Algérie

Pr Chitour ( Ingénieur en polytechnique)


« En finir avec l?égo-citoyenneté » Professeur Chitour est pétrolier de formation, ingénieur en polytechnique. Il a fait son doctorat d?Etat à Lyon et exerce depuis 1979. Professeur associé à Toulouse en France, il précise d?entrée de jeu qu?il ne fait pas le procès des hommes mais celui des idées. Lors de la 12e journée de l?énergie qui s?est tenue à Zéralda le 15 avril dernier sur le thème : « Les changements climatiques, comment y faire face », les différentes interventions ont mis en exergue les risques encourus par l?Algérie à ne pas trouver de parades au pétrole. Ce combustible présent en grande quantité n?a pas permis de sortir du sous-développement. Sans modèle énergétique fiable et propre, l?Algérie risque d?accroître les dangers liés au réchauffement climatique. Un mot d?ordre du professeur Chitour, « il faut arrêter d?être des jouisseurs. »  Quel constat faites-vous de l?utilisation des énergies polluantes en Algérie ?  L?Algérie est un pays pollueur qui ne produit pas de richesse, elle envoie dans l?atmosphère l?équivalent de 85 millions de tonnes de CO2 soit 2,5 tonnes de CO2 par habitant. Mais il faut relativiser, l?Algérien de l?Algérie profonde, notamment dans le Sud, consomme beaucoup moins d?énergie du fait principalement qu?il n?ait pas accès à l?électricité. De plus, il ne roule pas en voiture et encore moins en 4x4 qui consomme à lui seul 3 fois la quantité d?une petite voiture. On a calculé que pour un parcours annuel de 20 000 km, un 4x4 consommant 15 l/100 km, soit 3000 litres d?essence (2, 5 tep), envoie dans l?atmosphère 6 tonnes de C02 dans l?atmosphère ! Le parc algérien a augmenté d?une façon exponentielle, on compterait 3,5 millions de voitures, soit une voiture pour 10 personnes. Ce chiffre est à comparer avec celui de la France (1 voiture pour 2 personnes, mais surtout avec celui de la Chine, seulement une voiture pour 60 personnes !! où la croissance est à deux chiffres (11,9 % en 2007 en termes de création de richesse).Le parc de voitures était de 60 marques différentes l?année dernière, pour un achat de 2,5 milliards de dollars avec une création de richesse quasi nulle si on excepte les show-room de quelques dizaines de personnes. Ces voitures ne répondent pas, de notre point de vue, à la configuration énergétique du pays. C?est la foire ! L?Algérie qui est un pays gazier n?impose pas une double configuration qui permettrait de valoriser le GPL qui pose des problèmes récurrents de commercialisation et de stockage, au lieu et place par exemple du gaz oil dont une partie est importée ! L?Algérie est un pays pollueur et qui gaspille de l?énergie d?une façon inconsidérée. Il est possible d?économiser jusqu?à 10 à 20% d?énergie, soit l?équivalent de 6 millions de tep. Soit encore au cours de 100 dollars le baril, l?équivalent de 4 milliards de dollars ! L?Algérie est un petit pays avec des réserves énergétiques marginales (12,5 milliards de barils de pétrole (1,7 milliard de tep) soit moins de 1% et 160 000 trillons de cubic feet (près de 4000 milliards de m3 (2,5%) selon l?AIE et BP (données du DOEA Etats-Unis de janvier 2007). Elle exporte l?équivalent de 140 millions de tep. Pour un montant de l?ordre de 54 milliards de dollars. Ses réserves de change cumulées sont de 110 milliards de dollars pour le premier trimestre 2008, l?Algérie a engrangé 18 milliards de dollars (prix du panier Opep autour de 100 dollars. La consommation actuelle est autour de 35 millions de tep soit 1 tep/hab/an (moyenne mondiale 1,7 tep/hab/an avec 8 tep/ha/an pour les Etats-Unis et 4 tonnes pour les pays de l?Union européenne et 1 tep/hab/an pour la Chine). Le formidable développement de la Chine est de loin plus producteur de richesse que l?Algérie. L?énergie consommée en Algérie est principalement sous forme d?énergie fossile (carburants, combustibles tertiaires, industrie, agriculture et électricité. La capacité installée est de près de 7000 MW soit une production de 34 TWh soit environ 1000 kwh/hab/an à comparer avec les 14 000 TW/hab/an des Etats-Unis).  Que risque l?Algérie en consommant autant les énergies polluantes ?  L?Algérie contribue à sa façon à aggraver l?effet de serre responsable des changements climatiques. Elle se prévaut selon le discours ambiant de ne pas avoir de contraintes pour polluer ! Dangereuse certitude, si au moins elle polluait pour la bonne cause en créant de la richesse au lieu de donner l?illusion factice éphémère et en définitive dangereuse qu?avec une voiture voire un 4x4, pour lequel on s?endette, et un portable (il y aurait 27 millions d?abonnés pour un bénéfice pour les opérateurs autour de 2 milliards de dollars), on est développé. Au contraire, c?est un signe de sous-développement qui risque d?être irréversible si on ne prend pas en marche le train des réformes mondiales.L?Algérie développe de façon marginale les énergies renouvelables non carbonées et donc non polluantes. La seule opération qui mérite d?