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Une métastase urbaine !



Une métastase urbaine !
Comme frappé par une curieuse malédiction, quand on accède à Haï Nedjma, le bitume disparaît presque instantanément, laissant ses rues éventrées à la merci de la poussière et de la boue.Ancienne bourgade à la périphérie d'Oran, cette localité appelée communément Chteibo est devenue l'une des immenses excroissances urbaines qui ceinturent la ville mais qui défie toutes les lois de l'urbanisme, de l'architecture et même de la sociologie avec une mixité telle qu'il est impossible de trouver des repères. Ici, c'est souvent le règne de la débrouille face au chômage, au manque de moyens.Face à un marché central composé de baraques sur lesquelles pendent des lambeaux de plastique sales, des citoyens dés?uvrés discutent sur les semblants de trottoirs qui longent quelques cafés-terrasses. «Je suis né ici mais je ne trouve toujours pas ma place dans la société alors que des fils de certains élus fraîchement installés se pavanent devant moi dans des voitures neuves», s'insurge Azedine, un autre jeune qui aurait aimé avoir affaire à une chaîne de télévision pour mieux montrer en images les inconséquences d'une politique de développement ratée. «Cela fait 25 ans que ces rues sont dans le même état (c'est-à-dire défoncées) qu'aujourd'hui et ce n'est qu'une toute petite partie des problèmes vécus ici.Alors, comment voulez-vous qu'on s'intéresse à ce que nous racontent les politiciens '», ajoute-t-il. Une chose est sûre, les personnes d'un certain âge expriment des avis plus modérés et beaucoup moins tranchés que ceux de la jeune génération, absorbée par le fantasme d'une vie citadine axée sur l'opulence et les loisirs. «Nous aurions aimé que les responsables se penchent sur notre localité et les problèmes que nous vivons», tempère Saïd qui vivote en optant pour le transport clandestin car, à Chteibo, il est très peu probable de trouver un taxi. La débrouille est la seule arme qu'on trouve face au chômage et au manque de perspectives sociales.Pourtant, avec ses 120 000 âmes, cette localité, elle seule de la taille d'une ville, avec ses constructions anarchiques, tantôt en dur, tantôt précaires, se trouve ceinturée aux confins de ses frontières par de véritables bidonvilles aménagés avec de la tôle («tola»), des carcasses de vieilles voitures et d'autres matériaux de récupération mais où la misère et l'insalubrité sont encore nettement plus criantes.«double exclusion»Les habitants de cette zone de «double exclusion» ne sont pas recensés ici car le lieu d'implantation dépend de la commune d'El Kerma. Juste en face (nous sommes toujours sur le territoire de Haï Nedjma), assis presque à même le sol, sur des petits blocs en béton, face à des murs en parpaing qui caractérisent cette partie de l'agglomération, des habitants du quartier dit «Haï 301» ne semblent pas donner trop de crédit au scrutin prochain.Mais sur le toit d'une très modeste maison flotte la bannière nationale pour signifier que, malgré tout, le nationalisme est de rigueur. «Chaabmdigouti» (littéralement le peuple en a marre), s'insurge Salah Khattab, un sexagénaire qui a exprimé sa satisfaction d'avoir enfin l'occasion de s'exprimer devant des journalistes. Ce maçon de profession, ancien patriote a été désigné comme porte-parole du comité de quartier et qui, curieusement, fait ressortir le nom de Mokdad Sifi, ancien chef de gouvernement dont il loue les mérites. Ni rurale au sens traditionnel du terme, ni citadine, Chteibo semble évoluer dans un univers à part.Elle est marquée d'abord par l'implantation (délocalisée à partir d'Oran) du grand marché de la «brocante» (le terme en arabe dialectal «khorda» sied mieux) puis, durant les années 1990, par l'afflux de familles d'Oran ou d'ailleurs fuyant la violence terroriste. Conséquence : une extension exponentielle dans une anarchie totale.Aujourd'hui, hormis les préoccupations liées à l'insalubrité et l'aménagement, se pose le problème de la délinquance, un véritable fléau. «Dès le coucher du soleil, c'est le couvre-feu car personne n'ose circuler la nuit, aller dîner chez les proches ou faire une balade nocturne», relève Boumedienne, un sexagénaire parmi ceux qui ont l'intention d'aller voter même si le geste reste sans grande conviction, une habitude prise il y a 34 ans pour lui.«Nous avons, dit-il, affaire à des bandes armées d'épées et qui sont prêtes à tout pour accomplir leur forfait, y compris tuer pour quelques dinars.» Les scandales liés aux malversations, qui ont touché quelques membres de l'APC, contribuent à la méfiance vis-à-vis des opérations de vote. «Nous, disent-ils en conclusion, voulons du bien à notre pays mais nous souhaitons qu'il y ait plus d'équité et de justice».


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