Algérie

Mohamed Senouci. Membre du groupe intergouvernemental sur l?évolution du climat




« Les énergies renouvelables échappent au citoyen » La présence du groupe Total, et plus exactement de son département « Développement durable et environnement » à cette conférence illustre combien les grandes entreprises participent aujourd?hui au développement des énergies renouvelables. Qu?est-ce que cela vous inspire ? Depuis quinze ans, l?attitude de ces entreprises a évolué. Au début, elles percevaient l?environnement comme une contrainte et la priorité était de modifier leur image. Maintenant, elles parlent de plus en plus d?intégrer l?environnement dans leur politique de développement. A priori, on peut s?en réjouir. Mais on peut aussi se demander si elles n?ont pas décidé de faire de la lutte contre les gaz à effet de serre un nouveau marché. Les biocarburants et toutes les énergies renouvelables sont trop vite présentés comme des solutions idéales. En réalité, elles naissent au sein de l?industrie et échappent au citoyen qui devrait être le principal décideur. L?organisation de la conférence - par une entreprise de droit privé en communication environnementale - et la présence de Sonatrach, Naftal ou encore Repsol montre sans doute que le développement durable n?est pas qu?une préoccupation sociale mais aussi un business? Les groupes dont l?activité dépend du pétrole et des hydrocarbures ont compris que les réserves étaient limitées et c?est la raison pour laquelle ils sont en pleine mutation. Mais pourquoi ? Est-ce parce qu?ils ont compris que le monde est sérieusement en train de changer ? Ou est-ce dans leur propre intérêt ? Que le développement durable soit un business ne me dérange pas, à condition qu?il soit encadré par la communauté scientifique et la société civile. Les pays en voie de développement, comme l?Algérie, sont concernés au même titre que les pays industrialisés. Comment vont-ils pouvoir concilier croissance et protection de la planète ? Il y a quelques années, je vous aurais dit que les pays en voie de développement ne sont pas responsables de la pollution (30% des gaz à effet de serre sont émis par les Etats-Unis contre 3% pour l?Afrique) et par conséquent, ils ne doivent pas être les victimes. Mais ce raisonnement bloque la réflexion. Primo, dans dix ans, ces pays peuvent devenir des émetteurs substantiels de gaz polluants. Alors, n?attendons pas ce moment-là pour réagir. Deuxio, la protection de l?environnement n?est pas un luxe réservé aux seuls pays riches. C?est une valeur universelle. Alors qu?ils n?ont pas de contraintes d?émissions, qu?est-ce qui empêche les pays d?Afrique à utiliser de façon raisonnable le charbon, à limiter la déforestation ? Ils peuvent même réinventer le concept de développement durable. En se servant d?une idée non négociable - se développer tout en protégeant les ressources naturelles - pour chercher des sources de financement et de technologie. Est-ce que l?Algérie suit cette voie ? Il y a tellement de paradoxes ! L?Algérie a, à la fois, la position d?un pays qui va subir de plein fouet le changement climatique, et celle d?un pays producteur et fournisseur d?hydrocarbures. Elle se trouve donc au carrefour de différentes configurations de groupes de pression. On devrait être capable d?intégrer tout cela dans une stratégie nationale. Mais la logique est actuellement trop sectorielle. Revitaliser un bassin versant en plantant des arbres permet à la fois d?absorber le carbone, de récupérer de l?eau et de redynamiser le monde rural. Il faut donc associer les différents ministères, hydrocarbures, ressources en eau et agriculture. Cette stratégie tarde à se mettre en place. Or, nous n?avons pas beaucoup de temps.
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