajouta une tour
quelques studios et un jet d'eau (à sec depuis sa réalisation). Ce brave élu éfélèniste aujourd'hui
décède (que Dieu lui accorde sa Sainte Miséricorde) téléphonait à son père pour lui annoncer
quil était en tram de transformer "sa ville" en San Francisco ! Rien que ça ! Dans cette lubie
amencamste partagée avec son exécutif et que le brave homme manifestait avec exubérance il
ny avait pas que de la fantasmagorie et du fantasque mais aussi une erreur de géographie • San
Francisco nest pas une ville du désert. Peut être la confondait-il avec Las Vegas ?! A chacun son
rêve américain !
Néanmoins, dans des proportions infinitésimales, il était venu à l'esprit des responsables
en ces années de grâce 1960-70, à la faveur de crédits particuliers dits REGLES p ove^ant de 1^
fiscalité pétrolière, de démolir et de refaire le centre de l'agglomération. Le projet étanZsable
Ise rouvart qu'a l'époque, la majorité des vieilles constructions au cœur de la vil hiSorSÏe
(quartier juif), étaient des "biens vacants" et donc propriété de l'Etat. Ces v eux iÏeubie 'en
toub ont pu être récupérés et leurs anciens locataires recasés ailleurs. Les premiers îlots de
maisons ont été rasés avec la satisfaction générale de la population. Cependant, celle-ci n'allait
pas tarder à déchanter. En effet, dès que les premiers nouveaux blocs surgirent du sol ce fut la
consternation générale : ce furent des constructions d'une trivialité affligeante. S'attendant
légitimement à de grandes innovations pour le centre de leur ville, (Adieu le mini "Dallas"
saharien rêvé et autre San Francisco !), les citoyens de la cité ont eu droits à des blocs
monolithiques à un étage (R+l), enfermant des logements de trois pièces, imbriqués les uns dans
les autres en un embrouillamini d'une laideur affligeante. Aucune esthétique, aucune
fonctionnalité, aucun confort physique ni visuel et beaucoup de courants d'air... Mais ce qui
parait ubuesque dans l'affaire, voire tragi-comique, c'est que les concepteurs de cette "laideur
monumentale" (à prendre au pied de la lettre) prétendaient que ce "style" était inspiré de
l'architecture traditionnelle des vieux ksars de la région dont le ksar de Béchar était un des
exemples types ! Il fallait être frappé de cécité absolue pour imager que cela puisse être ainsi.
Ce qui est dramatique dans ce genre d'erreur est qu'il n'y ait personne après pour prendre
la responsabilité de démolir et de refaire. A quel prix en effet ?! Des erreurs qui coûtent
effectivement très cher. Mais qui rend des comptes ? Néanmoins, en ce qui concerne ce cas
d'espèce il y a une explication à cela mais qui n'excuse nullement l'imposture. A l'époque, les
architectes algériens étaient peu nombreux dans le pays et encore moins dans le sud. A telle
enseigne qu'un jeune coopérant belge, architecte de son état, sorti frais émoulu de son école
wallonne, faisait la pluie et le beau temps au niveau des services de l'habitat et de la construction.
Il avait assis sans conteste sa domination technique sur les services en question. Il a joué les Le
Corbusier à peu de frais pour lui et des frais incommensurables pour nous. Avec sa rhétorique
rodée sur l'art architectural froid de "son plat pays", il pouvait sans coup férir, imposer aux
autochtones ébahis, ses vues sur la culture et l'architecture de leur propre pays ! Ce technocrate
en herbe fut à l'origine des "horreurs" dont il est question ci-dessus avec la bénédiction de nos
responsables de l'époque.
Pour la petite histoire, cet architecte avouait en public que chez lui (en Belgique), on ne
lui aurait même pas donné à faire une petite bicoque. Ce en quoi il devait être sincère ! Par contre
chez nous, on lui confia, la réfection du centre d'une ville (heureusement qu'on ne réalisa qu'une
partie du projet) et par ailleurs, la conception de deux villages de 480 logements chacun environ.
