Chaque année, le mois du patrimoine à Bejaia met en lumière l’incroyable richesse historique et culturelle de cette wilaya algérienne. À travers des efforts de restauration ambitieux, plusieurs monuments et sites emblématiques retrouvent leur splendeur, offrant une nouvelle vie à des joyaux du passé tout en posant les bases d’un tourisme culturel durable.
La wilaya de Bejaia, nichée entre mer et montagnes, abrite un patrimoine d’une diversité exceptionnelle, témoignant des civilisations qui s’y sont succédé : hammadite, almohade, romaine, ottomane, et coloniale. Cependant, ces trésors ont été mis à rude épreuve par le temps, les catastrophes naturelles comme les séismes, ainsi que par des dégradations humaines, qu’elles soient intentionnelles ou dues à l’ignorance. Malgré leur classification au patrimoine national, qui leur confère une protection juridique, la préservation de ces sites exige des ressources financières et humaines considérables.
Ces dernières années, l’État algérien a intensifié ses efforts pour sauvegarder ce legs culturel. Des budgets conséquents ont été alloués à la restauration de monuments phares, permettant de conjuguer préservation du patrimoine et valorisation touristique.
Parmi les projets de restauration les plus remarquables, la réhabilitation de Bab El Fouka (ou Bab El Bounoud, « porte des étendards ») est un véritable symbole de résilience. Construite entre 1067 et 1071 sous la dynastie hammadite, cette porte principale de l’ancienne capitale était menacée de ruine, fragilisée par les séismes et la circulation automobile. Grâce à des travaux récemment achevés, elle a retrouvé sa majesté et continue d’incarner l’histoire glorieuse de Bejaia. La Porte Sarrasine, autre vestige hammadite, a également bénéficié d’une restauration méticuleuse, renforçant l’attractivité de ces édifices classés au patrimoine national.
Le Fort Gouraya, érigé en 1856 par les Français sur des fondations médiévales, est un autre site emblématique qui a retrouvé une nouvelle jeunesse. Situé sur les hauteurs de Bejaia, ce fort stratégique, qui abrite le mausolée de Yemma Gouraya, figure spirituelle vénérée, a été gravement endommagé par le séisme du 18 mars 2021. Les travaux de consolidation et de restauration ont permis de rouvrir ce lieu au public, désormais prêt à accueillir les visiteurs dans un cadre sécurisé et valorisé.
La Casbah de Bejaia, construite par les Almohades vers 1154, est un condensé d’histoire. Ce site, qui a vu se succéder les influences espagnole, ottomane et française, abrite des édifices variés, dont la mosquée où le célèbre historien Ibn Khaldoun officiait comme jurisconsulte. Classée patrimoine national en 1903, la Casbah a été restaurée après des années de travaux et est aujourd’hui gérée par l’Office de gestion et d’exploitation des biens culturels, basé à Bordj Moussa. Ce dernier, une imposante forteresse transformée en musée, est un autre exemple de la volonté de préserver et de valoriser le patrimoine bejaoui.
Malgré ces avancées, la sauvegarde du patrimoine reste un défi. Un incident récent illustre cette fragilité : le Cippe romain, un monument classé depuis 1999 et clé pour comprendre la construction de l’aqueduc de Toudja, a été endommagé en avril 2024 par une tentative maladroite de « restauration » à la peinture. Une opération de micro-gommage a permis de sauver les inscriptions romaines, mais cet épisode souligne l’urgence d’une sensibilisation accrue et d’une surveillance rigoureuse.
D’autres sites, comme la cité antique de Temzizdekt à El Kseur, souffrent d’un manque de moyens. Selon le président de l’association Tourism and Heritage, ce site, riche en vestiges, est victime de fouilles sauvages par des chercheurs de trésors et d’un manque de financement pour sa protection. De nombreux artefacts découverts par des citoyens restent dans des collections privées, privant le public de leur valeur historique.
Le patrimoine de Bejaia n’est pas seulement un héritage culturel ; il représente une opportunité économique majeure. Des sites comme Timelahine (les Salines) à Feraoun, classés patrimoine de wilaya, ou les monuments restaurés pourraient être intégrés dans des circuits touristiques développés par les agences de voyage locales. Avec un investissement modeste, ces lieux pourraient devenir des moteurs de développement économique, attirant des visiteurs nationaux et internationaux.
Pour maximiser cet impact, des initiatives pourraient inclure :
La création de parcours thématiques mêlant histoire, nature et gastronomie, mettant en valeur des sites comme Fort Gouraya, la Casbah et les Salines.
Des campagnes de sensibilisation pour impliquer les communautés locales dans la préservation du patrimoine.
Des partenariats public-privé pour financer la restauration et la gestion des sites moins connus, comme Temzizdekt.
Le mois du patrimoine à Bejaia est bien plus qu’une célébration ; c’est un appel à l’action pour préserver et valoriser un héritage millénaire. Grâce aux efforts de restauration, des monuments comme Bab El Fouka, Fort Gouraya ou la Casbah retrouvent leur éclat, tandis que des défis persistent pour protéger les sites moins visibles. En misant sur le tourisme culturel et l’éducation, Bejaia peut transformer son patrimoine en un levier de développement durable, faisant de chaque visiteur un ambassadeur de son histoire.
Posté Le : 12/05/2025
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Hichem BEKHTI