En montagne, les épisodes de sécheresse estivale ont eu raison de zones humides comme les mares. Des bénévoles restaurent ces précieux puits de biodiversité.
Plateau de la Molière (Vercors), reportage
Des pelles, des pioches, quelques sécateurs, des gants orange fluo et de hautes bottes de caoutchouc. En cette matinée ensoleillée de septembre, dans le Vercors, une dizaine de personnes se prépare pour un chantier un peu particulier. Son objectif: la mare de la Robertière, située au cœur de l’espace naturel sensible de la Molière-Sornin et d’une zone Natura 2000.
«On va défricher tout ce qui a poussé et faire un peu de terrassement pour rouvrir le milieu aux espèces aquatiques», détaille Jean-Baptiste Decotte, responsable d’équipe écosystèmes et renaturation pour la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui coorganise le chantier avec le parc naturel régional du Vercors.
. Lire aussi: Créer des mares pour réconcilier agriculture et biodiversité (A lire sur site ci-dessous)
À cause des épisodes de sécheresse et de canicule, la mare de la Robertière s’est asséchée peu à peu ces dernières années. Avec la baisse du niveau d’eau, la végétation, et en particulier le carex, une plante qui apprécie les sols humides, a pris toute la place et les végétaux morts se sont accumulés, étouffant son fonctionnement naturel. Les espèces qui vivent habituellement autour de celle-ci et viennent notamment s’y reproduire et pondre, comme les rainettes vertes, les tritons alpestres et plusieurs espèces libellules, ont vu leur cycle perturbé ces dernières années.
. Muni d’une pelle ou d’une pioche, chaque participant doit extraire les herbes hautes qui ont poussé à la faveur de l’assèchement de la mare. © Benoit Pavan / Hans Lucas / Reporterre (Voir photo sur site ci-dessous)
Équipés d’une pelle ou d’une pioche, les bénévoles du jour — quelques habitants du Vercors, des membres du parc et de la LPO — descendent dans la mare. Il faut arracher le carex, en allant chercher les racines dans la boue. Le travail est physique et la progression lente dans la mare qui mesure 20 mètres de longueur et 30 mètres de largeur.
«On avance petit à petit», dit Christian, habitant du Vercors qui s’est porté volontaire, le visage rougi par l’effort. «Des gens paient pour faire des bains de boue», s’amuse Alan, écogarde saisonnier du parc naturel régional du Vercors venu contribuer au chantier, le visage et les bras maculés de terre.
Au fur et à mesure que la végétation est retirée, de petits têtards de tritons alpestres et des larves de libellules apparaissent dans les quelques centimètres d’eau du fond de la mare. «Ça fait tard pour les tritons. C’est peut-être un effet du changement climatique. Ils ont dû retarder leur ponte à cause de la sécheresse, en attendant que l’eau revienne», analyse Jean-Baptiste Decotte.
Le début de l’automne est en principe la période idéale pour un chantier avec le moins de dommage possible, la plupart des espèces ayant déjà pondu et quitté la mare. «Tout chantier cause du dérangement, mais on estime que la plus-value est là», explique Nathalie Lécrivain, chargée de mission de l’espace naturel sensible de la Molière-Sornin.
. Le chantier de la mare, qui mesure 20 mètres de longueur et 30 mètres de largeur, doit durer deux jours. © Benoit Pavan / Hans Lucas / Reporterre (Voir photo sur site ci-dessous)
«Ce qui est impressionnant, c’est de voir à quel point le vivant revient vite dans les mares, dit Jean-Baptiste Decotte. Entre la surface, l’énergie dépensée et le gain pour la biodiversité, peu d’actions qui sont aussi efficaces. D’autant que ces chantiers ne sont pas très chers, le coût est surtout dans l’organisation.»
Celui-ci a coûté environ 3.000 euros, dont 2.000 euros financés au titre de l’espace naturel sensible de la Molière-Sornin et 1.000 euros au titre de la zone Natura 2000.