Heureux de l'aubaine, il s'était fait les dents sur les projets en question avec, certainement, la plus
grande des délectations. En effet, là où la traîtrise atteint son summum est qu'il en profita pour
signer de ses initiales un des villages. Ainsi, vu de haut (il faudrait prendre un hélicoptère et
survoler le village pour le vérifier), les maisons imbriquées les unes aux autres, formeraient les
deux initiales des nom et prénom du quidam.
Sous l'occupation coloniale, la population européenne était surtout concentrée au nord du
pays, en quelque sorte dans "les zones utiles", sur le littoral. Les colons qui se croyaient les
maîtres absolus du pays et pour l'éternité, reproduisaient généralement l'architecture de leur pays
d'origine voire de leurs régions natales. Ceux qui se fixaient dans le sud étaient donc rares. En
outre, ^les "territoires du Sud" n'ont pu être "pacifiés" que très difficilement. Dans les trente
premières années du siècle dernier, certaines régions n'étaient pas encore tout à fait "sécurisées".
"Les Territoires du Sud" comme on les appelait, étaient administrés par des militaires à travers
entre autres des structures désignées sous le vocable de "bureaux arabes" et ce, presque jusqu'à
l'Indépendance du pays. Pour maintenir la paix, la puissance coloniale y mettait des moyens
lourds. Ce qui fait que Béchar, ville stratégique, était resté longtemps une ville de garnison. Par
ailleurs, comme à Mers El-Kébir (Oran), les Français y sont restés même après soixante deux et
ce, jusqu'en 68, en application de dispositions particulières des Accords d'Evian. Les Français y
avaient initié des activités secrètes, entre autres leurs premières expériences nucléaires (Reggan)
et spatiales (Base de Hammaguir au sud-est de Abadia). Comme on le sait, les premières ont été
déplacées au Pacifique austral (Atoll de Mururoa) et les deuxièmes en Guyane (projet Ariane).
Ce passé récent de "ville garnison" et de "centre d'essais d'engins spéciaux", fait qu'à Béchar, il y
ait encore de nombreuses casernes dont l'architecture typique, contraste avec le reste.
En effet, contrairement à ce que faisaient les colons dans le nord, les militaires français
qui croyaient s'installer ici dans la durée, avaient essayé d'imiter dans leurs constructions, les
éléments de l'architecture locale : murs épais en toub ou en pierres (il faut se remettre à l'esprit
qu'à l'époque il n'y avait pas de climatiseurs). L'épaisseur des murs protégeait donc de la chaleur
et du froid. En cela, ils ont adopté dans certaines proportions, le style arabo-musulman, incluant
dans les constructions de fines colonnes, arcades et coupoles (exemples : la polyclinique du
centre-ville, l'hôpital "militaire" concédé à l'administration civile mais appelé toujours ainsi par
la population...). A ce titre, il faut savoir gré à nos responsables militaires qui, en prenant
possession de ce patrimoine national à l'Indépendance, d'avoir su conserver et les constructions
et leur style (qui est en fait le nôtre, copié par les militaires français). Mieux que cela : en
réalisant des travaux de réfection, d'agrandissement ou de restauration sur certains bâtiments
l'administration militaire a perpétué le genre, du moins dans son aspect extérieur. Celui-ci est
même repris en ce qui concerne des constructions neuves. A telle enseigne que les édifices qui
ont un certain cachet "sud" sont sans conteste, les édifices militaires. Ceux-ci jurent avec le reste
a quelques exceptions près. Dans ces exceptions, on peut citer quelques nouveaux établissements
d'enseignement où on note quelques recherches architectoniques : le "lycée de la gare" est un
exemple du genre quoiqu'il s'agisse d'une ancienne caserne qui a subi une surprenante autant
qu'heureuse métamorphose. A contrario, la nouvelle daïra quoique que de prétentieuse facture
avec ses deux lions de bronze à l'entrée, fait plutôt penser à une gare de province française (plus
de Provence) : cela veut-il dire qu'on continue à voir consciemment ou inconsciemment dans le
style architectural du colon, le modèle le meilleur ? Et pourquoi s'il vous plait des toits pointus
en tuiles rouges dans une région où il ne neige jamais et où il ne pleut que très rarement ? Allez
savoir !
