Algérie

Ramadhan revient aussi cette année


Ramadhan revient aussi cette année
Tout, dans ce monde, est reconnaissable à quelque chose. Les fleurs se reconnaissent à leur parfum, les universités à la validité de leurs diplômes, les maladies à leurs symptômes, la bonne eau à son goût... Généralement, les critères de reconnaissance sont naturels mais, parfois, ils sont l'oeuvre de l'homme. Lorsque c'est le cas, les choses commencent par manquer de sens, puis elles perdent leur essence et, au bout du compte, elles se transforment et finissent par être perdues elles-mêmes.
Lorsque nous étions jeunes enfants, le mois de Ramadhan était surtout synonyme, pour nous, de trois choses: visites et veillées familiales pour les femmes, taraouih pour les hommes et charité à l'égard des pauvres. La préparation en vue de «recevoir» le mois sacré commençait certes, dès les derniers jours du mois de Cha'bane, mais l'odeur de la chorba mélangée à celle du tadjin sucré étaient, pour nous, la preuve irréfutable que le mois avait bel et bien commencé.
De nos jours, les signes ne sont plus les mêmes et ils n'apparaissent pas au même moment car on sent le mois de Ramadhan longtemps à l'avance. Dès que certains marchands de légumes commencent à se transformer en vendeurs de zalabia, on se rend compte que Ramadhan est proche. Dès que certains garages deviennent, par on ne sait quel subterfuge, des points de vente de lait et de lben, on sait alors que Ramadhan n'est plus loin. Dès que les diouls se mettent à envahir le marché, on sent l'odeur du mois sacré et à partir du moment où les vendeurs de persil et coriandre se mettent soudain à vendre leur herbe plus chère, on est sûr que Ramadhan est arrivé.
Depuis les dernières années, cependant, d'autres signes sont venus s'ajouter aux précédents. En effet, à chaque fois que les citoyens algériens commettent l'erreur de penser au mois sacré, des prix de denrées alimentaires se mettent à grimper. Cette année ne fait pas exception. Trois jours avant Ramadhan le prix de l'eau en bouteille s'est vu, d'un coup, monter de manière sensible. Le fardeau que nous payions à 120 ou 125 DA est désormais cédé à partir de 150 DA, ceci pour les plus chanceux. A la question de savoir pourquoi ce prix a soudain augmenté, la réponse des commerçants est la même, c'est à l'usine que le prix a connu son augmentation. Allez savoir donc pourquoi et, surtout, pourquoi maintenant l'eau mise en bouteille a changé de prix'
On savait, jusque-là, que certains pseudo-commerçants profitaient de Ramadhan, mois de générosité et de charité, pour dépouiller les gens, voilà maintenant que ce sont certaines entreprises qui semblent avoir été séduites par ce comportement qui n'a rien d'héroïque et rien d'éthique.
Il ne fait pas de doute que dans un environnement où la nature de la gestion n'a jamais intéressé personne, seule l'augmentation du prix est considérée comme moyen d'amélioration des résultats de l'entreprise. Cette indigence managériale renvoie indiscutablement à la «culture managériale» qui sévit chez nous et que l'on peut résumer en ce qui suit: peu importe les autres éléments constitutifs du prix tant que la marge à la vente est malléable à volonté. A toute augmentation de coûts, les entreprises adeptes de ce comportement se contentent d'augmenter le prix. Au pauvre citoyen de supporter, c'est le prix à payer dans une économie de rente comme la nôtre où la réflexion et l'innovation ont été bridées à tout jamais. Un handicap dont héritent les entreprises et qui finit par être trop cher payé.
Rien d'étonnant lorsqu'on sait que c'est la politique qui a sévi durant cinquante longues années, que c'est l'une des causes de détérioration des entreprises publiques et si l'on pousse un peu, c'est aussi l'une des causes de la détérioration de notre quotidien.
Pour les pauvres gens, cette année aussi, le mois de Ramadhan revient avec ses prix fous car eux savent reconnaître le mois sacré à ces prix-là. Quelle misère!
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