Algerie - Elevage

Marché des moutons pour l’Aïd el-Adha 2025 en Algérie : Contexte et enjeux


Marché des moutons pour l’Aïd el-Adha 2025 en Algérie : Contexte et enjeux
Contexte économique et flambée des prix des années précédentes
L’Aïd el-Adha, l’une des fêtes religieuses les plus importantes en Algérie, est marqué par le rituel du sacrifice du mouton, une pratique profondément ancrée dans la tradition musulmane. En 2025, le marché des moutons en Algérie est au cœur de l’attention en raison de plusieurs facteurs économiques, sociaux et environnementaux qui influencent les prix et l’offre de bétail. Ces dernières années, le marché a été marqué par une hausse significative des prix, rendant l’achat d’un mouton prohibitif pour de nombreux ménages. En 2024, les prix pouvaient atteindre 140 000 dinars algériens (environ 1 050 USD), un montant représentant plusieurs mois de salaire pour beaucoup d’Algériens. Cette flambée s’explique par plusieurs facteurs :

Réduction du cheptel national : La sécheresse persistante, le surpâturage et le manque de fourrage ont réduit le nombre de moutons disponibles. Les abattages frauduleux de brebis ont également entraîné une diminution des naissances d’agneaux.
Hausse des coûts de production : L’augmentation des prix des aliments pour bétail (orge, fourrage) a accru les coûts pour les éleveurs, qui répercutent ces hausses sur les prix de vente.
Spéculation sur le marché : À l’approche de l’Aïd, la forte demande entraîne souvent des pratiques spéculatives, exacerbant l’inflation des prix.

Cette situation a mis sous pression le pouvoir d’achat des ménages, poussant certains à renoncer au sacrifice rituel ou à se tourner vers des alternatives comme l’achat de viande au kilo.
Mesures gouvernementales pour 2025 : Importation massive
Pour contrer la flambée des prix et garantir l’accès au rituel du sacrifice, le gouvernement algérien, sous l’impulsion du président Abdelmadjid Tebboune, a décidé d’importer un million de moutons pour l’Aïd el-Adha 2025, prévu début juin. Cette mesure, annoncée lors du Conseil des ministres du 9 mars 2025, est inédite par son ampleur et vise à :

Stabiliser les prix : Les moutons importés sont vendus à des prix encadrés, fixés à 40 000 dinars algériens (environ 301 USD), bien en dessous des tarifs locaux des années précédentes (50 000 à 120 000 DA). Certaines estimations initiales mentionnaient des prix encore plus bas, autour de 20 000 DA pour les moutons roumains, bien que le prix final ait été fixé à 40 000 DA.
Augmenter l’offre : Avec une demande nationale estimée à plus de 4 millions de moutons, l’importation d’un million de têtes ne couvre qu’un quart des besoins, mais elle vise à réduire la pression sur le cheptel local et à limiter la spéculation.
Soutenir le pouvoir d’achat : En rendant les moutons plus accessibles, le gouvernement cherche à permettre aux ménages, en particulier les plus modestes, de célébrer l’Aïd dans des conditions dignes.

Les principaux pays fournisseurs sont la Roumanie et l’Espagne, choisis pour leurs coûts compétitifs et leurs normes sanitaires fiables. D’autres pays comme l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Argentine, le Brésil et l’Australie sont également envisagés. La Roumanie, par exemple, bénéficie de conditions climatiques favorables et de coûts d’élevage bas, permettant de proposer des moutons à des prix attractifs.
Logistique et distribution
L’opération d’importation représente un défi logistique majeur. Les autorités ont mobilisé des ressources importantes pour assurer l’approvisionnement et la distribution équitable des moutons :

Arrivées des cargaisons : La première cargaison de 15 000 moutons en provenance de Roumanie a accosté au port d’Alger le 20 avril 2025. D’autres livraisons sont attendues via les ports d’Alger, Oran, Jijel, Skikda et Annaba.
Transport intérieur : Pour acheminer les moutons vers les régions éloignées, notamment le Grand Sud (Tamanrasset, Adrar), le gouvernement utilise des trains de marchandises et envisage des avions-cargos. Cette logistique vise à garantir une couverture nationale équitable.
Distribution encadrée : Les moutons importés sont distribués via des entreprises publiques comme ALVIAR et Agrolog, avec des inscriptions ouvertes pour les employés et des quotas réservés aux familles modestes. Les prix varient entre 40 000 et 60 000 DA selon les régions et les modalités de distribution.