Dans ce bric-à-brac de constructions hétéroclites, les édifices militaires sauvent en
quelque sorte la mise d'une architecture globalement exécrable. A titre d'exemple, la mosquée du
quartier "220 Logs - SILIS" est une horreur architecturale absolue. Son aspect extérieur en
parpaings nus rappelle une méchante prison. On se demande pourquoi de pareilles constructions
sont autorisées. Si ce n'est que pour prier l'excuse est inadmissible. Pour rappel, dans notre
culture arabo-musulmane, "la maison de Dieu" doit être ce qu'il y a de mieux. En ce domaine, il
y a eu toujours une recherche du beau et les exemples de belles mosquées ne manquent pas de
par le monde musulman. La mosquée précitée serait vraiment à démolir sinon à être reprise de
fond en comble.
Enfin, quelques rares bâtiments civils neufs, du fait d'organismes publics ou de privés,
sans être des merveilles du genre, n'ont rien avoir avec le style architectural traditionnel local. Ce
qui ne veut pas dire que les modèles archétypiques sont à bannir. Le cas échant, la recherche d'un
mariage harmonieux des genres dans une projection moderniste s'impose. Mais dans l'anarchie
ambiante, des privés argentés, quand il ne tombent pas dans le travers d'un style "Milles et une
nuits" de mauvais aloi, couvrent les mars et les parterres de leurs maisons de dalles de sol et de
faïences d'une facture douteuse. Il faut croire que certaines gens se plaisent à vivre dans des
intérieurs qui ressemblent à des hammams. L'indigence de goût est hélas souvent navrante. Sur
ce chapitre, pourquoi devrions-nous copier nos voisins de l'ouest ou de l'est au lieu de faire appel
à notre propre génie pour créer et innover en puisant dans nos propres traditions culturelles ?

Manquerions-nous à ce point d'inspiration et de savoir-faire pour mimer (mal) le "zellige"
marocain ? Est-ce l'histoire de la cigogne qui, voulant mimer la démarche de la colombe a oublié
sa propre démarche ? Manque d'imagination ou solution de facilité ?
Nous voyons avec affliction, les faïences les plus diverses recouvrir les façades de
certains magasins, de maisons particulières, d'hôtels etc. où le mauvais goût, le snobisme
vulgaire et la frime, se disputent les devantures à la vanité et à l'arrivisme.
LA PALMERAIE :
La palmeraie de la ville est formée de deux bandes verdâtres (et non verdoyantes : le vert
ici est un vert terne dû essentiellement aux palmes poudreuses de palmiers à l'abandon). Ces
bandes olivâtres donc, couvertes d'une poussière blanche, courent le long des rives argileuses et
sèches de l'oued qui partage la ville en deux. Jadis, cette palmeraie fut le jardin nourricier et le
poumon d'une agglomération où il faisait bon vivre. En continuel déclin, la palmeraie se trouve
aujourd'hui dans un état de délabrement avancé. Depuis longtemps privés d'eau, abandonnés par
leurs propriétaires, les palmiers se meurent chaque jour un peu plus, pour disparaître à jamais, les
uns après les autres, cédant la place au béton triomphant ou/et aux immondices. Des
constructions récentes empiètent dangereusement sur les berges d'un oued qui se dénude. Celui-
ci a connu par le passé des crues mémorables fort dangereuses. Une crue cyclique comme celle
de 1959 risquerait de faire des dégâts insoupçonnables aujourd'hui. A ce titre, il serait opportun
de se remettre en mémoire le drame symptomatique des inondations de Bab El Oued à Alger.