être signalée est la construction à Hassi R?mel d?une centrale solaire de 180 Mw .C?est un bon début mais c?est très peu. L?Allemagne, à titre d?exemple, à installé 40 000 MW en énergie renouvelable. L?Algérie dispose de grandes potentialités en solaire éolien, biomasse et près de 200 sources géothermiques certaines connues depuis les Romains. Ces ressources inépuisables attendent d?être développées.  Quelles solutions envisageriez-vous pour parer au changement climatique ?  La fausse aisance du pays repose sur du vent, les dollars peuvent fondre au soleil rapidement. Etant mono-exportateur d?une ressource que nous exportons frénétiquement. Encore une fois la meilleure banque pour l?Algérie, c?est encore son sous-sol. A quoi cela sert d?extraire pour 140 millions de tep, si notre consommation est autour de 35 millions de pétrole. Nos exportations devraient être calibrées sur nos besoins en devises. Le prix du pétrole sera de plus en plus cher, on prévoit le déclin (début du peak oil vers 2015). Le pétrole sera rare et cher, qui peut dire si son prix ne dépassera pas les 200 dollars l?année prochaine, surtout si le dollar continue à s?effriter. Il n?est pas sage de pomper le pétrole, ce qui compromet, qu?on le veuille ou non, l?avenir des générations qui atteindront la maturité vers 2030, pour le vendre à un prix qui est de plus en plus dépassé pour avoir un matelas de devises qui fond au soleil. Justement, il est utopique de croire que l?on puisse trouver un nouveau gisement de la taille de Hassi Messaoud pour le pétrole ou de Hassi R?mel pour le gaz. Nous continuerons à trouver de petits gisements mais au rythme d?exploitation actuel, ils seront moins importants que la production. Inexorablement, on puisera dans les réserves. Une étude de l?AIE en 2007 prévoit que l?Algérie produira 0,7 million de barils/jour à partir de 2030. Elle aura tout juste assez, à ce rythme d?exploitation, pour subvenir à ses besoins avec une population évaluée à 45 millions à cette date ! Il nous faut avoir un cap. Une stratégie énergétique qui prenne en considération la situation actuelle (état des lieux en Algérie et dans le monde). Ensuite, tenant compte des contraintes externes, la géopolitique de l?énergie et surtout les changements climatiques, il nous faudra mettre en ?uvre des scénarii de consommation prenant en charge plusieurs paramètres : la politique des transports. Doit-on continuer cette politique de fuite en avant caractéristique d?une bazarisation de l?économie ? La politique de l?habitat. Doit-on continuer cette politique de construction qui ne s?applique pas les normes d?économie d?énergie ? Doit-on continuer à dépenser de l?énergie sans compter, sans donner les moyens à l?Aprue (Agence pour la rationalisation de l?utilisation de l?énergie) ? Doit-on continuer à parler de l?environnement sans donner les moyens de contrôle de sanction - pollueur payeur - ? Doit-on continuer à avoir la même politique agricole, si tant est qu?il y en a une, sans prendre en compte les profondes mutations induites par les changements climatiques et où un pays comme l?Algérie est très vulnérable ?!! Toute cette politique ne peut se faire qu?avec l?engagement de tous les départements ministériels y compris l?éducation, car c?est à l?école que nous allons former l?éco-citoyen qui doit obligatoirement prendre le lieu et la place des égo-citoyens que nous sommes. Les changements climatiques demandent des politiques vigoureuses qu?il ne faut pas tarder à mettre en place au vue de l?accélération des phénomènes et pour lesquels les pays industrialisés - responsables des dégagements de gaz carbonique - ont prévu des parades.  Avez-vous un message ?  Nous devons sans plus tarder et au risque de me répéter savoir où nous allons ! Il nous faut une stratégie énergétique et climatique. Rien n?est plus important que l?avenir des Algériens et des Algériennes qu?il faut privilégier sur nos « engagements » pour être les bons élèves du monde. Il est utopique et dangereux de penser que l?Algérie continuera d?une façon paresseuse à engranger des devises pendant encore longtemps. Sinon à Dieu ne plaise les réveils seront douloureux, la fausse aisance actuelle n?incite pas à l?effort et à la sueur, c?est tout le danger de la situation actuelle. Le monde change vite et d?une façon qui n?est pas linéaire. A nous de nous préparer pour être prêts. Seule une formation supérieure de qualité et une recherche nous permettront d?avoir une chance d?exister dans le nouveau monde qui se dessine. L?université doit être partie prenante de ces mutations. A ce titre, le Laboratoire de valorisation des énergies fossiles de l?Ecole polytechnique a organisé la 12e Journée de l?énergie sur le thème justement des changements climatiques. Ce sont justement des élèves ingénieurs qui ont exposé le fruit de leurs recherches académiques devant les professeurs et les industriels.


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