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OAS, la haine et le sang projeté à Ibn Khaldoun


OAS, la haine et le sang projeté à Ibn Khaldoun
Projeté à la salle Ibn Khaldoun devant un large public, essentiellement composé d'écoliers, le documentaire OAS, la haine et le sang de Ramdane Iftini et de Sami Allam impressionne d'abord par la charge d'informations quasiment inédites qu'il contient.Le film remonte les origines de l'Organisation armée secrète (OAS) à travers une somme impressionnante d'images et de documents d'archives et une mise en contexte débutant en 1954. En effet, c'est en cette année-là que le premier groupuscule d'extrême droite a vu le jour à Alger, au lendemain du déclenchement de la révolution algérienne. Le plus important est l'Oraf (Organisation de résistance de l'Algérie française), un réseau qui tente de rassembler tous ces groupes fascisants et qui se présente d'abord comme une organisation antiterroriste, destinée à défendre les pieds-noirs contre les attentats du FLN. Mais ce n'est qu'en 1961 que l'OAS, telle qu'on la connaît aujourd'hui, a véritablement pris le relais et devant l'inéluctabilité de l'indépendance, elle a opté pour une radicalisation meurtrière de ses modes d'action, espérant notamment faire échouer les Accords d'Evian.Ramdane Iftini, également coscénariste avec Badreddine Bentridi, donne à son film un atout considérable, celui d'une dense documentation qui non seulement fait la lumière sur la genèse de l'organisation terroriste, mais révèle aussi, à travers notamment le témoignage inédit du commandant Azzeddine, la coopération officieuse entre un groupe issu du GPRA et les autorités françaises afin de contrecarrer les actions de l'OAS. Il dira à ce propos : «Pour fuir l'ambiance complotiste de Tunis (où les luttes pour le pouvoir commençaient déjà , ndlr) et devant la gravité de la situation à Alger, j'ai voulu être utile et j'ai eu pour cela l'accord de mes supérieurs, à condition d'intervenir dans le respect des Accords d'Evian.» Le récit de l'ancien chef de la Zone autonome d'Alger est surprenant à plus d'un titre : d'abord, parce qu'il met en relief les informations assez étriquées dont on disposait sur la question ; ensuite, parce qu'il fait un pied-de-nez à l'Histoire officielle en dévoilant une embarrassante et néanmoins logique collaboration avec l'armée coloniale, certes sur le départ. Il évoque également des négociations avortées entre le FLN et l'OAS. Aussi, le film expose les fortes présomptions sur un éventuel soutien du Mossad à l'Organisation, dont l'objectif est de pousser les juifs d'Algérie à quitter le pays pour rejoindre Israël en phase de peuplement.Un projet qui échouera puisqu'ils opteront pour la France plutôt que pour l'Etat hébreu. Dans le même sillage, on démontre que l'exode des Européens d'Algérie n'était pas le fait du FLN, comme véhiculé dans la version française, mais le résultat direct des manœuvres de l'Organisation armée secrète. Le commandant Azzeddine ira plus loin en soulignant que les dirigeants de la future Algérie indépendante s'inquiétaient justement de ce départ massif puisque, dit-il : «Le savoir-faire était entre leurs mains et la construction du pays allait donc avoir besoin de leurs compétences.»Parmi les images d'archives qui accompagnent chaque chapitre de la chronologie, on découvre aussi une interview avec le préfet de police d'Alger, Vitalis Cros, qui affirmait : «Les attentats de l'OAS ont fait en un an quatre fois plus de morts que ceux du FLN en six ans.»Sur le plan de la narration, on regrettera néanmoins un rythme saccadé et un débit d'informations trop rapide et chargé pour qu'on puisse adhérer entièrement au film. A cela s'ajoute l'usage abusif de la musique qui accompagne de manière permanente la voix off.Il y a également un certain parti pris qui contraste avec la vocation «pédagogique» assumée par les auteurs, puisque seuls le commandant Azzeddine et l'historien Rachid Soufi sont interviewés, ce qui compromet l'équilibre du documentaire vu qu'il aborde le sujet du seul point de vue algérien.Or, l'audace appréciable relevée dans l'évocation de certains faits aurait pu se compléter par le recours à d'autres témoignages destinés à nuancer le ton général du film, d'autant qu'il existe par exemple une archive aussi importante que pertinente : une interview rarissime, datant des années 1980, avec le général Challe, un des protagonistes du putsch d'avril 1961, où il explique ses motivations personnelles et analyse de manière lucide la politique «incohérente et malhonnête» du général de Gaulle qui a entraîné l'armée dans «une guerre absurde» avant de «faire volte-face» et livrer ainsi «des milliers de soldats, d'Européens et d'Algériens (pro-Algérie française, ndlr) à un avenir incertain».OAS, la haine et le sang demeure cependant un documentaire historique d'une grande valeur qui se distingue par un véritable travail de recherche et qui, de surcroît, emprunte un ton dépassionné et, fait rarissime, évite la langue de bois et les formules enflammées souvent utilisées dans ce genre de films produit par l'Etat algérien.


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