Algérie

Travail “décent” : beaucoup reste à faire en Algérie


Première mobilisation mondiale pour le “travail décent” lancée par la Confédération syndicale internationale (CSI), la journée du mardi 7 octobre dernier a mis sur le devant de la scène internationale, non seulement le mouvement syndical, mais aussi les questions qui l’interpellent quant à la situation des travailleurs. Dans plus de cent pays, les syndicats ont pris des initiatives pour célébrer la Journée mondiale pour le travail décent (JMTD), à travers des rassemblements, des manifestations, des séminaires, des conférences de presse ou des concerts. Les représentants des travailleurs devaient ainsi se saisir de cette occasion pour examiner leurs préoccupations les plus pressantes. Dans ce cadre, l’Asie est, en effet, concernée, entre autres, par la précarité du travail, comme d’ailleurs l’Amérique, qui est intéressée également par la “répartition équitable des richesses”.  En Europe, c’est la question de salaires ou de droit à la retraite qui prédomine. Le continent africain, quant à lui, est confronté notamment à la problématique de la pauvreté et de la “vie décente pour les femmes”.En Algérie, seul un syndicat, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), réputé être proche du pouvoir et figurant parmi les 311 organisations nationales adhérentes de la CSI, a célébré la Journée mondiale. L’organisation de Abdelmadjid Sidi-Saïd a organisé un séminaire de deux jours, les 7 et 8 octobre, à l’Institut national d’études et de recherches syndicales (INERS), à El-Achour (Alger), au profit d’une trentaine de formateurs syndicaux.
En initiant cette rencontre, l’UGTA a, en fait, donné le coup de starter de sa “campagne d’information et de sensibilisation pour la promotion du travail décent”, qui devrait toucher l’ensemble des régions du pays.
Dans une déclaration prononcée le 7 octobre dernier, Guy Ryder, le secrétaire général de la CSI, a laissé entendre qu’un “message fort et uni” sera délivré ce jour-là par les syndicalistes. “Les travailleurs en ont maintenant assez des politiques qui ont offert une richesse abondante à un tout petit nombre qui a profité d’une réglementation laxiste, voire inexistante, des marchés financiers et ce, alors que les personnes qui produisent effectivement les biens et les services de l’économie réelle ont vu leurs salaires stagner ou même chuter”, a-t-il indiqué. Avant d’ajouter : “Un changement fondamental de la mondialisation s’impose. Et l’heure est venue d’opérer ce changement.”  D’ores et déjà, l’organisation de M. Ryder annonce des suites aux actions entreprises, lors de la JMTD, en lançant notamment une adresse aux institutions internationales (OMC, FMI, etc.) afin d’exiger “une nouvelle mondialisation basée sur la solidarité, les droits au travail et la fin de la pauvreté”. Libertés syndicales, négociations et prises de décisions
Ces dernières années, le travail décent est devenu une priorité syndicale. Il est même considéré comme un thème “porteur et fédérateur”. Dans les faits, ce concept représente l’axe de travail principal de l’Organisation internationale du travail (OIT), depuis 1999. Et, c’est le Congrès fondateur de la CSI, tenu en 2006 à Vienne (Autriche), qui a lancé l’appel à cette journée mondiale d’action, pour “exiger que la mondialisation soit fondamentalement transformée et qu’il soit mis un terme aux politiques de libre marché du néo-libéralisme, qui nous ont amenés au bord d’une récession mondiale catastrophique”.   Il faut savoir que depuis sa création, il y a près de 90 ans, l’OIT a adopté quelque 188 conventions qui définissent les normes internationales du travail. Il existe, cependant, un ensemble de 8 conventions fondamentales, connues sous le nom de normes fondamentales du travail (NFT), qui s’appliquent à tous les États membres de l’OIT et qui sont toutes ratifiées par l’Algérie. En 1998, une déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail a été adoptée à l’unanimité. Par cette déclaration, les États membres s’engagent à respecter et à promouvoir des principes contenus dans les 8 conventions fondamentales et répartis en 4 catégories : la liberté d’association et de négociation collective (conventions n° 87 et 98), l’élimination du travail forcé ou obligatoire (conventions n° 29 et 105), l’abolition du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession (conventions n° 100, 111, 138 et 182).  Le travail décent, c’est quoi en réalité ? Selon la définition de l’OIT, il comprend les besoins fondamentaux, pour chaque femme et chaque homme, de travailler dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité. Toujours selon l’Organisation internationale du travail, le travail décent réunit différents éléments qui sont indissociables, comme le fait d’exercer un travail productif et convenablement rémunéré, de disposer d’une protection sociale ou de bénéficier des droits essentiels définis par l’OIT dans sa déclaration de 1998,  à savoir la liberté d’association, la reconnaissance du droit de négociation collective, l’abolition du travail forcé et du travail des enfants et élimination de toute discrimination en matière d’emploi. En d’autres termes, le travail décent devrait impliquer “un emploi de qualité”, avec un salaire permettant au travailleur de vivre dignement, ainsi que des conditions de travail qui respectent sa dignité et sa santé, en lui permettant une meilleure protection sociale et de retraite, la liberté de s’organiser et de participer à la prise de décisions qui influent sur sa vie. Dans un rapport consacré aux tendances mondiales de l’emploi et publié en janvier 2008, le Bureau international du travail estime que pour réduire le déficit de travail décent, chaque pays doit définir “un agenda national concret”. Cela signifie la prise en compte de 4 piliers interdépendants : promotion de l’emploi, droits au travail, protection sociale et dialogue social. Le même document constate que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord conservent les taux de chômage “les plus élevés”, référence faite à l’année 2007. Il reconnaît cependant qu’en Afrique du Nord, l’extrême pauvreté des travailleurs “est maintenant presque totalement éradiquée”. Au centre de la gouvernance mondiale
Ce qui ne veut nullement dire que le spectre de la pauvreté est définitivement écarté dans cette région. La preuve, l’Algérie, pour ne citer que ce pays, traîne une population pauvre d’environ 5 millions de personnes, selon les officiels et de près de 6% de la population totale, d’après des sources internationales. Par ailleurs, un pays comme le nôtre, engagé depuis plusieurs années sur la voie de l’économie de marché, du multipartisme et du pluralisme syndical, est en proie à de nombreuses contradictions, voire même à des crises. Car, les vieux réflexes de l’assistanat, de la pensée unique, de l’arbitraire et de l’exclusion, qu’elle soit sociale, politique ou syndicale, n’ont pas disparu : en l’absence d’une volonté de l’État d’aller vers une véritable démocratie, que deviennent finalement les droits des travailleurs et l’avenir du travail décent ? La question est aujourd’hui crûment posée, d’autant que les organisations syndicales, autres que l’UGTA, sont toujours exclues des rencontres tripartites et des décisions qui préoccupent les salariés ? Pourtant, le monde a beaucoup changé depuis la chute du mur de Berlin, entraînant la réduction des interventions des États dans la vie économique. Il exige, par conséquent, l’association de tous les acteurs nationaux à la décision, une condition à même de garantir la cohésion sociale et d’assurer l’application des conventions internationales du travail, dont celles se rapportant au travail décent.  À l’heure de l’intégration croissante des pays au commerce mondial et de la libéralisation des marchés de capitaux, la notion du travail décent est inscrite dans les objectifs politiques de plusieurs institutions internationales : Assemblée générale des Nations unies, Commission européenne, Conseil économique et social de l’ONU, Unesco, en matière d’emploi et de développement. Sur un autre plan, ce concept, qualifié d’“outil de lutte contre la pauvreté”, ouvre les portes à l’OIT, en l’invitant à jouer “un rôle pivot” au sein des institutions internationales. Pour ce qui est du mouvement syndical international, le concept de travail décent renvoie aux mutations subies par un monde du travail, lui-même des conversions ; mais il lui permet d’acquérir “un point d’appui commun à ses revendications et à son action”. Reprenant à leur compte les positions défendues par le directeur du BIT, Juan Somavia, les syndicats assimilent la promotion du travail décent à un “instrument fondamental du combat mondial pour l’égalité entre hommes et femmes (…), qui permettra d’augmenter les rémunérations et développer les opportunités d’emploi pour les femmes et sortir les familles de la pauvreté”. Aujourd’hui, la CIS voit grand et appelle les syndicats à peser de leur poids pour lui permettre de devenir “l’instrument d’un nouvel internationalisme syndical à la hauteur des défis de l’ère de la mondialisation”, capable de vaincre les injustices. Pour que le travail décent devienne une réalité à l’échelon mondial, la même Confédération pense que celui-ci doit être “placé au centre de l’ordre du jour de la gouvernance mondiale” et traité en tant qu’“objectif universel à tous les échelons du système des Nations unies”, y compris le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les autres institutions internationales, à l’exemple de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les dirigeants de l’OIT et de la CIT demeureront-ils toujours sur la même longueur d’onde que les organisations syndicales nationales et les actions qu’elles mèneront sur le terrain de la lutte ? Il est trop tôt pour y répondre, parce que la question renvoie à la situation du rapport de forces au sein des instances internationales syndicales.
Aujourd’hui, le constat de l’agressivité du modèle capitaliste, notamment de sa sphère financière s’impose. Aussi, la coordination des syndicats à tous les niveaux, national, régional et mondial, constitue une alternative aux côtés des altermondialistes et des autres forces de progrès et de modernité. Elle est à l’ordre du jour, pour la défense des intérêts des travailleurs et des couches les plus défavorisées. Hafida Ameyar
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