Algérie

Mouloud Feraoun «La terre et le sang», Un roman à redécouvrir


Publié le 23.04.2024 dans le Quotidien l’Expression

Relire «La terre et le sang» de Mouloud Feraoun permet de replonger de nouveau dans l'univers magique et mythique d'un écrivain unique dont le style d'écriture est à la fois simple et magique, précis et profond et surtout réaliste et cru.
On ne lit pas «La terre et le sang» comme on l'avait lu pour la première fois. Car, une deuxième lecture permet de ne rater aucun détail, aucune phrase clé ni aucune originalité de ce texte majeur de la littérature algérienne. Certes, l'histoire est la même mais le regard du lecteur est tout à fait nouveau. C'est dire à quel point «La terre et le sang» est une grande oeuvre littéraire qu'on peut lire et relire sans sentir à aucun moment le besoin d'abandonner. Bien au contraire, on a envie d'aller d'une traite jusqu'au bout du roman. Mais en même temps, quelque chose nous demande d'avancer doucement afin de pouvoir s'extasier et apprécier, chaque phrase, chaque passage et chaque paragraphe du roman. Mouloud Feraoun raconte, certes, une histoire très originale mais en même temps, et c'est peut-être le plus important, il nous fait découvrir un pays, un peuple, une mentalité, une sociologie, une psychologie, etc. En lisant ce livre, on apprend presque tout de la vie dans un village algérien des années 20, 30 et 40. Les phrases de Mouloud Feraoun sont des images qui défilent devant les yeux du lecteur. En lisant, on voit carrément Amer Ou Kaci atterrir de nouveau dans son village natal, Ighil Nezman après quinze années d'absence totale. Il ne revient pas seul. Mais il ramène avec lui Madame, sa femme. Une Française. La première Française qui vivra dans ce village. Elle y sera la première et la seule étrangère dans ce village où le seul endroit où les femmes ont le droit de se rendre est la fameuse fontaine que Feraoun décrit si bien tout comme tous les autres lieux et objets du village Ighil Nezmane qui peut en fait, être n'importe quel village de Kabylie. La force, ou plutôt l'une des forces de narration de Mouloud Feraoun réside à la fois dans la simplicité déconcertante de style d'écriture et de son vocabulaire, que dans sa puissance à décrire et à narrer les événements, petits ou importants. Car il est clair que souvent Mouloud Feraoun s'attarde sur ce qui peut paraitre être des futilités. Mais qui ont leur importance surtout avec le recul du temps. Il s'agit en effet de détails qui montrent comment fonctionnait la société kabyle de l'époque concernée. Même quand l'auteur saute de son village natal à la France où a vécu Amer pendant quinze années, Feraoun ne se départit point de son génie descriptif. On dirait qu'il y a vécu très longuement. Pourtant, tel qu'il le révèle lui-même, il n'a séjourné en France, pour les besoins de ce roman, que quelques jours.

Le temps qu'il s'imprègne un tant soit peu des lieux qu'il allait décrire dans «La terre et le sang». Ainsi que pour évoquer, génialement aussi, le drame dont Amer sera à la fois témoin et indirectement auteur. Un drame qui fit de son oncle la victime. Amer, lui-même, a été victime, à son tour, de la conspiration d'un personnage du roman, que le lecteur découvrira. Car il ne s'agit pas ici de déflorer toute la trame du récit. La première chose que fit Amer après son retour au village, c'est de racheter les terres, vendues par son regretté père Kaci, mort en son absence. Il en fit une priorité même si sa mère Kamouma n'adhère pas entièrement au choix de son fils car voyant en lui, et surtout en son épouse française, des personnes incapables de travailler la terre. Mais Amer n'en fit qu'à sa tête. Une fois cette première étape franchie après ce retour énigmatique et intriguant, Amer, pourra-t-il enfin vivre comme le souhaiteraient lui et sa femme française? Ou bien finira-t-il par abandonner une deuxième fois les siens pour retourner en France?

Aomar MOHELLEBI



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