Algérie

Un «autre» 08 mai 45 à la télévision française




Ce jeudi 8 mai, en fin de soirée, la chaîne publique française de télévision, France 2, a diffusé un documentaire réalisé par Yasmina Adi, sur les massacres de Guelma, Sétif et Kherrata qui tranchait, par son approche du fait colonial, avec les clichés médiatiques auxquels nous avaient habitués les médias français, quand ils daignaient évoquer «l'autre 8 mai 45» à l'occasion de la célébration de la victoire sur l'Allemagne nazie. Avec force détails, de témoignages des acteurs de la tragédie, Algériens et Français, des documents dont certains sont inédits, ainsi que le commentaire éclairé d'historiens, le documentaire de la chaîne française montrait le colonialisme dans toute sa nudité et l'horreur dont il a été capable. La répression, menée par l´armée et les milices qui avaient été armées par les autorités françaises de l'époque contre les populations de Guelma, Sétif et Kherrata, est étalée au grand jour. Tout y passe, exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas, tortures. Des soldats et des miliciens sont montrés en action, c'est-à-dire en train d'abattre froidement des Algériens. Le commentateur parlera des Algériens qui sont jetés dans les puits et ceux qui sont balancés dans le vide dans les gorges de Kherrata. Le documentaire a évoqué, également, les fours à chaux qui ont servi aux miliciens pour faire disparaître des cadavres. Il a été également évoqué l'arrestation et l'emprisonnement des dirigeants politiques et militants du Parti du peuple algérien (PPA), des Amis du manifeste de la liberté (AML) et son fondateur Ferhat Abbas, de l´Association des Oulémas, de Messali El Hadj... Le documentaire ne manquera pas aussi de montrer l´armée française en train d'organiser, sur la plage de Melbou à Bejaia, une humiliante cérémonie de soumission et de prosternation devant le drapeau français. Le déchaînement de la folie meurtrière française, qui a duré pendant deux mois à l´Est de l´Algérie, a été ainsi étalé. A la vue du documentaire, on peut, en effet, dire que France 2 a illustré, ce jeudi, l'avancée remarquable de la France officielle, dans la vision du colonialisme et sa condamnation, surtout avec l'avènement de Sarkozy. On peut dire aussi que ce documentaire a adopté le même ton, à l'égard des massacres du 8 mai 45, que celui de l'ambassadeur Bernard Bajolet qui s'est exprimé, dernièrement, sur ces évènements à l'université de Guelma. Mais force est de reconnaître que ce documentaire s'est imposé une démarche largement inspirée de la position du président français Nicolas Sarkozy. En effet le documentaire de France 2 dénonce, condamne mais tentera, à maintes reprises, de trouver des excuses à la répression féroce. A un moment, on assistait aux témoignages de Français qui s'exprimaient en tant que « victimes des émeutiers du 8 mai 45 ». On parlera de la « violence des Algériens » et la peur qu'ils étaient supposés inspirer aux colons. Le documentaire ira, parfois, dans le sens de la thèse qui accuse que « les manifestations du 8 mai 45 sont l'oeuvre d'une poignée de politiciens algériens qui ont entraîné leurs concitoyens dans une aventure qui se révèlera meurtrière pour eux». C'est à travers une séquence où l'on parlait d'un colon qui allait intercéder en faveur d'un Algérien arrêté par l'armée française, que le commentateur glissait certaines phrases assassines. Telle cette phrase par exemple « Des jeunes Algériens dans la cour de la caserne l'interpellaient (NDLR le colon) : tu me connais ! Manière de lui dire qu'ils n'ont rien à voir avec ces évènements », insistait à dire le commentateur. Comme si c'était la faute à des Algériens que d'autres Algériens ont été massacrés par la France coloniale. Ne restait plus que l'invocation de la légitime défense, puisque on justifia l'armement des colons et la création des milices par les autorités par un souci de défense contre ce qu'ils appellent les émeutiers. On retiendra cette tendance à démontrer que « ce n'est qu'après la mort de 39 Français que la répression féroce semblait avoir commencé ». Il faut dire que le parti pris était, par moments, flagrant dans un documentaire qui, paradoxalement, ambitionnait de montrer l'horreur du colonialisme. Par exemple, toutes les archives mentionnées dans le documentaire, relatives au nombre de victimes algériennes, tendaient à minimiser l'ampleur du massacre. En effet, on était loin des 45.000 morts, puisque on parlait de 1.700, puis de 3.000 et enfin de 5.000 et même de 17.000 quand il fut question d'archives des services secrets américains. Mais, à aucun moment, on n'entendit mentionner le chiffre de 45.000 morts.


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