Du temps où Béchar vivait de ces jardins, ceux-ci étaient des merveilles du genre, un
petit paradis terrestre formé par d'intensives cultures vivrières. C'était une multitude de canes et
de plates-bandes où poussaient des légumes très divers à l'ombre de milliers de robustes palmiers
et bien d'autres arbres fruitiers. Cette flore luxuriante et enchanteresse, en osmose avec un ciel
azur, jaillissait d'un sol riche, irrigué d'une eau douce et abondante. Une eau claire qui susurrait à
travers un réseau de rigoles sans fin, en symbiose avec le chant de milliers d'oiseaux hôtes de ces
lieux. Une symphonie ponctuée intermittemment de coassements venants des étangs de
proximité. Une digue barrait l'oued pour former un lac en plein milieu de la ville. Ainsi retenue,
cette eau servait pour l'arrosage des jardins à travers un ingénieux système d'irrigation,
permettant une répartition judicieuse du précieux liquide. Chaque propriétaire de jardin
connaissait exactement le jour et l'heure de son tour d'arrosage et prenait ses dispositions en
conséquence.
Il s'y trouvait même-là un décor de détente et de loisir digne d'être signalé. En effet, aux
abords du lac artificiel formé par la digue, on pouvait pique-niquer. On pouvait se baigner. Les
enfants aimaient y folâtrer. Il était même possible de faire un tour en barque pour quelques sous.
Dans ce environnement idyllique, un écrivain du cru, Mohamed OULD CHEIKH un des
premiers écrivains algériens de langue francophone du XXème siècle, (né à Bêchai- le 23 février
1906, mort le 21 janvier 1938 à l'âge de 32 ans) pouvait donner libre cours à son imagination
vagabonde et non moins fertile, pour nous léguer, en particulier, son fameux roman "Myriem
dans les palmes". Cet écrivain et poète prolixe, peu connu, mort à la fleur de l'âge, a su incarner
et préserver à travers ses écrits (poèmes, nouvelles, pièces de théâtre...) l'identité algérienne
profonde malgré la vigilance sourcilleuse d'une police coloniale prompte à réprimer toute velléité
d'élévation de la pensée chez les Algériens, rapide à censurer toute action culturelle qui puisse les
singulariser.
Le Béchar chanté par le poète Mohamed OULD CHEIKH n'est plus et ses jardins non
plus. Sa digue, tel le légendaire barrage de Marib au Yémen, lût rompue par une crue
"cinquantenaire" à la fin des années cinquante et n'a jamais été reconstruite. Il en reste quelques
vestiges, témoins muets de "sa splendeur" passée. Ce qui reste de la palmeraie sert de dépotoir
aux riverains et de refuge à une faune de marginaux, clochards et autres asociaux. Elle se
transforme la nuit tombée, en véritable coupe-gorge.
Quant à nous, nous avons la faiblesse de croire que rien n'est complètement perdu, qu'il
est encore possible de reconstruire la digue, de revivifier la palmeraie, de recréer ce microclimat
propre à agrémenter la vie dans la cité et à créer les conditions propices au développement du
tourisme. En effet, l'eau des crues de l'oued est une ressource avérée, captable, renouvelable et en
tout état de cause moins aléatoire que les eaux supposées existantes mais non prouvées dans le
sous-sol des parcelles de ten-e, distribuées actuellement dans le désert (à tort et à travers nous
semble-t-il) à des "agriculteurs aventuriers" attirés par les seules allocations mirobolantes du
"da'am" (soutien du ministère de l'agriculture). Il y a plus d'une année, il a été a avancé le chiffre
officiel de huit mille agriculteurs (8000 !) à Béchar. Le nombre a dû augmenter depuis. Mais la
wilaya continue toujours de s'approvisionner grâce "au pneu", expression consacrée ici pour dire
que celle-ci est approvisionnée par camions à partir du nord du pays. Aussi, le nombre
d'agriculteurs avancé paraît non seulement surréaliste, peut être statistiquement existant, mais
correspondant à des résultats qui se rapprochent du néant. Car, pour la ménagère, pour le père de
famille, seul ce qu'ils trouvent à mettre dans leurs paniers, quotidiennement au marché "Bouhlel"
(marché de légumes du centre-ville) correspond au concret, c'est-à-dire à l'amère réalité : une
mercuriale dont les cours sont désespérément toujours au zénith. Quant au reste, c'est du
blablabla qui rappelle curieusement la pénurie, l'inefficacité et la langue de bois de la défunte
Révolution Agraire.
