Algérie - Revue de Presse


L?espace public algérien n?a jamais connu depuis l?indépendance pire situation d?unanimisme. Décrété, en exorcisme d?éradication des faits et mémoire de la tragédie nationale, le rituel du référendum relatif au projet de charte sur la réconciliation et la paix impose, par ses règles, une soumission à l?ordre de l?oubli. Et une marche à reculons vers l?âge politique. Cette régression caractérisée n?est pas seulement imprimée, à la caricature, dans les tam-tam audiovisuels gouvernementaux ; elle auréole dangereusement M. Bouteflika en messie de l?ultime chance. C?est autant une insulte à l?intelligence du chef de l?Etat - parce qu?elle lui confectionne en fait un costume du nouveau Kim II Sung d?Afrique dans lequel il ne se voit pas forcément - qu?à la nation algérienne, balancée de nouveau dans « la nuit coloniale » et ses rabatteurs de voix « béni-oui-oui » de sinistre mémoire. C?est une insulte à l?intelligence du chef de l?Etat parce qu?à vaincre ainsi « sans péril », comme on dit, on peut craindre pour lui, qu?au-delà du 29 septembre, il n?entende plus désormais que l?écho de sa voix. Mais, plus grave encore, c?est une chape scellant le formidable potentiel d?énergie acquis par la société dans son combat contre la barbarie intégriste. En interdisant au peuple la pratique démocratique et l?accès aux moyens du débat contradictoire sur les ressorts de la tragédie nationale, le pouvoir d?Etat condamne durablement la société algérienne à ne plus se poser de questions sur le pourquoi d?une libéralisation imposant, brutalement et en concomitance, paupérisme, règles du jeu maffieuses et un autoritarisme sans contrôle civique aucun. A partir de la société, ce n?est pas trop demander aujourd?hui, ni aux promoteurs - à identités brouillées - ni aux « émirs » de la barbarie intégriste, que de tout simplement essayer de savoir pour comprendre. Ne pas respecter ce minimum vital de droit de mémoire, c?est sombrer encore plus dans la déshumanisation. Dans les pires moments de notre si proche histoire, Fatima Oussedik et Benjamin Stora ont confié à la revue Esprit un très beau texte d?éveil sur « Ce que disent les cadavres en Algérie ». Ils y témoignaient : « La violence se déploie comme un moteur central, au détriment de la patiente accumulation politique. L?islamisme radical naîtra dans ce trou de mémoire. Les cadavres du journal de vingt heures sont entrés dans la haine. Rien ne leur permettait de rendre intelligible leur expérience humaine. »
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