Algérie

Quand Paris débarque au village


Le retour aux sources
Le village de Kabylie tout entier reprend vie durant ces mois d'été. Après près d'une semaine passée à rendre visite aux siens, la famille s'installe enfin dans ses vacances.
Paris, c'est aussi à...Tizi-Ouzou. Les enfants du bled reviennent et avec eux une autre ambiance. Et cette ambiance s'installe déjà dans les villages de Kabylie qui les voient revenir avec une grande joie dans les familles. Les petites ruelles prennent des airs plus colorés et les maisons restées longtemps fermées reprennent vie. On sait que la famille est au bled, à la lumière qui éclaire sa maison le soir. Le village de Kabylie tout entier reprend vie durant ces mois d'été.
Après près d'une semaine passée à rendre visite aux siens, la famille s'installe enfin dans ses vacances. Car aller voir l'oncle, les grands-parents et autres tantes est un rituel sacré pour la famille kabyle. Parallèlement à cette pratique obligatoire, la famille reçoit des visites de réciprocité pour la bienvenue. Passé ce rituel, les membres de la famille commencent à penser à leurs vacances.
A la recherche des sites touristiques
C'est en fait une nouvelle mode chez les jeunes émigrés. L'ancienne génération n'y pensait pas, mais les jeunes s'y mettent avec fougue. Dès leur arrivée, beaucoup de jeunes émigrés s'intéressent aux sites touristiques situés en dehors de la Kabylie. Pour comprendre cette nouvelle tendance, nous avons eu quelques discussions avec les concernés.
«Moi, j'ai visité tous les lieux touristiques de Kabylie, maintenant je veux voir d'autres sites d'Algérie. Je veux voir les Aurès par exemple», affirme Samir, jeune émigré rencontré à Tigzirt-plage. C'est en effet, une véritable obsession pour beaucoup de jeunes vivant en France ou au Canada. Le désert, les plages du littoral de l'Ouest surtout, deviennent des destinations très prisées.
Mais en fait, un sérieux problème se dresse devant eux. «C'est pas du tout organisé. Moi personnellement je rêve de visiter la région du Touat et du Hoggar dans le Sahara. J'entends parler d'elles en Europe comme un eldorado. Mais, voyez-vous, je ne veux pas y aller en voiture. Puis, il me faut une réservation d'hôtel et des agences qui assurent les voyages organisés sur place. Je ne peux pas visiter le Sahara tout seul» dit un autre jeune émigré vivant en Espagne. Ce dernier soulève en fait, le sérieux problème du manque d'organisation du secteur du tourisme dans notre pays. Pourtant, nos émigrés sont la vitrine de notre pays. Si l'industrie touristique était développée, ils seraient les premiers à remplir les hôtels et les sites touristiques. Mais hélas, même s'ils veulent visiter l'Algérie, ils n'ont pas les moyens à leur disposition. Que dire alors des étrangers qui n'ont aucune attache dans cette rive Sud de la Méditerranée. «Dommage! chaque année, je me dis que je vais visiter le Sud mais je ne trouve pas les moyens d'y aller, même tout seul, sans ma famille.
Une fois j'ai essayé de venir en avril pour y aller. Arrivé à Tizi Ouzou, j'ai fait le tour des agences de voyages pour demander des informations sur ma requête. Elles ne m'ont même pas pris au sérieux. Elles étaient toutes occupées par les réservations d'hôtels pour les jeunes et les Omra», témoigne Saïd jeune émigré vivant en Allemagne. «Eh bien, vous savez ce que j'ai fait, je suis venu au Sahara, mais d'Allemagne. C'est plus facile de visiter l'Algérie venant d'ailleurs que d'ici», conclut-il avec tristesse.
Les fêtes sont encore plus belles
Oublié le séjour dans d'autres régions d'Algérie, la majorité des émigrés, surtout les anciennes générations, préfère revoir le maximum de personnes qu'elle n'a pas l'occasion de rencontrer habituellement. Alors, elle va dans les fêtes du village et de la famille même lointaine. «J'aime bien rencontrer les anciennes connaissances. Je m'enquiers de leur situation. Que sont-elles devenues après des années' Les fêtes sont très bonnes pour les rencontres, même si je n'aime pas la manière de les célébrer à présent avec les disc-jockeys», affirme une femme émigrée qui a la soixantaine. D'autres préfèrent profiter de ces fêtes afin de rechercher la perle rare. Les occasions de ce genre sont une prédilection pour un certain nombre de femmes émigrées. «Oui, je l'ai fait plusieurs fois. Montrer une mariée de bonne famille à un jeune émigré qui veut se marier avec une fille du bled est un geste très appréciée en France. J'en ai trouvé plusieurs déjà. J'ai marié plusieurs jeunes et ils ne semblent pas le regretter», témoigne une autre vieille femme qui parle très bien la langue de Molière, mais avec perfection celle de Si Moh Ou Mhand.
