Algérie - Revue de Presse

Pertes et gaspillages alimentaires: Luttons contre ces fléaux, on est tous concernés



Publié le 27.10.2022 dans le Quotidien d’Oran
par Mohamed Khiati (*)
Il y a quelques jours, le 16 octobre 2022, de nombreux pays à travers la planète y compris l'Algérie, ont célébré la Journée mondiale de l'alimentation, sous le thème : «Ne laisser personne de côté. Amélioration de la production, de la nutrition, de l'environnement et des conditions de vie». L'objectif de cet évènement planétaire est de sensibiliser l'opinion publique aux problèmes de la faim et de la malnutrition et de mobiliser tous les secteurs d'activités et la société civile pour lutter contre ces fléaux redoutables pour l'humanité toute entière.

Aussi et en référence aux statistiques de la FAO, il est affirmé qu'aujourd'hui près de 830 millions de personnes souffrent de la faim et de la malnutrition dans le monde et plus de 200 millions de personnes font face à des situations particulièrement sévères de « crises alimentaires », liées à de nombreuses considérations comme les séquelles du Covid-19, les conflits, les changements climatiques, les inégalités, la hausse des prix et les tensions géopolitiques internationales.

Ces facteurs pèsent lourdement sur la sécurité alimentaire. Cependant, il existe au demeurant un facteur supplémentaire qui crée les conditions d'insécurité alimentaire. Il s'agit des pertes et des gaspillages des produits alimentaires qui, in fine, constituent un problème planétaire social, environnemental, économique, voire parfois même sanitaire.

Dans le concert des nations, le gaspillage alimentaire est devenu, à l'heure actuelle, un sujet de préoccupation mondiale, dont les retombées se font sentir sur le plan économique et social des pays. Mais le paradoxe est tel que toutes les nations œuvrent inlassablement à produire plus de nourriture, à travers des politiques de développement agricole, au moment où de nombreuses populations s'affichent au gaspillage des denrées alimentaires. Cela se passe à une époque où la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, s'attache pleinement à lutter contre la faim et la malnutrition, à travers le monde.

Selon la FAO, on entend par gaspillage alimentaire « toute diminution de la masse des denrées comestibles initialement destinées à la consommation humaine, y compris celles qui sont dans un deuxième temps réaffectées à l'alimentation animale ou à la production de bioénergie ». Si les « pertes alimentaires » font généralement référence aux pertes au niveau de la production, de l'après-récolte et de la transformation, le « gaspillage » concerne le stade de la distribution et de la consommation finale (FAO, 2011).

Dans les divers parterres, on s'accorde à dire que la réduction du gaspillage alimentaire participe, entre autres, à l'amélioration de la sécurité alimentaire des populations. Il s'agit, dans ce contexte, d'œuvrer à réduire de moitié, à l'horizon 2030, le gaspillage alimentaire au niveau de la distribution et du consommateur ainsi que réduire les pertes tout au long de la production et des chaînes d'approvisionnement. C'est là, l'un des sous-objectifs de l'objectif du développement durable (ODD-12), sous le titre « Garantir des modes de consommation et de production durables ».

Au niveau international, selon les premières estimations faites en 2019, par la FAO, l'indice moyen de perte alimentaire indique qu'environ 14% de la nourriture mondiale produite est perdue après la récolte et jusqu'au niveau de la vente au détail, soit un volume estimé à 1,6 milliard de tonnes. Dans la région de l'Afrique du Nord et l'Asie de l'Ouest, cet indice est de 10,8%, estime-t-on.

A ce sujet, des études commissionnées par la FAO ont estimé que les pertes et gaspillages alimentaires représentent annuellement 30% de la production de céréales, 40-50% des tubercules, fruits et légumes, 20% des oléagineux, des viandes et produits laitiers et 35% des poissons. On fit par ailleurs noter que les pertes et gaspillages alimentaires dépendent fortement de conditions spécifiques et de la situation locale dans chaque pays et pour chaque culture (FAO-2015. Initiative mondiale de réduction des pertes et du gaspillage alimentaire).

Sur le plan spatial, une superficie de 1,4 milliard d'hectares de terres, soit 28% de la sole agricole mondiale est utilisée annuellement pour produire de la nourriture perdue ou gaspillée (FAO, 2020). Comme valeur économique, cela signifie qu'environ 14% des aliments produits dans le monde sont perdus entre le stade après-récolte (inclus) et celui de la vente au détail (exclu).

