Algérie

Venezuela : un référendum sur le chemin du socialisme bolivarien



De Santiago du Chili à Ryadh (Arabie Saoudite), de Téhéran à Paris, le «Comandante» Hugo Chavez, le chef de l´Etat vénézuélien, n´a cessé d´évoquer face à ses interlocuteurs internationaux, qu´ils soient du monde ibéro-américain, de l´Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ou de l´Union européenne, son rêve «bolivarien», un socialisme du XXIème siècle qu´il promet à la majorité de ses concitoyens qui n´ont cessé de le voter au cours de la dernière décennie. Fort de cet appui électoral sans faille, le Président Chavez leur a fixé un nouveau rendez-vous le deux décembre prochain pour un référendum destiné à réformer la Constitution de l´Etat. Le 10 novembre dernier, au cours du XVIIème sommet ibéro-américain, tenu à Santiago du Chili, malgré le caractère consensuel d´une telle rencontre destinée à renforcer les liens culturels et commerciaux de Madrid avec l´Amérique latine, Hugo Chavez n´avait pas hésité à bousculer le protocole en traitant de «fasciste» l´ex-chef de gouvernement espagnol José Maria Aznar, accusé d´avoir sympathisé avec les putschistes qui l´avaient mis aux arrêts à Caracas en avril 2002. Cette accusation provoqua la réaction de l´actuel président du gouvernement espagnol José Luis Zapatero et de Juan Carlos de Bourbon, le roi d´Espagne qui participaient au sommet. Certes, l´Espagne ne veut pas tomber dans le piège de ce qu´elle considère une provocation, gardant bien à l´esprit les intérêts supérieurs quand on pense à la présence exceptionnelle au Venezuela d´un grand nombre d´industriels espagnols. Depuis l´arrivée de Chavez au pouvoir en 1999, le Venezuela a bénéficié de 1,700 milliards de dollars de capitaux espagnols, alors que le montant total des investissements de cette même source atteint 80 milliards d´euros dans toute l´Amérique latine. Les banques Santander et BBVA y sont présentes ainsi que Repsol (hydrocarbures), Telefonica pour les télécommunications... Certains observateurs n´ont pas manqué de souligner que cette diversion verbale aurait été intentionnelle alors que l´opposition à Chavez, avec l´apport de milliers d´étudiants, occupait les rues de Caracas pour protester contre le référendum. A l´Université centrale du Venezuela, où les opposants sont maîtres du terrain, on souhaite l´annulation pure et simple d´une consultation qui mènerait à la violation de libertés individuelles. Le général Raul Baduel, longtemps un allié de Chavez avec des responsabilités ministérielles, s´est ouvertement déclaré contre le référendum, craignant l´aventure idéologique si la réforme constitutionnelle était votée. C´est là un coup dur pour le chef de l´Etat. Dans son ensemble, l´opposition reproche à Chavez de vouloir se perpétuer au pouvoir en levant les restrictions imposées par l´actuelle Constitution. Le mandat présidentiel passerait de six à sept ans avec la possibilité de réélection indéfinie. La redéfinition de l´Etat socialiste ouvrirait la voie à des pouvoirs excessifs au détriment des libertés publiques. Elle permettrait au chef de l´Etat de créer de nouvelles régions administratives et de désigner leurs autorités. Il aurait également la faculté de décréter l´état d´exception sans limite de temps. Sur le plan économique, il serait mis fin à l´autonomie de la banque centrale. Enfin, la journée de travail serait réduite de huit à six heures. Une demi-douzaine d´instituts de sondage de Caracas ont publié des chiffres qui mettent en doute la victoire du pouvoir dans ce bras de fer électoral. Mais Chavez a répliqué en dénonçant une opération de déstabilisation de la part de ces instituts et affirmé qu´il gagnera cette consultation. Les graves incidents qui se sont produits notamment dans la capitale n´ont pas empêché le chef de