Algérie

Sarkozy à Constantine Du colonialisme à la «Jérusalem du Maghreb»



Les tempêtes médiatico-politiques de ces dernières semaines, qui ont précédé la venue du président Sarkozy en Algérie, au motif de brouiller sans doute la perception de la réalité des relations algéro-françaises, ne semblent pas avoir déstabilisé, outre mesure, ni le chef d'Etat français ni l'opinion publique constantinoise. A la vérité, au troisième et dernier jour de la visite de Sarkozy dans notre pays, c'est étonnamment à Constantine et devant les étudiants de l'université Mentouri que les poids des mots, les formules-chocs et les «salamalecs» couleurs locales, ont déminé au mieux le terrain. Il est vrai que dans le discours qu'il a prononcé, avec une réelle émotion, à l'auditorium Seddik Benyahia, le président Sarkozy a d'emblée placé son intervention sous le signe de la condamnation du système colonial «injuste par nature», dira-t-il, soulignant que celui-ci «ne pouvait être vécu que comme une entreprise d'exploitation et d'asservissement». Sa volonté de ne pas éviter les sujets sensibles, sur le registre de l'héritage mémoriel dont les heures les plus noires de la colonisation ont eu pour théâtre, il faut le rappeler, la reddition de la ville en 1837 ou la répression sanglante qui y fut menée le 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois, lui affirmera que «Les fautes et les crimes du passé furent impardonnables». «Je le dis dans cette ville qu'on appelait jadis «la Jérusalem du Maghreb»», devait expliquer encore M. Sarkozy, «parce que sa communauté juive y était la plus importante d'Afrique du Nord et que, pendant des siècles, juifs et musulmans y vécurent en paix les uns avec les autres». Ce faisant plus oecuménique à l'occasion, il déclarera dans la foulée «que si chacun d'entre nous, chrétiens, musulmans, juifs, nous allons au fond de nous-mêmes, au fond des traditions, des croyances, des cultures dont nous sommes les héritiers, nous découvrirons, au-delà de ce qui nous sépare, de tout ce qui nous oppose, que ce que nous avons accompli (...) procède des mêmes valeurs, de la même raison, du même idéal humain». Le chef de l'Etat français, dont les envolées lyriques ne laissent pas de marbre l'assistance, martèlera que «ce n'est pas ce qui a été pris hier, c'est ce qui sera donné demain; ce n'est pas le mal qui a été fait, c'est le bien qui sera rendu; ce n'est pas ce qui a été détruit, c'est ce qui sera construit». Dans ce sens comme pour donner plus de gages aux Algériens, la réconciliation franco-allemande est convoquée à titre d'exemple de réconciliation réussie: Sarkozy appellera l'Algérie et la France à «se faire confiance» pour gagner ensemble «le pari de l'union de la Méditerranée». Soulignant que «C'est en tendant l'un vers l'autre une main fraternelle que nos deux peuples sauront que tant de fautes, de crimes et de malheurs n'auront pas été vains, puisqu'ils nous auront appris à détester la guerre et à rejeter la haine». Pour faire bonne mesure, il proclamera la «dette éternelle» de la France à l'égard des 28.000 anciens combattants algériens encore en vie qui se sont battus pendant la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Français. D'une souffrance à l'autre, le président Sarkozy aligne son argumentaire sur le registre de l'émotion: «C'est parce que il y avait tant de douleurs à surmonter que ce que firent le chancelier Adenauer et le général De Gaulle eut une telle importance pour l'Europe». «C'est parce que il y a tant de douleurs à surmonter que ce que vont faire ensemble l'Algérie et la France a tant d'importance pour ce qui va advenir de la Méditerranée». Sans transition, le nucléaire civil s'invitera, ainsi, dans le «pli cartable» d'un discours, qui se voulait particulièrement persuasif, à l'enseigne «d'un pacte de confiance que l'Occident doit passer avec le monde musulman». Au chapitre de l'immigration, un autre dossier sensible, il a tenté de se montrer rassurant. «Parce qu'elles ont choisi, dira-t-il, de se faire confiance, l'Algérie et la France se sont mises d'accord pour réfléchir à la mise en oeuvre d'une politique d'immigration qui serait décidée ensemble». Ainsi il serait question, selon le président Sarkozy, «de permettre aux jeunes, aux chercheurs, aux entrepreneurs de circuler plus librement», tout en maintenant la lutte contre l'immigration clandestine, mais en définissant les incitations à mettre en place «pour que l'élite de la jeunesse algérienne, formée dans les écoles et les universités françaises soit encouragée à revenir en Algérie». Pour beaucoup, et le sentiment semblait être largement partagé, à Constantine, le ton du président Sarkozy, il est vrai, donnait l'impression d'avoir quelque peu évolué, mais sans plus. «J'ai souhaité parler en ce lieu qui appartient à tous les hommes parce qu'il incarne pour tous les hommes l'esprit de résistance, l'esprit de conquête et le dépassement de soi». Et l'inventaire en est bien long... l'islamophobie, l'antisémitisme, le fanatisme, le terrorisme, le racisme, la Palestine, le Liban, la diversité, la langue française en partage, le grand miracle andalou, etc. En vérité, la «question de confiance» qui était, hier, sur toutes les lèvres était sans conteste de savoir, sans lire dans le marc de café, s'il restera quelque chose, en gros et dans le détail des professions de foi, exprimées, certes, avec beaucoup de conviction, sur le Vieux Rocher, par le président Sarkozy. Il n'est pas sûr que cette nouvelle avancée du président français suffise à satisfaire les Algériens.
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