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Tout n'est pas rose
Paradoxe n L'enfant algérien a tout pour être heureux si on se réfère aux textes législatifs. Mais tout n'est pas rose. Des problèmes socio-affectifs font de beaucoup d'enfants des malheureux.Des chiffres récents de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) font état de violences multiformes à l'égard des enfants. En un seul trimestre en 2015, la DGSN a enregistré plus de 1 280 enfants victimes de violences, dont 756 violentés physiquement, 372 autres ont subi des agressions sexuelles et 20 ont été victimes d'enlèvements, tandis que 6 sont décédés suite à des coups et blessures. La DGSN a aussi révélé qu'en trois mois 1365 enfants ont été impliqués dans des affaires criminelles et plus de 500 se trouvent actuellement dans les établissements pénitentiaires à travers le pays.Au total, plus de 8?940 enfants ont été victimes de violences, dont plus de 2?400 victimes de sévices sexuels de janvier 2014 à fin août 2015. Bien plus, pas moins de 1?040 sont victimes de la démission parentale et du mauvais traitement qu'on leur inflige. Ces enfants ont été tous récupérés dans la rue, dans des gares routières et constituent des cibles potentielles des ravisseurs et autres réseaux qui détournent et qui exploitent les mineurs, selon la DGSN. En danger moral, également, ce sont pas moins de 2?524 enfants qui ont été sauvés in extremis par les services de la police préventive dans les rues. Pour le président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem), Mustapha Khiati, «sur le plan législatif, l'enfant algérien a droit aux meilleurs textes. Deux grandes avancées ont été obtenues avec l'aménagement du code pénal en 2013 et le durcissement des peines contre la mendicité et la brutalité faite à l'enfant et la loi du 15 juillet 2015 relative à la protection de l'enfant». Mais, en attendant de voir ces textes appliqués sur le terrain, le professeur Khiati appelle«les parents à prendre leurs responsabilités et à encadrer leurs enfants pour leur éviter tout dérapage aux conséquences fâcheuses». Pour lui, «beaucoup de délits ne remontent pas à la surface, notamment l'inceste, qui reste un tabou aggravé par l'absence de dépôt de plainte». Il appuie ses propos en révélant que pas moins de 10 000 à 13 000 enfants sont victimes d'abus sexuels chaque année. Un chiffre qui donne froid au dos s'il venait à être confirmé par les ser-vices de police.Aujourd'hui, la démission parentale, les conflits conjugaux, suivis de divorce, et les questions d'héritage sont les facteurs déterminants dans le bien-être des enfants, qui demeurent la proie facile des prédateurs et sont souvent l'objet de chantage entre les deux parents et les familles des deux parties.A.B.Une génération traumatiséeDéclaration n «La banalisation de la violence est un fait au sein de notre société?après une décennie sanglante», selon Nacer Djabi, sociologue.Notre société, qui a connu une décennie d'une violence extrême, continue à traîner les séquelles de ces années noires et d'un traumatisme dont les conséquences restent sous-estimées. La sonnette d'alarme a été tirée dès 2007 par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche. La Forem a estimé à au moins un million, le nombre d'enfants victimes de traumatisme liés aux violences du terrorisme qui a frappé le pays pendant les années 90 et qui étaient dans un besoin urgent d'une prise en charge psychologique. Au lendemain de la concorde civile, peu de victimes ont bénéficié d'un traitement approprié, soit à peine 5 %. Ce qui est loin de répondre aux exigences d'une société toute entière, traumatisée par des scènes de violence et de terrorisme inégalées. «C'était déjà un indicateur sur l'état de la santé mentale générale et son incidence sur les enfants», selon la Forem. Même réflexion chez notre sociologue, qui estime qu'«après la décennie noire, où on a vécu avec la mort, on a banalisé la violence». C'est pourquoi, il explique que «de nombreuses catégories de personnes sont encore dans une logique violente. On apprend à nos enfants, dès leur jeune âge, à frapper ceux qui les frappent par exemple».?«Nous avons très mal géré ce traumatisme. Nous avons cru pouvoir régler le problème à travers une loi. C'est-à-dire sur le plan politique et juridique et de ne plus en parler par la suite», a relevé Nacer Djabi. Pour lui, c'est «une erreur qu'on va continuer à payer durant des années. Cette période de violence va se régénérer. Elle n'est pas derrière nous. On va la retrouver devant nous dans le comportement de nos enfants. En fait, jusqu'à maintenant, on n'a pas réfléchi pourquoi l'Algérie a vécu toute cette violence», a-t-il prévenu avant de revenir aux appels incessants à l'application de la peine de mort après les nombreux cas de kidnapping et assassinats d'enfants. «Ceux qui appellent à appliquer la peine de mort n'ont pas les valeurs des cultures humanistes et sont encore dans le rigorisme religieux. Pour eux, tout se règle à travers la violence. Certains aussi ont évoqué une augmentation du nombre de kidnappings. La réalité est qu'on manque sérieusement de données sur les cas de violences contre les enfants et qu'on ne sait pas s'il y a une évolution ou pas par rapport à la démographie et aux problèmes de la société», a-t-il indiqué déplorant l'absence d'étude et de chiffres sur ce phénomène au niveau des institutions ou des centres de recherche. «Nous ne connaissons pas le profil du kidnappeur par exemple, s'il est jeune, s'il est vieux, ses motifs. C'est un phénomène dont on ne parlait pas auparavant. Nous avons les statistiques de la gendarmerie, celles de la police. Mais aucune institution ne centralise ces chiffres», regrette notre sociologue, avant d'insister sur l'importance de constituer une série de statistiques à long terme. Il propose d'établir un fichier de statistiques «sur une durée d'au moins vingt ans pour avoir une vue d'ensemble. Nous sommes confrontés au même problème avec les accidents de la route, par exemple», selon Djabi.A. B.Les critères de Children's Worldl Le classement du «bonheur» et du «bien-être» est établi à partir de plusieurs critères, dont la si-tuation, les relations familiales, les conditions économiques, la sociabilité, la scolarité et la connaissance ou non des droits des enfants, selon Children's World. L'organisation relève dans ce contexte que les enfants algériens passent plus de temps à s'occuper de la fratrie et soutenir les autres membres de la famille. Ils vivent en général dans des familles nombreuses, où les plus grands sont obligés de contribuer aux activités de la famille, en veillant sur les plus jeunes frères et s?urs. Ils pratiquent ainsi moins de sport, regardent moins la télévision. Mais ils utilisent tout autant l'ordinateur, en comparaison avec les enfants des autres pays. Ainsi, environ 56% ont accès à Internet, tandis que seulement 45% ont accès à un ordinateur et seulement 52% des enfants algériens ont un endroit «calme» où étudier et seuls 3% ont accès à des vêtements de«bonne qualité», selon Children's World.


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