Cet état de fait montre que sur le plan international, le gaspillage alimentaire et la perte de nourritures sont à un niveau jugé alarmant et l'Algérie n'est pas du reste par rapport à ce phénomène qui tend inexorablement à prendre de l'ampleur. Mieux encore, ces pertes et gaspillage des aliments sont considérables. Ils contribuent à réduire la disponibilité de la nourriture et peuvent même aggraver les pénuries alimentaires dans de nombreux endroits de la planète.

Sur le plan économique, le tiers des aliments produits pour la consommation humaine est perdu ou gaspillé, ce qui équivaut à environ 1,3 milliard de tonnes par an. Les coûts mondiaux des pertes et gaspillages alimentaires s'élèvent à quelque 2.600 milliards de dollars par an, dont 700 milliards de coûts environnementaux et 900 milliards de coûts sociaux.

Cependant, en dépit des efforts déployés par les différents acteurs, le gaspillage alimentaire a atteint 21% de ce qui est jeté dans les décharges dans le monde. Une partie du problème revient à la longue chaîne d'approvisionnement que traversent les aliments à travers le réseau de distribution des grossistes, les restaurants et en passant par les collectivités publiques et les cuisines privées, notent les données statistiques mondiales, ces dernières années.

Les pertes tout au long du parcours renferment aussi les dommages aux cultures durant la récolte, leur transport maritime et les produits qui ont été dépréciés qualitativement avant d'être utilisés ou vendus aux consommateurs. En gros, le gaspillage alimentaire s'élève en moyenne à un taux de 40% de la récolte totale d'une nation (FAO 2011).

Cependant et en prenant en compte l'ensemble des paramètres nécessaires pour produire, transformer et distribuer la nourriture (la dégradation des ressources, le carburant, les semences, les engrais, l'eau et la main-d'œuvre) révèlent la raison pour laquelle le gaspillage du produit fini a un coût économique et environnemental considérable. Alors que sur le plan écologique, les pertes et le gaspillage des produits alimentaires contribuent à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à la dégradation des ressources naturelles.

En Algérie, comme ailleurs d'ailleurs, les pertes et gaspillage des produits alimentaires se situent généralement à plusieurs niveaux. Le premier se situe à l'échelle de la ferme ou de l'exploitation où dans le cas des céréales et des légumes secs et autres cultures annuelles, les pertes sont observées au moment de la récolte et au cours du stockage avant leur sortie de la ferme.

Ces pertes sont dues à des chantiers de récolte tardifs des céréales entraînant un égrenage naturel des épis sur pied. Elles sont liées aussi à la faible maîtrise de la récolte mécanique des cultures. Aussi, les pertes sont estimées par certains auteurs à 5% en moyenne en Algérie. Selon Kaci (2007) (1), ce taux reste tributaire du type de moissonneuses-batteuses dont le nombre avoisine les 2.500 réparties sur le territoire national. Elles peuvent être constatées lors de la récolte et au cours du stockage avant la sortie de l'exploitation agricole et leurs mises dans le circuit de commercialisation.

Ces causes sont diverses et concernent :

- La mauvaise maîtrise du réglage des moissonneuses-batteuses (organes de battage) impacte directement le rendement (taux de casse et des pertes de grains) avec une perte moyenne estimée à 4%, soit l'équivalent de 173.000 tonnes de céréales annuellement perdues sur la période 2009-2013 (CREAD, 2018) (2). Elle serait de 171.800 tonnes de 2014 à 2019, si on garde les 4% estimés par le CREAD sachant que la moyenne de la production pour cette dernière période était de 42.953.380 quintaux (nos propres calculs).

- La nature du sol, le respect de l'itinéraire technique, l'utilisation efficiente des semences et engrais et des traitements phytosanitaires adéquats sont autant de facteurs qui influent indirectement sur le rendement et augmentent les pertes des productions de cultures (la verse des céréales, la présence de mauvaises herbes et de déprédateurs), viennent aussi déprécier la qualité des produits en entraînant parfois, un gaspillage des moyens et des efforts fournis.

