Algérie

Témoignage sur le pèlerinage de l’an 2006


Témoignage sur le pèlerinage de l’an 2006 2ème partie On fait partie de la trentaine de milliers de pèlerins algériens qui ont eu la chance et le bonheur d’accomplir le Hadj qui constitue l’une des cinq obligations de l’Islam, au cours de l’an 2006. Départ de l’aéroport de Djeddah et transfert à l’hôtel Les passeports confisqués, nous voilà partis pour la Mecque. Il est déjà presque midi, heure locale. Une première halte d’une demi-heure est opérée dans un centre de repos réservé aux pèlerins. Au cours de cette halte, on nous offre bénévolement un casse-croûte et une boisson d’eau de Zamzam. Après quoi, on reprend le chemin vers la Mecque. Arrivé aux couffins de la ville, on doit s’arrêter de nouveau à un poste de contrôle où les policiers vérifient les passeports qui sont aux mains du chauffeur du bus et procèdent à la reconnaissance des pèlerins grâce aux photos de leurs passeports. Une fois le contrôle terminé, nous voilà de nouveau en route pour la Mecque. La Talbiya reprend de plus belle jusqu’à l’arrivée en banlieue Mecquoise, à environ 3 ou 4 kilomètres du centre-ville. Ici, on s’arrête devant le siège de la société du Moutawaf. L’attente dure et on ne sait toujours pas, pourquoi, on est là, assis dans le bus à attendre voici déjà plus de deux heures. Il semble que les agents du Moutawaf mettent à profit cette halte pour enregistrer les pèlerins et préparer les badges et bracelets d’identification. Ce travail aurait bien pu se faire avant, s’il y avait une bonne organisation et une bonne coordination avec la Mission algérienne. Les pèlerins s’énervent, personne n’est là pour expliquer le pourquoi de l’attente. Ils font savoir, aux agents du Moutawaf, qu’ils n’acceptent pas d’être logés loin de la ville et exigent de partir immédiatement pour la Mecque. Les agents présents tentent, tant bien que mal, de les calmer par de bonnes paroles. Là aussi, il n’y a aucune présence d’un quelconque représentant de la Mission algérienne. Les pèlerins sont seuls face aux représentants du Moutawaf, pour tenter de régler leurs problèmes. Le ton monte et pour calmer le jeu, on amène des paquets de gâteaux et des jus d’orange. Finalement, après plus de deux heures d’attente, un nouveau contrôle d’identité des pèlerins est opéré par les agents du Moutawaf qui remettent à chacun, un badge et un bracelet en plastique portant les références du Moutawaf; ils serviront à une éventuelle identification du pèlerin. Il était presque 15h, heure locale, quand on démarre pour le centre de la Mecque. On arrive devant l’hôtel, à l’heure de l’appel du Muezzin à la prière de l’Asr. Il est plus de 15h30. Il s’est passé plus de 9 heures entre l’atterrissage de l’avion à l’aéroport de Djedda et l’arrivée à l’hôtel. Tous les bus arrivent en même temps à l’hôtel. C’est une véritable bataille rangée qui s’engage entre les pèlerins, livrés à eux-mêmes, devant le petit comptoir de réception de l’hôtel qui a du mal à contenir la foule des pèlerins. On impose d’emblée le groupement de pèlerins par six ou huit personnes par chambre. C’est une pagaille généralisée qui va durer près de deux heures. Les quelques rares personnes sensées, parmi les pèlerins, préfèrent se retirer assez loin et attendre l’issue de la bataille, qui se déroule devant leurs yeux. La première étape du hadj commence bien mal. Séjour à l’hôtel Chacun, tant bien que mal, est logé dans une chambre, au milieu d’un groupe hétéroclite, avec qui il faut partager et s’habituer, malgré soi. Dorénavant, il faut apprendre à dormir, pendant que d’autres parlent et crient parfois, à supporter les va-et-vient des uns et des autres à des heures indéterminées, à manger discrètement, ... etc. Il faut désormais partager une même et unique salle de bain pour tous, avec une seule porte d’accès et à l’intérieur de laquelle se trouvent un lavabo unique, un wc unique et une douche unique. Le comble est que l’accès à la salle de bain ne peut se faire que par une seule personne à la fois. On est au minimum 8 personnes à partager la même salle de bain. Alors, il faut imaginer l’attente qu’il faut consentir pour y accéder. On laissera le soin aux spécialistes de méditer sur la conformité de ces utilités d’hygiène, aux normes hôtelières internationales. Cette situation est difficilement supportable pour tous. La chambre est parfois séparée en deux : d’un côté les femmes et de l’autre les hommes. Bientôt, certains pèlerins avec leurs femmes ont vite transformé la salle de bain en cuisine ou en buanderie. Ce qui va bientôt entraîner des problèmes avec en premier lieu le bouchage du seul et unique lavabo. On court demander, aux agents de réception de l’hôtel de procéder