Mariages de binationaux
Mais en fait, cette recherche n'est pas uniquement dans ce sens, mais aussi à l'inverse, beaucoup de jeunes filles émigrées se marient à des jeunes d'ici. «Je préfère me marier à un jeune du bled, mais j'ai toujours peur qu'il ne veuille que les papiers d'installation en France. C'est un véritable cauchemar. J'ai l'impression que tous les jeunes qui m'approchent n'ont que ce but», affirme une jeune émigrée qui a pourtant fait des études supérieures en Europe. Mais, signe des temps, bien que l'on n'en parle pas souvent, les Kabyles émigrés en Europe sont très attachés à leurs racines et c'est ce qui les motive, filles et garçons, à se marier au bled. «Oui, les expériences de ces dernières années ont montré que se marier n'est pas un jeu d'enfant. Se marier à un étranger, même si c'est ton voisin est une aventure qu'il ne faut pas tenter. Nous l'avons déjà vécu dans plusieurs familles kabyles», témoigne un jeune qui a été marié à une émigrée non algérienne. Certains voient justement en cet attachement aux racines, une véritable défense contre les mariages entre binationaux (à distinguer des mariages entre personnes de double nationalité). Ces mariages entre personnes de différentes nationalités ont, selon beaucoup d'émigrés, fait plus de mal que de bien et produit plus de malheur que de bonheur, à long terme.
Jaloux de leurs racines, les enfants émigrés parlent couramment le kabyle
Toujours au chapitre de l'attachement aux racines, la présence des familles émigrées dans les villages nous a permis de constater que leurs enfants parlent couramment la langue kabyle. Nous avons été étonnés de voir que la tendance est générale avec quelques exceptions à l'évidence, mais somme toute insignifiante. «Je ne tolérerai jamais que mes enfants ne puissent pas parler ma langue. La langue de leur père et mère. C'est un principe sacro-saint pour nous. D'ailleurs, je ne vois pas d'inconvénients ni d'obstacles à cet apprentissage naturel d'une langue» affirme Ali et sa femme, deux émigrés approchant la soixantaine. En effet, contrairement aux années 80 et 90 qui ont connu les premières générations du regroupement familial, ces dernières années, la langue kabyle est à la mode. Les enfants parlent aisément la langue de leurs parents et ils sont vraiment fiers. «Cette tendance à apprendre le kabyle ne se limite pas uniquement à la France. Même les enfants d'émigrés au Canada sont dans la même tendance. «Mes enfants vont suivre des cours de langue amazighe. Je les encourage et ils me le rendent si bien. Je suis très heureux de les voir attachés à leurs racines contrairement à ce que l'on veut nous imposer», ajoute un jeune émigré qui rentre du Canada pour passer les vacances dans le village.
Les affaires marchent bien
Cette présence durant ces deux mois d'été profite aussi aux commerçants. Les premiers à voir leurs recettes gonfler sont les tenanciers des petites épiceries des villages. «Oui, c'est une véritable bénédiction de Dieu. Et vous savez, les émigrés dépensent parfois de l'argent rien que pour nous faire plaisir. Ils savent que nos recettes sont maigres. Que Dieu les bénisse», affirme un commerçant dans un village. En fait, ce ne sont pas uniquement les épiceries des villages, mais un grand nombre de commerces voit ses affaires partir à la hausse durant leur présence. Les boucheries sont aussi prisées par les vieux émigrés surtout. Ces dernières années, une autre tendance prend place, une grande place en Kabylie. La location de véhicule est une véritable activité économique qui s'impose grâce justement aux émigrés. «Je ne pense jamais à ramener de voiture de France. Il y en a de très belles ici à louer. Et ce n'est pas cher» nous révèle un jeune émigré qui sillonne toute la Kabylie dans ces véhicules qu'il loue pour un mois entier. Questionnés, les propriétaires de ces agences sont unanimes que la location explose en ces mois d'été. «Je n'ai aucune voiture libre actuellement. Elles sont toutes louées» dit-il. D'autres révèlent que leur parc est loué à l'avance. «Mes clients sont tous des émigrés qui louent à l'avance. Un mois avant de venir, ils m'appellent pour réserver», explique un autre. Actuellement, simple vérification, les agences de locations affichent, toutes, complets. Il faut attendre le mois de septembre.
Les euros boostent l'économie locale
Cette tendance est constamment à la hausse ces dernières années. Les jeunes émigrés commencent à s'intéresser à l'investissement en Algérie. Des expériences mitigées ne semblent pas décourager cette volonté en constante croissance. Mais malgré le désir ardent de participer à l'essor de l'économie nationale, des obstacles se dressent toujours devant les émigrés qui veulent investir dans des projets en Algérie. «A chaque fois que je viens ici pour passer un congé, je profite pour m'informer sur les opportunités d'affaires. J'en découvre beaucoup, mais il y a beaucoup d'obstacles bureaucratiques. Une fois, j'ai tenté l'exportation de l'huile d'olive de Kabylie, mais je n'ai pas pu m'en sortir avec la toile d'araignée bureaucratique. Pourtant, j'avais décroché des contrats avec des chaînes commerciales européennes», témoigne un autre jeune émigré.
Beaucoup de volontés se brise sur les rochers des lenteurs causées par la paperasse. «J'ai déchanté à cause de ça justement, mais si je trouve un partenaire je suis toujours tenté de reprendre l'aventure. Je crois que l'unique moyen de faire participer les émigrés à l'économie, c'est le partenariat entre ceux qui vivent en Algérie et ceux de la diaspora. Chacun sur son terrain pour des projets communs», conseille un autre jeune émigré.
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