Algérie - Ziar Mohamed. Directeur du Parc national de Chréa: «La cédraie de Chamonix, en France, provient de Chréa»

Classé réserve de biosphère par l’Unesco en 2002, le Parc national de Chréa est d’une grande richesse floristique et faunistique. A travers cet entretien, son directeur, Mohamed Ziar, revient sur les dégâts occasionnés par les derniers incendies de forêt.

Propos recueillis par Mohamed Benzerga

- Avez vous établi un premier bilan des incendies de Chréa durant la fin août?

Tout d’abord, permettez-moi de vous dire qu’il est plutôt plus indiqué de parler de premières estimations que de bilan qui nécessite un peu de temps et de recul.

Pour la superficie endommagée, nous avons une estimation d’environ 90 hectares ravagés par les feux. Il s’agit surtout de feux de broussailles et de maquis. Mais les arbres les plus touchés sont le pin d’Alep et le chêne-liège.

L’éclatement des pignons du pin d’Alep dans l’air a favorisé la propagation des feux.

Aussi, une superficie abritant une strate herbacée constituée principalement de différentes herbes et une centaine de plantes médicinales est devenue synonyme de cendre. Cela ne s’est pas produit depuis 2001.

Il est utile de rappeler que nous avons établi une convention de partenariat avec la faculté de médecine d’Alger en janvier 2023 pour l’exploitation des plantes médicinales et herbes aromatiques de la région dans la recherche scientifique et la production de certaines classes de médicaments, en les mettant à la disposition des chercheurs, des enseignants et des étudiants en vue de les exploiter dans la recherche scientifique et de la production de certaines classes de médicaments d’origine végétale. Toutefois, nous ne sommes pas au stade rouge. Ce n’est qu’une partie du parc qui a été ravagée par les flammes.

La convention reste en vigueur. On va étudier avec le conseil scientifique du parc les conséquences de l’incendie, et on essaiera de sortir avec un plan d’action.

Je signale que le parc de Chréa compte 26.587 ha et 86 ha, d’après nos dernières estimations, qui ont été touchées par les incendies.

- Qu’en est-il de la pépinière forestière de Béni Ali?

C’est la grande perte malheureusement. Un bijou. un travail de 20 ans qui part en fumée.

D’ailleurs, c’était la fierté des forestiers. Nous y recevions des délégations étrangères, des diplomates, des universitaires, des associations, lycéens... et ils étaient tous ébahis par sa beauté et sa richesse flauristique.

D’une superficie de 5 hectares, elle était surtout spécialisée dans la préservation des espèces nobles comme le cèdre de l’Atlas ainsi que le caroubier, le peuplier. le châtaignier, le pin pignon... J’aimerais aussi préciser que cette pépinière avait beaucoup servi aux campagnes de reboisement qu’organisaient les autorités locales et la société civile.

- Et l’espèce endémique, le cèdre?

Fort heureusement , le cèdre de l’Atlas blidéen n’a pas été touché par les feux, sinon ça aurait été la catastrophe. Un cèdre parti en fumée nécessite plus de 30 ans pour qu’il soit remplacé par un autre. C’est une espèce noble, protégée et dont la croissance nécessite beaucoup de temps et des conditions climatiques appropriées comme le froid en hiver. Si la cédraie de Chréa est touchée par les feux, son remplacement sera très difficile vu la fragilité de l’espèce. Aussi, il suffirait que les conditions défavorables soient là, comme la sécheresse, les incendies qu’il sera vite anéanti en pleine croissance, d’où notre rôle de le préserver par tous les moyens.

Je signalerai aussi que le cèdre faisait la notoriété de la célèbre station climatique de Chamonix, dans les Alpes (France) issus de la cédraie de Chréa.

- Un mot de la fin?

J’aimerais que la fin soit optimiste. Vu l’ampleur des feux, à mon avis, les dégâts ont été minimes. Les flammes ont atteint 13 mètres de hauteur, c’était horrible.

Heureusement, aucune victime n’est à déplorer. Les familles ont été évacuées à temps. Les animaux, surtout les mammifères comme le singe, les vaches... ont réussi à fuir instinctivement les feux ou les premières alertes, si j’ose dire.

Sinon, les arbres non touchés dans leurs racines peuvent régénérer en quelques années. Un programme de plantation est aussi envisagé par les forestiers en collaboration avec la société civile...

Bref, la forêt est une affaire de tous. Préservons et développons là.

Photo: Ziar Mohamed. Directeur du Parc national de Chréa. El Watan

Mohamed Benzerga