Algérie - Arts et Cultures Divers

Mohamed Mahboubi. Professeur en géologie et paléontologie à l’université d’Oran 2: Il est inconcevable d’interdire aux chercheurs algériens de faire leur travail



Mohamed Mahboubi. Professeur en géologie et paléontologie à l’université d’Oran 2: Il est inconcevable d’interdire aux chercheurs algériens de faire leur travail




- Quelles sont les régions algériennes où les dinosaures sont découverts?

La première découverte de dinosaures en Algérie remonte à 1898, lors d’une mission scientifique dirigée par Foureau et le commandant Lamy dans le Sud algérien. Ils ont trouvé plusieurs ossements de dinosaures et de poissons à Tinrhert, au nord d’Illizi. Les autres, elles ont été faites du côté de Timimoune en 1925 puis, plus récemment dans les années 1960, dans l’Atlas saharien. Il faut savoir que la région d’In Salah recèle d’importants matériaux archéologiques et paléontologiques.

Lors d’un passage d’une tranchée de gazoduc, une société pétrolière est tombée sur des restes de dinosaures dont les ossements ont été bien gardés dans cette région. Mais la plus grande découverte a été faite à Aïn Sefra, en 2000.

Dans cette région, deux personnes ont réalisé des recherches entre 1965 et 1975. Il s’agit de Youcef Iliot (Joseph Illiot) et de Jean-Paul Bassoulet, géologue français. Quant aux empreintes de pas de dinosaures, nous ne connaissons que celles trouvées dans l’Atlas saharien à Aïn Sefra (Naâma), El Bayadh et Djelfa. Il faut dire que c’est la région d’El Bayadh qui a eu la plus grande part en matière de découvertes.

- A quelle période ont-ils vécu en Afrique du Nord et en Algérie plus particulièrement?

Les études ont démontré que les dinosaures ont existé il y a plus de 200 millions d’années. Ils ont vécu plus de 160 millions d’années et ont disparu de manière brutale il y a plus de 65 millions d’années. Nous n’avons jamais découvert de dinosaures ayant vécu après cette période. Cela veut dire que la terre a connu une catastrophe, un cataclysme qui a ravagé complètement cette espèce. On parle d’une comète de 8 km de diamètre qui a frappé la Terre. Nous appelons l’époque où les dinosaures ont vécu sur Terre l’ère secondaire ou mésozoïque (entre 252 et 66 millions d’années). Concernant l’Algérie, le plus ancien dinosaure trouvé jusque-là date de plus de 100 millions d’années. Ceci nous permet de comprendre que le climat de l’Atlas était favorable à cette espèce.

Il était chaud et humide et ressemble au climat équatorial avec, en plus, beaucoup de verdure. Actuellement, nous connaissons l’existence de 601 espèces de dinosauriens. Mais nous savons qu’il y a certainement cinq fois plus, car on ne fait généralement que 1/5e ou 1/10e des découvertes. Nous pensons qu’ils mesuraient de 1 à 5 mètres mais pouvaient être gigantesques, jusqu’à 30 ou 35 mètres de longueur.

- Qui a autorité sur ces découvertes ?

Le patrimoine appartient au ministère de la Culture. Malheureusement, il y a un fossé entre les universitaires et le ministère. Nous ne comprenons plus. Nos responsables doivent savoir qu’il y a une différence entre l’archéologie et la paléontologie. Ce qui est archéologique se rapporte à l’homme. La préhistoire, elle, ne le concerne que lui. Mais quand on parle de millions d’années, ce n’est plus la préhistoire, mais la paléontologie. Il ne faut pas mettre dans le même sac la paléontologie et l’archéologie.

Nous peinons à obtenir des autorisations pour circuler, entamer des recherches et permettre à nos étudiants de faire de même dans ces régions. Je pense que le ministère de la Culture et celui de l’Enseignement supérieur ne comprennent pas tout à fait ce qu’est la paléontologie. Il faut laisser les chercheurs faire leur boulot comme c’est le cas en Europe, où ces derniers jouissent de beaucoup liberté. Difficile de se battre pour un laboratoire. Il faut savoir que nous travaillons actuellement dans le seul laboratoire de paléontologie des vertébrés existant en Algérie.

- La paléontologie est-elle valorisée en Algérie?

Je ne le pense pas. Nous trouvons beaucoup de difficultés à travailler sur le terrain. Nous n’avons été épaulés qu’une seule fois par l’ancien wali d’El Bayadh, actuellement wali de Saïda. Il a mis tous les moyens à notre disposition lors d’une fouille que nous avons réalisée en 2004. C’était extraordinaire. Les portes, qui nous ont été ouvertes par ce dernier, nous ont été fermées par le directeur de la culture juste après le départ du wali. C’est grâce à cette personne que nous avons pu sortir 150 à 200 empreintes de pas de dinosaures sur lesquelles travaillent nos étudiants et les chercheurs de l’université d’Oran.

- Qu’avez-vous à dire aux responsables?

Nous ne sommes que des chercheurs. Nous ne voulons pas d’argent. Nous voulons juste mener nos travaux de recherche. L’Etat doit nous faciliter la réglementation. Nous dépendons de l’humeur des responsables des différentes régions. Cette situation est inadmissible. Il est inconcevable d’interdire aux chercheurs algériens de faire leur travail. J’espère que la situation va changer dans l’avenir.

Meziane Abane

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