Algérie

Salles de cinéma d’Oran


Un patrimoine en décrépitude Les lampions de la 2e édition du Festival international du film arabe, qu’a abrité Oran du 26 juin au 3 juillet, viennent de s’éteindre. Les deux seules salles de cinéma encore opérantes de la ville, la cinémathèque et la salle Es-Saâda, ont été retenues pour la projection des films en compétition officielle. Elles ont eu l’occasion de renouer avec le public oranais qui aura retrouvé, à la faveur du festival, le chemin des salles. Ce sera un des points positifs à mettre au crédit de ce grand événement culturel mais qui ne saurait occulter la situation alarmante de toutes les autres salles de spectacles qui faisaient, il n’y a pas si longtemps, la fierté de la ville. Le Festival international du film arabe pourrait ainsi constituer un véritable catalyseur pour une action d’envergure pour leur récupération et leur sauvegarde. Les salles de cinéma d’Oran ne sont plus ce qu’elles étaient. Une partie du patrimoine matériel de la ville est en train de dépérir au vu et au su de tout le monde. Un constat amer qui frappe aux yeux et qui devrait ébranler les édiles et tous les citoyens jaloux de leur ville. La plupart de ces salles sont tout simplement fermées ou détournées de leur vocation initiale ou encore en ruine parce que les gestionnaires n’ont pas veillé avec détermination à leur maintenance. Celles qui sont encore restées debout constituent aujourd’hui des points de chute et n’auront jamais auparavant mérité, avec autant d’à-propos, leur surnom de salles obscures. Aucune de ces salles ne peut aujourd’hui projeter des films dans des conditions de vision et d’écoute décentes. Jadis joyaux architecturaux, ces temples du rêve qui, en d’autres époques, parvenaient à drainer autant d’affluence que les terrains de sport à l’occasion de joutes importantes, ont perdu de leur majesté et n’arrivent même plus à susciter une quelconque curiosité de la part des jeunes générations. Seuls quelques rares cinéphiles nostalgiques, offusqués par la tournure des événements, se prennent de temps à autre à lancer, à qui veut bien les entendre, quelques jérémiades comme pour exorciser une malédiction qui aura englouti tout un pan de leur jeunesse. Pour le cinéphile impénitent, faire le pénible et douloureux pèlerinage du circuit des salles de cinéma de la ville qui tiennent encore debout, constitue sans conteste une véritable descente aux enfers. Des images insolites, lamentables mais combien éloquentes, pour attester de l’état de décrépitude avancé dans lequel des gestionnaires irresponsables ont laissé sombrer ces lieux où les souvenirs d’enfance, toujours vivaces, viendront encore attiser ses blessures. Devant la porte d’entrée principale d’un cinéma, situé au centre-ville, son regard croisera un petit groupe de bambins bruyants faisant la queue, un jerrycan à la main devant ce cinéma converti en commerce de l’eau. Les enfants respecteront cette file d’attente, non pas pour aller s’abreuver d’images de rêves mais pour s’approvisionner en ce précieux liquide qui empoisonne le quotidien des Oranais. Ailleurs, dans un quartier périphérique, autrefois résidentiel mais qui s’est métamorphosé avec le temps en vaste bazar par ses résidents qui ont préféré troquer sa sérénité d’antan contre la fièvre de la rentabilité commerciale, le spectacle est tout aussi insolite. A même le trottoir, par devant l’entrée du cinéma spécialisé à une certaine époque dans les opérettes et les films d’aventure, le maître de céans a installé un brasero surélevé pour griller ses merguez et brochettes à la fraîcheur douteuse. Son attirail, d’où s’exhale une forte odeur de graisse grillée, attire plus de clients que le petit réduit qui sert de guichet où le préposé baille aux corneilles dans l’attente d’un providentiel public qui aurait été séduit par les photos écornées et jaunies d’un film asiatique de kung-fu. Dans un passé récent, la ville d’Oran disposait de plus d’une trentaine de salles de cinéma de différent standing. Les cinémas, les plus huppés dont les noms évoquaient la magnificence et faisaient la fierté de la ville, projetaient le plus souvent des films récents, les péplums et les super productions, et étaient, bien sûr, situés au centre alors que chaque quartier périphérique avait sa propre salle de cinéma, spécialisée dans un genre cinématographique particulier. Le Rex programmait des films arabes ou indiens, le Mondial des films en version espagnole, le Magic et le Victoria, aujourd’hui disparus, proposaient, des westerns ou des films d’aventures de série B. Ces salles de cinéma qui, entretenues, pouvaient jusqu’au jour d’aujourd’hui générer d’importantes ressources, ont été, dans leur grande majorité, vouées à l’abandon ou concédées à des gérants privés qui, faute d’approvisionnement en films de 35 mm, ont tenté de maintenir l’activité cinématographique en ayant recours à la projection vidéo de films très discutables acquis dans les vidéothèques ou dans le marché informel. Compte-tenu du non respect des cahiers de charge, certains gérants de cinémas situés au centre ville ont même adjoint à l’activité cinématographique des activités annexes n’ayant aucune relation avec leur vocation principale ou changé simplement de vocation en convertissant leur salle en cafétéria, KMS ou encore en hôtel...La situation des salles de cinéma des quartiers est encore plus alarmante. Faute d’activité et surtout d’une prise en charge de leur maintenance, ces espaces ont atteint un stade de dégradation tel qu’ils font depuis bien longtemps déjà partie du vieux bâti. G. Morad


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)