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Une statue et des symboles



Une statue et des symboles
Ceux qui, de leur vivant, font tout pour ne déranger personne au-dessus et qui n'auront jamais de statue dans ce pays.Partout, les grands gênent, de leur vivant. Dans certaines sociétés, cependant, ils continuent de gêner même lorsqu'ils ne sont plus de ce monde. On le voit à l'empressement de ceux qui viennent après, à les faire oublier. On le voit aussi au son de leur voix lorsqu'ils en parlent ou au regard qu'ils baissent lorsqu'ils s'en rappellent. Mais il n'y a pas que cela.Les grands ont aussi cette capacité à hanter les vivants combien même, eux, sont passés de l'autre côté depuis longtemps. Dieu! Que la grandeur peut déranger!.La statue de Ben Badis a été retirée par la wali de Constantine pour parait-il être remplacée par une autre. Ce qui interpelle dans cette histoire, c'est d'abord et surtout sa symbolique. C'est l'incapacité des autorités à gérer une mémoire aussi importante. C'est l'inaptitude des responsables à traiter convenablement l'image d'un grand homme. Certes, on nous dit que ce sont des gamins (faut-il le prouver encore') qui mettent une cigarette aux lèvres de la statue; certes, nous montre-t-on, ce sont des gamins qui grimpent au-dessus de la statue...mais, par-dessus tout, ce qu'on jette devant notre regard ahuri, c'est surtout cette incompétence indiscutable des autorités qui plane.L'argument avancé par le wali est pire que l'acte lui-même. Il dévoile l'inaptitude et l'insanité de l'administration. C'est l'incompétence de l'administration qui a fait qu'une telle statue soit acceptée et qu'il lui soit permis d'être installée. C'est aussi elle qui a fait que cette histoire dure tout ce temps. Et c'est aussi elle qui a fait que la statue soit retirée à ce moment précis, c'est-à-dire au seul moment où il ne faut pas la retirer parce qu'on ne retire pas la statue de Ben Badis trois ou quatre jours après le yaoum el Ilm. En plein «Cirta, capitale de la culture arabe» en plus!Les invités qui nous regardent ont dû se frotter longtemps les yeux avant de finir par se convaincre que, quelque part dans ce monde, certains font n'importe quoi, n'importe comment, n'importe où. Nos invités ont dû hésiter longtemps avant de comprendre en fin de compte que, finalement, la bêtise des hommes n'a pas de limites du moment qu'elle peut repousser celles qu'on lui connaît.Le rapport à nos morts, à nos penseurs et, de manière générale, à nos grands a toujours été ainsi. Ce n'est pas nouveau dans cette partie du monde où le nanisme est une réalité installée et la misère un espoir émis. C'est tellement ancré que l'on finit bien par croire qu'il s'agit d'un des piliers de notre culture que de s'en prendre d'une manière ou d'une autre à tous ceux qui ont essayé, un jour ou l'autre, de bien faire pour ce pays.Certains ont été jusqu'à traiter quelques morts de traîtres, d'autres leur ont compté de manière posthume le nombre de balles qu'ils n'auraient pas tirées. D'autres, de leur seau de haine inexplicable, ont déversé le doute sur la probité de leurs anciens collègues...Les statues déboulonnées sont une ancienne spécialité de ceux qui ne savent pas reconnaître la valeur des hommes. Elles ne sont qu'un ancien jeu auquel aiment s'adonner ceux qui, pour conjuguer leurs actes, préfèrent le présent de tous les temps, à tous les tons, ceux qui, pour faire coordonner leurs verbes, préfèrent le sens du poil des puissants du moment et ceux qui, pour cacher leurs vols, préfèrent les comptes suisses et les immeubles parisiens avec vue sur la Seine de préférence! Ceux qui, de leur vivant, font tout pour ne déranger personne au-dessus et qui n'auront jamais de statue dans ce pays.


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