- Une oasis en altitude
Plus tard dans la journée, une pelle mécanique vient prendre le relais des bénévoles pour retirer la végétation aquatique. Au fur et à mesure que la mare s’éclaircit, les bénévoles s’attèlent à récolter autant de larves et de têtards que possible. Les jeunes insectes et amphibiens seront mis de côté quelques heures dans des bidons, et remis dans l’eau une fois le chantier terminé pour limiter le dérangement.
«Il faut toujours avoir les mains mouillées quand on les prend, car ils sont photosensibles», explique Flora, service civique pour la LPO, en transportant un têtard de triton dans ses mains.
. Certains participants tentent d’extraire de l’eau les larves et les tritons qui se nichent dans la mare. Tous sont conservés dans de grands seaux et seront relâchés une fois les travaux de restauration terminés. © Benoit Pavan / Hans Lucas / Reporterre (Voir photo sur site ci-dessous)
«Cette mare a une vocation écologique depuis toujours», raconte Nathalie Lécrivain. Créée dans les années 1990 par le gardien du gîte de la Molière à partir d’une mare naturelle plus petite, sa fonction est de servir de refuge à la biodiversité, alors que les zones humides se font rares dans le massif du Vercors. «Celui-ci est karstique, l’eau est vite drainée. Si des zones humides se créent, elles sont souvent temporaires, elles vont s’assécher naturellement chaque année», explique Nathalie Lécrivain. Dans l’écosystème du plateau de la Molière, la mare de la Robertière joue un rôle d’oasis pour la biodiversité.
À travers un programme dédié, Alpi’mares, la LPO restaure de plus en plus de mares d’altitude comme celle-ci. «Plusieurs facteurs contribuent à l’assèchement d’une mare, explique Jean-Baptiste Decotte. Les activités humaines, les erreurs de conception au moment de la création de la mare et le changement climatique. L’été, il y a des périodes d’un mois et demi, voire deux mois sans pluie. Les mares seront ainsi attractives au printemps quand elles sont en eau, mais elles s’assécheront très vite et deviendront des pièges mortels pour la biodiversité qui s’est installée dedans.»
. Les intervenants expliquent aux bénévoles les effets de leur action. © Benoit Pavan / Hans Lucas / Reporterre (Voir photo sur site ci-dessous)
En France, avec l’urbanisation croissante, la pratique de l’agriculture intensive et les diverses interventions humaines, la moitié des zones humides aurait disparu entre les années 1960 et 1990, selon l’Office français de la biodiversité.
«Dans le Vercors, elles sont en assez mauvais état de conservation, elles sont mal répertoriées et donc mal protégées, dit Chrystelle Caton, chargée de mission du parc naturel régional du Vercors pour l’Atlas de la biodiversité communale, une initiative inventoriant la faune et la flore. Il est d’autant plus important de les préserver qu’elles vont permettre de maintenir un réservoir de biodiversité qui s’inscrit dans un ensemble, toute une chaîne alimentaire qui va avoir un effet plus large.»
Une fois la mare remise en état, la pluie de l’automne et les précipitations de la saison froide devraient la remplir progressivement, pour permettre un retour de la biodiversité au printemps. «Ils annoncent de la pluie cette semaine, précise Nathalie Lécrivain, ça devrait bientôt cicatriser.»
Photos : 1 / 8 (A voir sur site ci-dessous)
Photo: La mare restaurée par des bénévoles est située à environ 1 600 mètres d’altitude sur la commune d’Engins, dans le massif du Vercors. - © Benoit Pavan / Hans Lucas / Reporterre
Pour voir l'article dans son intégralité avec les illustrations et article en annexe: https://reporterre.net/Apres-la-secheresse-des-benevoles-a-la-rescousse-des-mares
Par Raphaëlle Lavorel et Benoit Pavan (photographies)
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Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Raphaëlle Lavorel et Benoit Pavan (photographies) - 23 septembre 2025
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