au dépannage et au débouchage du lavabo. Aucune suite n’est donnée après deux jours d’attente, malgré plusieurs rappels. On décide de donner un pourboire au garçon d’étape pour accélérer le dépannage. Celui-ci tentera tout son possible pour déboucher le lavabo mais sans succès. Devant son échec, il nous promet d’alerter le réparateur officiel de l’hôtel, lequel ne viendra jamais. Devant cette situation, on se transforme, malgré nous, en agents plombiers pour déboucher le lavabo et grâce à Dieu, nous y parvenons. Pour éviter que d’autres avatars ne surviennent comme le bouchage du wc et de la douche, on décide de prendre les devants en informant les membres de notre groupe, sur l’existence d’une salle de cuisine au fond du couloir de l’étage où l’ont peut préparer ses repas et laver sa vaisselle. Qu’à cela ne tienne, dès le début de la deuxième semaine de notre séjour à l’hôtel, c’est au tour de la douche et du wc de se boucher. De nouveau, on signale la chose aux agents de l’hôtel mais rien ne se produit, après deux jours. Durant ces deux journées, il fallait attendre la nuit, quand les voisins d’à côté dorment pour utiliser leurs wc. Devant cette situation, il fallait, coûte que coûte, déboucher notre wc. L’un de nous décide de tenter de déboucher le wc, il se couvre le bras et la main droits de journaux, qu’il enveloppe doublement de sacs en plastique épais, pour éviter tout contact avec l’eau usée qui avait stagné. Il plonge sa main et son bras couverts dans le wc pour bloquer l’espace d’évacuations des eaux et déclenche le réservoir d’eau du wc en même temps qu’il retire promptement sa main et son bras. C’est le seul moyen de créer une pression suffisante pour casser le bouchon qui obstruait le canal d’évacuation des eaux usées. L’opération réussie à moitié, puisque les eaux usées pouvaient passer, mais à condition de verser de l’eau à gros d’eau. Ce qui a permis de s’en servir pour le restant de notre séjour à l’hôtel. Il n’y avait aucune personne présente, parmi les membres de la Mission algérienne à l’hôtel pour recevoir les doléances des pèlerins ou pour les aider. La seule bonne satisfaction constatée, au cours de notre séjour à l’hôtel, a été la présence rassurante de la mission médicale, qui 24h sur 24h, a accompli sa tâche de façon exemplaire. Malheureusement, le stock des médicaments s’est avéré insuffisant pour répondre aux besoins des pèlerins à cause du grand nombre de malades. Haram Mecquois On arrive à la Mecque une semaine avant le Hadj et déjà notre arrivée au niveau d’El Haram, au moment de la prière du maghrib, nous dissuade de procéder au tawaf El Quoudoum (circonvolution autour de Kaaba, le jour de l’arrivée), à cause d’une foule immense et dense à cette heure et de le reporter à la nuit quand il y aura moins de monde. On marche au milieu d’une foule, pied contre pied, main contre main, corps contre corps et ce dans toutes les directions. C’est tout juste, si on peut allonger sa tête vers le ciel pour respirer. On n’existe plus dans cette foule, c’est elle qui existe et non pas vous. La seule issue est de suivre ses règles. Quand elle avance, vous avancez, quand elle s’arrête, vous vous arrêtez. Il suffit qu’une personne soit saisie d’un malaise pour qu’elle soit piétinée par la foule et il peut s’ensuivre une véritable catastrophe parmi les pèlerins. Devant cette réalité, un esprit logique se pose la question de savoir si cette situation est normale et s’il faut continuer d’accepter, sans parler et sans remettre en cause, le fait accompli qui s’aggrave d’année en année. Ne faudrait-il pas prendre des mesures pour l’améliorer un tant soit peu? En quoi, le fait de se poser cette question serait-il un blasphème du 21ème siècle? Est-ce que l’homme n’a pas une part de responsabilité dans ce type de situation ? Existe-t-il un moyen de remédier à la situation ? Pour notre part, on répond d’emblée que l’amélioration est toujours possible et qu’il existe de nombreux moyens pour faire face aux difficultés présentes. L’espace autour d’El Haram ne peut plus s’élargir, car il n’y a plus d’espace disponible. Les terrains, tout autour de l’esplanade qui entoure la mosquée d’El Haram, ont tous été déjà confisqués au bénéficie des hôtels. Aujourd’hui, on empiète même sur les voies routières actuelles pour élargir ou surélever certains hôtels autour d’El Haram et il n’y a plus assez d’espace pour accueillir les pèlerins, particulièrement au moment des prières communes. Il est impossible d’imaginer 5 à 6 millions, sinon plus, au moment du hadj, dans un espace comprenant la mosquée d’El Haram, l’esplanade qui l’entoure et un secteur de prolongement de moins de 500m de rayon. Il faut signaler que la mosquée d’El Haram