HYGIÈNE, ÉTAT DES QUARTIERS. DES RUES ET ENVIRONNEMENT :
II est vrai que l'hygiène générale concerne tout le monde. La vraie citoyenneté doit
commencer par là. Béchar n'est pas la seule agglomération concernée par ce fléau qu'est la saleté,
hélas ! La saleté gangrène nos villes et nos villages. Cette déplorable image est la première chose
qui frappe un étranger qui débarque de l'autre côté de la Méditerranée : les immondices qui
traînent dans nos rues et ruelles et sur les places de nos quartiers. Les municipalités se disent
dépassées par le phénomène. Par ailleurs, on se demande à quoi servent les innombrables
associations créées avec beaucoup de fanfares pour la défense de l'environnement ! Au lieu des
logorrhées sans lendemain sur des projets chimériques, si les honorables membres de ces
associations commençaient concrètement par le nettoyage de leurs quartiers, de leurs rues, voire
devant leurs maisons, on aura certainement beaucoup avancé. A ce titre, les ministères de
l'environnement, de l'Intérieur, pourraient à travers leurs organes locaux compétents, recenser ces
associations, les ligues de quartier pour contrôler leurs activités (si activités il y a !), organiser
des actions synchrones pour l'amélioration de l'environnement immédiat par des actions
permanentes. Sinon qu'elle serait la finalité d'avoir délivré des agréments à des associations qui
n'existeraient que sur le papier ? Pour les associations qui n'ont pas administré la preuve de leur
efficacité, pourquoi ne pas leur retirer les agréments après contrôle de l'utilisation des
subventions éventuelles ? Jamais personne n'a pu noyer un poisson. Même trucidé, il flotte !
Beaucoup d'Algériens ont hélas, pris un mauvais pli, un pli fort égoïste. L'Algérien ne
serait propre qu'à l'intérieur de ses murs. Dans sa maison tout est nickel même, si ce n'est pas vrai
pour tout le monde. Mais au delà du seuil de son domicile, rien ne le concernerait plus ! Il a
baissé la garde depuis longtemps. Que des détritus jonchent le sol jusque devant sa porte, il n'en
a cure. Il est devenu insensible à la crasse, à la dégradation de son environnement. Pourtant, il ne
lui est pas demandé d'apprendre par cœur le Protocole de Kyoto ni de s'inquiéter sur le devenir
de la forêt amazonienne, mais de prendre simplement, prosaïquement, conscience de son
environnement immédiat, d'agir pour améliorer son cadre de vie. Dans les cités, les enfants
abandonnés à eux-mêmes occupent les espaces, les petits et les moins petits salissent parterre,
salissent les murs, les escaliers, les trottoirs... Des bébés abandonnés à la garde de leurs petites
sœurs ou leurs petits frères, traînent au su et au vu de tout le monde, défèquent parfois sur les
paliers, devant les portes d'entrées communes. Qu'à cela ne tienne : on enjambe les étrons et on
rentre tranquillement chez soi. Est-ce là l'hygiène et la propreté préconisées par l'Islam dont nous
nous targuons d'être les fervents adeptes ? Où sont makarim el akhiaaq ? (les vertus de la
Morale).
