Algérie

Un livre et un film lui sont consacrés : Gaston Revel, l’«instituteur fellaga» de Béjaïa ! Gaston Revel, un instituteur en Algérie



Un livre et un film lui sont consacrés : Gaston Revel, l’«instituteur fellaga» de Béjaïa ! Gaston Revel, un instituteur en Algérie
Expulsé d’Algérie vers la France, à la fin de 1955, en raison de son engagement en faveur de l’indépendance de son pays d’adoption, Gaston Revel retrouva sa ville natale, dans l’Aude (Occitanie, sud de la France), où on lui collera rapidement le sobriquet d’«instituteur fellaga», même s’il n’a jamais pris d’autres armes que sa plume et sa verve engagées.

Or, ce surnom censé être insultant ressemble plutôt bien à ce «fils du pauvre» audois. Comme Fouroulou, il est issu d’une famille paysanne avant de faire l’École normale d’Alger, au début des années trente, et de devenir instituteur dédiant une bonne partie de sa jeunesse à l’éducation des enfants algériens, d’abord au village Aïn Tabia (Skikda) et ensuite à Béjaïa.

C’est dans cette ville – après avoir pris progressivement conscience de la misère dont souffrait le peuple algérien à cause de l’injustice du système colonial, qui le privait en plus de sa dignité et de sa liberté – que Revel s’engagea pleinement dans les combats politique, syndical et médiatique, respectivement en tant que membre du Parti communiste algérien (PCA), militant de la Confédération générale du travail (CGT) et correspondant local d’Alger Républicain.

Ce parcours exceptionnel est dépoussiéré et raconté par l’historien Alexis Sempé dans le documentaire Gaston Revel, un instituteur en Algérie (YouTube, février 2021), co-écrit avec Pierre Mathiote et réalisé par ce dernier. Ledit film est une interprétation du livre biographique consacré par Sempé à Revel, intitulé Un instituteur communiste en Algérie. L’engagement et le combat (1936-1965) (La Louve éditions, 2013). Tel l’explique l’auteur à El Watan, il a découvert l’histoire de Revel au moment de son décès en 2001, à l’âge de 86 ans.

Il laissa alors un riche héritage sous forme de plusieurs centaines d’archives inédites retraçant l’évolution politico-économique et socio-culturelle de l’Algérie entre les années 1930 et 1960. Il s’agit d’un véritable trésor constitué de lettres, de carnets, d’écrits personnels, de journaux, de tracts et, surtout, de photos, avec près de 250 photographies immortalisant certains moments fondateurs qu’a traversés la société algérienne pendant les périodes pré-révolutionnaire, révolutionnaire et post-indépendance !

À travers une succession fluide d’images «vintage», de lectures d’extraits des textes de Revel et d’échanges avec des historiens (Sylvie Thénault, Alain Ruscio, etc.) ainsi que des acteurs de l’époque coloniale (Mabrouk Belhocine, Henri Alleg, etc.), le film nous fait découvrir, pêle-mêle, le cheminement intellectuel d’un jeune européen – arrivé en 1936 dans un pays en pleine effervescence nationaliste alors qu’il croyait se rendre dans un «département français» –, d’un socialisme idéaliste et assimilationniste, hérité de son père, vers un communisme révolutionnaire et indépendantiste, adopté dans le feu des actions politique et syndicale après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Conseiller municipal du second collège

Lors du 5e congrès du PCA, tenu à Oran, du 26 au 28 mai 1949, il déclara : «La libération de l’Algérie ne peut être que l’œuvre des Algériens eux-mêmes sur le territoire national. Le remplacement d’un impérialisme par un autre impérialisme ne fera que retarder la solution d’une libération de l’Algérie.»

À cette phase de son engagement, il expliquait à ses camarades pourquoi il était important d’instaurer une République algérienne démocratique et sociale, avec sa Constitution, son Parlement et son gouvernement.

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Lors des élections de 1953, Gaston Revel est élu conseiller municipal de Béjaïa sur une liste du second collège électoral, réservé aux «Français musulmans». Ce qui a été un fait très rare et quasi unique ! Jusque-là, le seul autre cas connu d’un élu «non musulman» dans ce collège concerne l’avocat guadeloupéen, Maurice L’Admiral, élu conseiller municipal d’Alger, de 1908 à 1919.

«Je me sentais plus proche du fellah à mes côtés, que du colon en face», écrivit Revel en description de son émotion le jour de l’installation du Conseil municipal. Il affirma que son élection est «la preuve que les musulmans ne sont pas racistes».

Dénonçant, depuis au moins 1946, le trucage des élections législatives et municipales au profit des colons européens et des dignitaires algériens pro-colonisation, il avait enfin réussi, à sa manière, à bousculer l’ordre colonial établi sur le plan électoral.

C’est pourquoi, il sera longtemps combattu avec acharnement par ses adversaires politiques, qui le traitaient de «renégat» et lui prêtaient «un manque de considération vis-à-vis des musulmans, ayant pris la place d’un élu musulman à qui le poste de conseiller revenait de droit».

En réalité, ce qui dérangeait ces relais de l’administration coloniale, c’est surtout sa suractivité militante qu’elle soit politique ou syndicale, dont un soutien indéfectible à tous les mouvements sociaux et aux comités des chômeurs de la région. Il continuait, par ailleurs, à écrire pour Alger Républicain en s’intéressant aux questions politiques et sociales (monde du travail, scolarisation des enfants algériens, politique de l’habitat, etc.).

Après le déclenchement de la guerre de Libération national en Novembre 1954, tout en restant au PCA, Revel a pris fait et cause pour l’indépendance de l’Algérie. À l’occasion de la visite à Béjaïa du Gouverneur général, Jacques Soustelle, et son intervention devant le Conseil municipal, le 22 juin 1955, il avait préparé et devait prononcer un discours au vitriol contre ce qu’il considérait comme une «fuite en avant» et une «violence aveugle» de la colonisation dans son délire de vouloir garder le pays coûte que coûte.

Il sera finalement privé de parole par le député-maire de Béjaïa, Jacques Augarde. Le 4 octobre de la même année, il sera renvoyé en France et interdit de séjour en Algérie jusqu’à l’indépendance.

En 1962, il y revint en tant qu’enseignant et devient directeur de l’école où il enseignait, mais il repartit définitivement en 1965, juste après le coup d’Etat de Houari Boumediène.

Paris,
De notre bureau. Samir G.
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