Algérie

Réflexion-Édition et communication : Ce simple objet complexe




Un graphiste s?interroge sur l?évolution du livre et sonr avenir dans notre pays. Longtemps, nous avons été un peuple de l?oralité. Nous avons, par conséquent, toujours sacralisé les détenteurs de symboles, les transcripteurs d?idées et leur « produit », à savoir le livre (qui, par la magie d?un petit bâton imbibé d?eau noire tenu dans leurs mains, fait naître des symboles). Seuls tenants de leur signification, ils peuvent les lire et les relire à chaque fois qu?ils le désirent : l?idée est immortalisée, l?objet le contenant devient sacré. C?est « le » livre. Le livre religieux, médiateur de la parole divine, explique en partie cette façon de voir. Reste que la place qu?il occupe est particulière : il s?agit d?un livre, dans toutes les religions d?ailleurs, qu?on ne peut que lire. Les paroles peuvent seulement être interprétées suivant l?époque, sans que rien n?y soit ajouté, ni soustrait. Cela n?est pas le cas des livres rédigés par les humains, qui transmettent des pensées, un vécu ou une science changeante et transformable. Aujourd?hui, cependant, se pose une question fondamentale : doit-on continuer à attribuer au livre ? en tant que vecteur d?idées ? cette même sacralité qu?aux autres mediums de la pensée humaine ? Doit-on donner plus d?importance à l?eau qu?au verre qui la contient ? Le livre, au cours du XXe siècle, a été détrôné comme seul médiateur de la pensée humaine. Il n?a cessé d?être concurrencé par d?autres supports, tels que le télégraphe, le téléphone, la radio, le cinéma, la télévision et maintenant Internet, véritable défi pour le livre en tant qu?objet. Les Européens ont compris que le livre est devenu un simple objet, au même titre qu?une puce de téléphone, un rouge à lèvres, ou une tablette de chocolat. Pour qu?il soit vendu et surtout pour que sa place soit protégée, il faut s?appliquer à le rendre beau et attractif avant de le médiatiser et de le promouvoir. Sinon, il se trouve, tout simplement, noyé dans ce vacarme de sons et d?images? Nos éditeurs se lamentent parce que, disent-ils, ils ne vendent pas assez, les tirages sont faibles. Leur métier est si difficile, déplorent-ils, comme s?ils le pratiquaient sous la contrainte? Il me semble que le choix d?être éditeur répond d?abord à l?amour qu?il a du livre. Il ne s?intéresse pas qu?à l?objet-papier, il se sent investi d?une mission, d?un devoir : celui d?être, à travers ce magnifique support, l?émissaire de la pensée humaine. Car hélas, la sacralisation du livre est comme une histoire : elle se transmet de génération en génération ; mais l?essentiel est parfois oublié au passage, à savoir que l?enjeu est d?abord de transmettre la pensée humaine. Lapalissade ! me rétorquera-t-on. Certes, mais à quand remonte la dernière campagne (au sens propre du mot) destinée à un livre ou à une collection ? excepté lors des salons ?, si tant est qu?il y en ait jamais eu ? Un réalisateur réalise avec ses bobines, un reporter photographe avec ses pellicules. Les émissions de radio ont leurs bobines et cassettes, etc. Tous ces supports ne sont-ils pas du même niveau que le papier imprimé pour faire un livre ? N?ont-ils pas la même fonction que lui ? Aujourd?hui, faire de la publicité pour le livre devient, selon nous, vital. Il ne s?agit pas de faire de la pub pour de la pub, mais de considérer le livre comme un produit de consommation. Tout reste à faire alors. Il faut défricher le terrain, faire des enquêtes, des sondages, et savoir, en premier lieu : « Qui lit quoi ? » Les moyens existent, humains et matériels. Il reste à en faire bon usage. Mais ceci est une autre histoire? Quelqu?un m?a dit une fois : « Imagine une communauté d?aveugles. Le livre, sous sa forme papier, aurait-il de l?importance pour eux, s?ils n?avaient personne pour le leur lire ? » A méditer?


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