l´Etat de poursuivre sa mission de médiation auprès des rebelles colombiens, de participer au sommet ibéro-américain à Santiago, de poursuivre sa route jusqu´à Ryadh (Arabie Saoudite) pour contribuer aux travaux de l´OPEP, de faire un crochet par Téhéran, de débarquer à Paris pour affiner l´opération en cours en Colombie, d´effectuer une visite officielle à Lisbonne (Portugal)... donnant ainsi un panorama exceptionnel de sa vitalité diplomatique. Au sein de l´OPEP, le Venezuela ne manque pas de poids et se présente comme la principale puissance pétrolière sud-américaine. Malgré les diatribes continuelles du président Chavez à l´encontre de «l´empire» nord-américain, Caracas reste le troisième fournisseur en hydrocarbures des Etats-Unis. A Ryadh, Chavez ne put faire partager par ses pairs son analyse de la détérioration du dollar, paramètre monétaire international du pétrole, à l´exception de l´Iran. La proposition du Venezuela et de l´Iran de remplacer le dollar par l´euro ne fut pas retenue. La majorité des participants put préserver un statu quo destiné à calmer les inquiétudes des grands consommateurs si sensibles à l´irrésistible ascension du prix du baril. Mais qu´à cela ne tienne ! Un crochet par Téhéran permit à Chavez de renforcer ses liens avec le président iranien Mahmoud Ahmadinedjad. Chavez estime que l´Iran est en droit de développer une technologie nucléaire à des fins pacifiques. Selon le ministre iranien de l´Industrie et des Mines, Ali Akbar Mahrabiyan, les accords signés par les deux partenaires ces deux dernières années atteignent le volume impressionnant de 20 milliards de dollars. Un fonds conjoint pour le développement de la coopération industriel a été créé. C´était la quatrième visite effectuée par Chavez à Téhéran en l´espace de deux ans. Le renforcement des liens entre Caracas et Téhéran ne laisse pas indifférents un grand nombre de pays latino-américains soucieux de préserver leurs relations avec Washington qui n´apprécie guère le débarquement virtuel de l´Iran en Amérique du Sud. La présence du président Chavez à Paris le 20 novembre était liée essentiellement à ses efforts de médiation entre les FARC et le gouvernement colombien en vue d´obtenir la libération d´Ingrid Bétancourt et de 44 autres otages aux mains des rebelles, contre celle de 500 combattants irréguliers qui se trouvent dans les prisons colombiennes. Le président français Nicolas Sarkozy avait promis au cours de sa campagne présidentielle de ramener aux siens Ingrid Bétancourt, une Franco-Colombienne, ancienne candidate à la présidence de Colombie, prisonnière de la rébellion depuis cinq ans. Se sentant proches idéologiquement de Chavez, les dirigeants des FARC avaient accepté depuis trois mois de négocier par son intermédiaire. Les présidents de Colombie et de France sont dans l´attente d´une issue heureuse réclamée par l´opinion publique de part et d´autre de l´Atlantique. Loin d´être isolé par son duel verbal avec l´Espagne ou les Etats-Unis, Hugo Chavez a trouvé, au lendemain du sommet ibéro-américain, un soutien du Président Lula da Silva qui ne donne que plus de relief à celui du Nicaragua, de Bolivie, de Cuba qui avaient estimé que Chavez était dans son droit de critiquer un ex-gouvernant espagnol. Brasilia a toujours apprécié la volonté de Chavez de mettre ses ressources pétrolières à la disposition de ses partenaires latino-américains, et espère obtenir de son législatif l´aval pour l´intégration du Venezuela au «Mercosur», le marché commun du Sud. Le cheminement diplomatique de Chavez est loin de compenser les difficultés domestiques car le résultat du référendum du 2 décembre risque d´ouvrir un chemin de croix au socialisme bolivarien auquel rêve l´impétueux président vénézuélien.



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