Les pertes sont aussi liées au stockage et au transit et transport, de telle sorte, les déperditions de produits alimentaires sont souvent liées aux mauvaises conditions de stockage des produits et à l'insuffisance des unités de transformation (en particulier pour les tomates industrielles et les pommes de terre en cas de «surproduction»), à la faible maîtrise des méthodes de conditionnements adaptées (surtout pour les fruits et légumes).

A titre d'exemple, les salades « laitues », sont livrées aux détaillants, compressées dans des cartons, cela entraînant -par écrasement des feuilles- une perte équivalent parfois à un cinquième du poids. Alors qu'une partie du problème revient à la longue chaîne d'approvisionnement que traversent les aliments dans le réseau des grossistes, les restaurants et les cuisines privées.

Les pertes tout au long du parcours soulèvent aussi des dommages causés aux cultures durant la récolte, lors de leur transport maritime engendrant une dépréciation de leur qualité avant d'être utilisés ou vendus aux consommateurs.

En ce qui concerne le gaspillage des céréales, il est à rappeler que l'Algérie demeure parmi les grands importateurs de blé tendre en particulier, du fait de la faible capacité de la filière nationale à satisfaire les besoins de consommation croissants de la population. On estime, selon certaines statistiques, que le blé tendre représente en moyenne quelque 80% du total des importations des blés.

Alors que le pain est parmi les aliments les plus gaspillés. Selon une étude menée en 2015 dans plusieurs pays arabes méditerranéens (Capone et al. 2016) (3), il est fait état que 20% du pain et des produits céréaliers achetés sont jetés, suivis par les légumes et les produits laitiers. La consommation de pain a nettement augmenté en Algérie. D'après les statistiques, les Algériens consomment 48 millions de baguettes de pain chaque jour, et se trouvent de ce fait, parmi les premiers consommateurs de pain blanc surtout, dans le monde.

Un média électronique, citant une entreprise chargée du ramassage des déchets ménagers (ExtraNet), donne le chiffre de 90 tonnes de pain jetées dans les poubelles de la capitale durant les neuf premiers mois de l'année 2017, soit l'équivalent de 12.000 tonnes de blé. Ce média mentionne également que 12 millions de baguettes de pain sont jetées chaque mois dans le pays citant (Aghiles, 2017) (4), soit l'équivalent entre 320.000 tonnes et 400.000 tonnes de blé.

Alors que l'UGCAA (Union générale des commerçants et artisans algériens) a déclaré deux ans avant, en 2015, que pendant le seul mois de Ramadhan (mois de piété), quelque 120 millions de baguettes, 12 millions de litres de lait et 50.000 tonnes de légumes ont été jetés par les consommateurs. Tandis que le ministère du Commerce estime, pour sa part, le gaspillage du pain à 10 millions de baguettes par jour, atteignant les 12 à 13 millions de baguettes par jour durant le mois sacré de Ramadhan.

Quant à la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM), elle estimait déjà en 2015 que «plus de 40 millions de dollars de pain sont jetés annuellement».

Il est à relever qu'une large partie de la consommation du pain issue des céréales provient des blés. Le blé dur est destiné à la biscuiterie et à la fabrication de semoules ou de pâtes, mais sans impacts négatifs sur la santé humaine. Alors que, l'OMS (Organisation mondiale de la santé), les spécialistes notamment les nutritionnistes et les médecins, notent que le blé tendre est par contre nocif à la santé humaine. Le blé tendre est utilisé principalement en meunerie pour obtenir de la farine nécessaire à la production de pain blanc, de viennoiseries ou de pâtisseries.

Effets de la consommation du pain blanc sur la santé :

Ce faisant et en dehors du gaspillage, la consommation du pain blanc a des conséquences néfastes sur la santé humaine. Le Dr F. Bousmaha de la DGPPS, relevant du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, a souligné lors des journées techniques et scientifiques organisées à l'ITGC (Institut technique des grandes cultures), le 23 septembre 2020 que ce type d'aliment a des répercussions sur la santé des Algériens, notamment pour les adolescents. A ce titre, l'orateur mentionne que :

- Le pain blanc est riche en sucre, sa valeur énergétique est élevée puisqu'elle atteint en moyenne 250 Kcal/100 g dont 85% sont représentés par les glucides.

Son index glycémique se situe entre 80-95% selon le degré de raffinage et est très proche des sucres simples (un index modéré
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