A Béchar, comme ailleurs, les services municipaux concernés semblent incapables
d'endiguer le phénomène, d'y apporter la moindre solution tangible. Il n'y a pas un quartier où il
n'y a pas quelque part un amoncellement d'ordures. Ces ordures ne sont pas toutes d'origine
ménagère. Des gens qui font des aménagements ou des travaux de réfection chez eux comptent
sur les services municipaux pour les débarrasser de leurs gravats. Les grands bacs à ordures
tractables ont disparues ou sont hors d'usage. A leur emplacement, les usagers se débarrassent de
leurs déchets de toutes sortes à même le sol. Il arrive que ces immondices ne soient pas levées et
restent là des jours et des jours. Souvent, les papiers, cartons et emballages en plastiques (sachets
ou autres) sont dispersés par le vent, se "baladent dans les rues" au gré des souffles
atmosphériques, s'accumulant dans les coins et recoins des immeubles, parfois ils reviennent
même dans les maisons comme des boomerangs pour rappeler aux gens leurs insouciances, leurs
négligences. Telle une nuée de corbeaux affamés, les sacs en plastique noirs, quand ils ne volent
pas dans le ciel au gré du dieu Eole, viennent s'accrocher aux arbres qu'ils défigurent. Aux
décharges publiques, quant il existe des sacs noués, ceux-ci sont éventrés par les chats et les
chiens errants en quête de nourritures. Parfois ceux sont des êtres humains qui s'en chargent, en
quête de n'importe quoi.
Bien sûr, les autorités sont conscientes du problème. De la base au sommet et en
particulier, le premier magistrat du pays. Il lui est arrivé dernièrement et ce, devant les caméras,
de mettre la main dans la poche et de la ressortir dans un geste symbolique mimant l'incivilité du
citoyen qui sort un papier de sa poche pour le jeter dans la rue, au lieu le mettre dans un panier
public. En ce qui concerne l'incapacité ou l'impéritie des municipalités à gérer ce problème de
l'environnement, le Président n'avait-il pas fait ce constat amer face aux cadres de la nation, dans
son allocution du jeudi 07.04.05 : "celui qui est incapable de nettoyer devant chez lui, ne peut
être capable de nettoyer toute une ville".
Mais l'on ne peut toujours crier "haro sur le baudet". Il s'agit d'un problème de civilisation
qui doit être pris en charge. Les mesures qui ont été prises pour assainir la capitale et l'embellir,
devraient être généralisées à l'ensemble des villes du pays, sinon ce serait nous leurrer nous-
même si, seule notre capitale est propre et le reste du pays couvert d'immondices. Avons-nous
besoin d'une exception pour confirmer une règle ?
A Béchar, trois autres plaies majeures empoisonnent l'existence des gens : un réseau
d'égouts défectueux, un réseau d'eau potable calamiteux et les multitudes de crevasses dans les
rues. Il n'y a presque pas de quartier où une bouche d'égout ne déverse de façon sporadique, ses
eaux nauséabondes sur la chaussée. Ces eaux miasmatiques, se répandent dans les rues ou dans
les quartiers, empestent l'environnement. Mixer par le flot des voitures, elles finissent sous
formes de boue grisâtre. Cela dure parfois des jours et des jours. Quand enfin on arrive àjuguler

le mal, celui-ci a fait le lit à d'autres maux. En effet, quand on sait qu'à Béchar il ne pleut que
rarement, que l'air est sec, toutes ces déjections et matières en décomposition crachées sur la
chaussée, sèchent et se transforment sous l'écrasement des pneus des voitures, en une poussière
fine et grise qui pollue l'air. Elle est inhalée par les passants. Aussi, n'est-il pas étonnant que la
population souffre de nombreuses maladies respiratoires avérées.
Le réseau d'eau potable ne se porte pas mieux que son pendant le réseau d'égout. Hélas !
En effet ce réseau obsolète se trouve dans un état de délabrement désespéré. Il n'est pas rare de
voir aussi des rues inondées et ce, en plein centre de la ville par des fuites de tuyaux éclatés.