n’a jamais cessé d’être élargie depuis 15 siècles et le dernier élargissement date du roi Fahd Ibn Abdelaziz, qui a ordonné en 1988, son agrandissement. Ce qui a permis de porter sa capacité d’accueil à un million de pèlerins. Aujourd’hui, il faut se poser la question de l’espace à réserver à près de 5 millions de pèlerins sur au moins 6 millions qui font le Hadj chaque année. On avance ces chiffres, à partir de nos observations sur place, où ceux qui dorment et vivent dans la rue, au cours du hadj, sont beaucoup plus nombreux que ceux qui sont logés dans les hôtels ou les maisons d’accueil. Il faut soit garantir l’espace vital indispensable ou revoir fortement à la baisse le nombre autorisé de pèlerins. On considère, généralement, que la plupart des pays, prennent en charge leurs ressortissants au niveau de l’hébergement ou transport. C’est pourquoi, on comprend donc mal la présence d’une forte population qui vit dehors, en plein air et qui implante même des tentes sur l’esplanade attenante à la mosquée et dans les rues voisines des abords d’El Haram. Il est vrai que les autorités saoudiennes font tout pour dissuader ceux qui vivent dehors et squattent, mais elles n’y arrivent pas. Le nettoyage à l’eau, à intervalles réguliers de l’esplanade, par des moyens motorisés, n’arrive pas à dissuader les squatters qui reprennent domicile immédiatement après le passage des engins de nettoyage. A notre avis, l’interdiction d’élire domicile sur l’esplanade et les chemins attenants à El Haram, devra être appliquée à l’instar de ce qui se fait à Mina au moment de la dilapidation des Jamarats (stèles de Satan). Il y va de la sécurité de la majorité des pèlerins. Il faudra mettre en place des cordons militaires de sécurité pour empêcher de squatter les alentours d’El Haram, à l’instar de ce qui se fait à Mina. D’autre part, les plus grands dangers se produisent au moment de la fin des prières où deux flux denses vont interférer et s’opposer : d’un côté, le flux qui converge vers El Haram et celui qui sort d’El Haram pour regagner leurs lieux de résidence ou pour se diriger vers les nombreux bazars de la ville. Il faut aussi dire que la période du hadj est l’occasion d’un marché florissant où des milliards sont brassés, chaque jour. A l’instar des mesures prises à Mina, pour séparer les flux de pèlerins, on doit imposer les voies de circulation pour séparer le flux entrant du flux sortant entre la mosquée d’El Haram et le centre de la Mecque. Ces voies doivent avoir leur prolongement jusqu’à l’intérieur de la mosquée d’El Haram pour éviter le blocage de la circulation à l’intérieur. On doit arrêter le flux entrant à El Haram, dès que l’espace vital nécessaire est saturé. Naturellement, ce ne sera possible qu’avec le déploiement de cordons militaires, comme c’est le cas à Mina. Ce déploiement n’est nécessaire que durant une période d’un mois, encadrant la période du hadj. Ce schéma d’organisation n’est pas impossible, car les voies routières autour d’El Haram sont radiales et nombreuses. On peut facilement choisir celles qui doivent mener dans un sens ou dans l’autre. Or actuellement, aux heures de prière, les pèlerins s’amassent le long des rues radiales attenantes à El Haram et déploiement leurs propres tapis de prière par terre. Cette situation entraîne des nuisances manifestes : manque de propreté, contamination par les crachats, ... etc. Ces tapis transportent toutes sortes de vecteurs de maladies. Il ne faut pas s’étonner, alors, du nombre important de malades et de morts, chaque année, parmi les pèlerins. Une grande partie des maladies est provoquée par le manque d’hygiène et la pollution qui règne en maître. Vu le nombre important de pèlerins concentrés autour d’El Haram, on assiste à des va et vient incessants de bus, alimentés presque exclusivement en mazout. Ces bus crachent, 24h sur 24 leurs fumées et leurs suies et l’on respire tout le temps un air vicié qui vous prend en permanence à la gorge. Si l’on mesurait la concentration des polluants, au cours de la période du hadj, on atteindra sans doute des records mondiaux de pollution. Sans doute, ce sont les fumées et les suies des bus qui sont à l’origine des infections respiratoires subies par un nombre important de pèlerins. Il faut envisager un transport de masse, à base de trains ou de tramways pour faciliter le transport à l’intérieur de la Mecque, limiter l’embouteillage et réduire la pollution. En attendant, il serait facile, de convertir les milliers de bus pour les alimenter en gaz naturel, plus économique et moins nocif pour la santé. Mahi Tabet-Aoul Cadre supérieur en retraite Ancien diplômé de la Sorbonne - Paris
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