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Quand le gouvernement neutralise le Parlement


Quand le gouvernement neutralise le Parlement
En dépit de l'incertitude totale qui a pesé tout au long de cette année sur les prix du pétrole, le gouvernement n'a pas eu besoin de recourir, comme de tradition, à une loi de finances complémentaire pour recadrer sa politique budgétaire.Celle-ci se serait-elle donc avérée à ce point juste ' Assurément pas si l'on tient au moins compte de l'épisode baissier des prix du brut en début d'année, où le baril a stagné pendant plusieurs semaines autour du seuil catastrophique des 30 dollars. Alors que le gouvernement a basé, au départ, sa prévision budgétaire sur un cours pétrolier moyen du marché à 45 dollars le baril ? en plus de son traditionnel prix de référence de 37 dollars ? ses cadrages initiaux ont sans doute été faussés par les cours beaucoup plus bas qui ont sévi en début d'année. Pour autant, le recours à une loi de finances rectificative est officiellement exclu, comme l'a annoncé récemment le nouveau ministre des Finances, Hadji Baba Ammi.C'est que depuis l'année dernière déjà, le gouvernement a bien su mettre à profit le nouveau contexte de crise pour se doter d'instruments qui lui permettent de revoir à tout moment ses budgets sans avoir à passer par des lois de finances complémentaires à faire voter par le Parlement. Un Parlement dont le droit de regard est ainsi presque annihilé quant à la gestion des finances publiques et qui devrait l'être encore davantage à l'avenir, au vu des nouveaux mécanismes budgétaires greffés au «nouveau modèle de croissance» que le gouvernement s'apprête désormais à mettre en place. En vigueur depuis janvier dernier, faut-il le rappeler, le fameux article 71 de la loi de finances 2016 offre déjà à l'Exécutif le pouvoir discrétionnaire de décider à tout moment de geler ou d'annuler des financements prévus initialement sans avoir à solliciter préalablement l'aval des parlementaires.En vertu de cette disposition, le gouvernement peut, pour ainsi dire, recourir tout à fait à sa guise à «des décrets d'ajustement sur simple rapport du ministre des Finances, en cours de l'année, pour prendre en charge, par le gel ou l'annulation de crédits destinés à la couverture de dépenses, une situation d'ajustement nécessaire en cas de détérioration des équilibres budgétaires généraux». En termes plus explicites, le gel ou même l'annulation pure et simple de certaines dépenses prévues initialement dans le budget de l'Etat, tel que voté par le Parlement, pourrait être décidé à tout moment, sans recours à de nouvelles lois de finances complémentaire ou initiale, comme le supposent pourtant les usages de la transparence budgétaire.Un virage ainsi négocié vers davantage de concentration de pouvoirs entre les mains de l'Exécutif et que confortent d'ailleurs les annonces faites tout récemment par le ministre des Finances devant le Sénat. Indiquant qu'il n'y aura pas de loi de finances complémentaire cette année, le ministre a en effet prévenu que dès l'année prochaine, une vision sur le moyen terme pour une adaptation des dépenses aux ressources du pays sera désormais mise en place. Auparavant, le communiqué final de la réunion tripartite tenue en juin dernier annonçait déjà l'instauration, dans le cadre du nouveau modèle de croissance, d'un «cadrage budgétaire sur le court et moyen termes, réaménagé en fonction des éléments factuels de conjoncture?».Tout comme l'article 71 de la loi de finances en vigueur, ces nouvelles mesures de politique budgétaire peuvent, certes, offrir une meilleure visibilité sur la gestion à moyen terme de la ressource publique. Mais en s'arrogeant en même temps le droit de revoir à tout moment ses prévisions de dépenses, sans obligation de passer par une loi de finances rectificative, le gouvernement neutralise tout simplement le rôle du Parlement quant à la conduite de sa politique économique.


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