C'est à l'odeur que le passant essaie de reconnaître s'il a affaire à des d'eaux d'égout ou autres. La
gadoue est une constante dans les deux cas de figure. Des flaques et des lacs se forment. Le
colmatage des fuites par l'enroulement de bandes de chambres à air sur le tuyau qui fuit est la
solution courante pour palier au plus urgent jusqu'au prochain éclatement. Autant dire que ces
pis-aller ressemblent fort des cautères sur des jambes de bois. Le danger incommensurable qui
guette la population est lorsque la canalisation d'égout et celle de l'eau potable éclatent aux
mêmes endroits : alors, le risque de mélange des eaux usées avec l'eau potable est
potentiellement possible.
Le réseau téléphonique n'est pas en reste. Celui-ci n'est pas un modèle du genre :
coupures et pannes mystérieuses sont légions. Ce réseau souffre beaucoup aussi des inondations.
Au quartier de Haï Riadhi, à chaque pluie diluvienne, les câbles du téléphone "boivent" la tasse.
Les riverains sont privés de téléphone pendant plusieurs jours.
Les eaux ménagères qui se déversent des égouts et des tuyaux qui fuient additionnés aux
eaux météoriques intermittentes participent éminemment à la dégradation des chaussées. Dans le
sud, les pluies se manifestent souvent sous formes d'averses. Quand celles-ci sont violentes, les
canalisations d'égouts sont vîtes engorgées puis obstruées et les avaloirs sensés soulagés les rues
des flots, deviennent eux-mêmes un problème en se transformant en exutoires à la furie des eaux.
Les vieux revêtements des rues sont gorgés d'eau. Avec le poids des voitures, l'asphalte finit par
s'affaisser. Et c'est ainsi que les crevasses se forment, se multiplient, les trous s'agrandissent : des
fondrières dégénèrent en cratères.
Béchar serait au monde la ville où il y aurait le plus de trous dans les rues. Ce serait à
peine exagéré. Des taxieurs refusent de s'aventurer dans certains quartiers ou dans des rues de
peur pour leurs véhicules. Les trous ressemblent parfois à des fossés difficilement franchissables.
Tout le monde ne peut pas avoir un véhicule tout terrain, quoique les 4X4 soient des véhicules de
luxe que leurs propriétaires bichonnent. La réglementation n'est jamais appliquée aux particuliers
qui creusent des saignées dans le bitume à l'occasion des branchements d'eau ou autres. Dans
l'immense majorité des cas, les contrevenants creusent, posent leurs tuyaux, et recouvrent le
fossé de terre. Souvent, la terre n'est même pas égalisée. Alors qu'ils sont dans l'obligation de
remettre la chaussée comme elle était c'est-à-dire que l'endroit doit être tassé, compacté et bitumé
dans les règles de l'art. Donc ces rues défoncées ne sont pas, comme il a été prétendu par un
responsable à travers les média, le fait des branchements du gaz qui s'opèrent actuellement. L'état
des rues était calamiteux bien avant, même depuis des lustres. Le prétexte du gaz ne peut être
l'arbre qui cache la forêt, mais celui-ci aggrave les impérities.
Ce succinct état des lieux est loin d'être exhaustif. Il a pour prétention de cibler
uniquement quelques aspects visibles de l'iceberg : une façon de projeter un éclairage sur les
plaies purulentes et suintantes d'une ville qui n'en est pas une. Le vrai diagnostic de la pathologie
reste à faire. Seul un travail en profondeur permet d'évaluer les raisons d'une situation

catastrophique, des retards enregistrés sur tous les plans en un moment décisif de l'histoire du
pays, à un moment où la mondialisation s'accélère. Il s'agit de débusquer les impérities,
l'indigence et la médiocrité. Circonscrire le mal, l'éradiquer. Prendre un nouvel envol sur des
bases saines. Et c'est urgent.


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