Impact sur le marché local
L’importation massive a déjà commencé à influencer les prix des moutons locaux. À Birine (Djelfa), un important marché ovin, les prix des moutons de taille moyenne sont tombés à 50 000–65 000 DA, contre 90 000–120 000 DA les années précédentes. Cette baisse est attribuée à la concurrence des moutons importés et à une demande plus prudente, les acheteurs attendant des prix encore plus bas à l’approche de l’Aïd.
Cependant, cette baisse suscite des inquiétudes parmi les éleveurs locaux, qui craignent une perte de compétitivité face aux importations. Certains acteurs économiques, comme l’Association algérienne de protection des consommateurs (APOCE), alertent également sur le risque de spéculation : des individus pourraient acheter des moutons importés à bas prix pour les revendre à des tarifs plus élevés, détournant l’objectif initial de l’opération.
Enjeux à long terme
L’importation de moutons est une solution temporaire qui soulève plusieurs enjeux pour l’avenir de la filière ovine en Algérie :

Dépendance aux importations : L’importation massive, bien qu’efficace à court terme, ne résout pas les problèmes structurels de la filière ovine. La sécheresse, le manque de fourrage et la faible productivité des élevages locaux nécessitent des réformes ambitieuses, comme l’amélioration des infrastructures d’élevage, une meilleure gestion des ressources fourragères et un soutien accru aux éleveurs.
Protection du cheptel national : L’importation vise à préserver le cheptel local en réduisant les abattages, mais des mesures comme l’interdiction de l’abattage des agnelles doivent être renforcées.
Souveraineté alimentaire : À long terme, l’Algérie ambitionne de développer sa filière ovine pour réduire sa dépendance aux importations. Cela passe par des investissements dans la recherche agronomique, l’utilisation de sous-produits agro-alimentaires pour l’alimentation du bétail et la modernisation des pratiques d’élevage.
Impact environnemental : La sécheresse et le surpâturage, exacerbés par le changement climatique, continuent de menacer la filière ovine. Des politiques d’adaptation, comme la location de parcours steppiques et la vente d’orge à prix réglementé, sont en place, mais leur efficacité reste limitée.
Défis logistiques et sanitaires : L’importation nécessite des normes sanitaires strictes (certificats ASE) et une logistique complexe, avec des risques de mortalité des animaux lors des transports longue distance.

Comparaison régionale
Le contexte algérien contraste avec celui d’autres pays du Maghreb. Au Maroc, par exemple, le roi Mohammed VI a annulé le sacrifice de l’Aïd 2025 en raison de la sécheresse et de la diminution de 38 % du cheptel national, une décision controversée qui reflète les défis climatiques régionaux. En Algérie, l’importation est perçue comme une alternative pour maintenir la tradition tout en répondant aux contraintes économiques.
En Tunisie, la situation est différente et marquée par un problème majeur de contrebande à la frontière algéro-tunisienne, qui a des répercussions directes sur le cheptel algérien. La frontière, longue de 1 010 km, est notoirement poreuse, notamment dans les régions de Tébessa, El Tarf et Souk Ahras côté algérien, et Kasserine, Jendouba et Le Kef côté tunisien. Cette porosité facilite le trafic illégal de moutons, particulièrement à l’approche de l’Aïd, lorsque la demande tunisienne augmente. Plusieurs facteurs alimentent ce phénomène :

Différentiel de prix : Les moutons algériens, souvent subventionnés indirectement par des aides à l’orge et au fourrage, sont moins chers que ceux disponibles en Tunisie, où les coûts de production sont plus élevés. Cela incite les contrebandiers à exporter illégalement des moutons algériens vers la Tunisie, où ils peuvent être revendus à des prix plus élevés.
Pertes pour le cheptel algérien : Cette contrebande contribue à la diminution du cheptel national algérien, déjà fragilisé par la sécheresse et le surpâturage. Des milliers de moutons, notamment de la race Ouled Djellal, prisée pour sa qualité, sont illicitement transportés à travers des pistes non surveillées, réduisant l’offre disponible pour le marché local.
Défis sécuritaires : Malgré les efforts des autorités algériennes pour renforcer la surveillance, avec le déploiement de l’Armée nationale populaire (ANP) et de la gendarmerie, la topographie montagneuse et désertique de la frontière rend le contrôle difficile. Les contrebandiers utilisent des véhicules tout-terrain et opèrent souvent la nuit pour échapper aux patrouilles.
Impact économique : La fuite du cheptel vers la Tunisie exacerbe la hausse des prix en Algérie, car elle réduit l’offre disponible à un moment de forte demande. Cela contribue également à la spéculation, les éleveurs locaux devant compenser les pertes par des prix plus élevés.

Le gouvernement algérien a tenté de répondre à ce problème en renforçant les contrôles aux frontières et en imposant des sanctions plus sévères contre les contrebandiers. Cependant, la persistance de ce trafic souligne la nécessité d’une coopération bilatérale renforcée avec la Tunisie pour contrôler les flux et protéger le cheptel algérien, tout en développant des politiques régionales pour harmoniser les prix et réduire les incitations à la contrebande.
Conclusion
En 2025, le marché des moutons pour l’Aïd el-Adha en Algérie est marqué par une intervention étatique sans précédent, avec l’importation d’un million de moutons à des prix encadrés (40 000 DA). Cette mesure vise à contrer la flambée des prix, soutenir le pouvoir d’achat et répondre à une demande nationale estimée à plus de 4 millions de têtes. Cependant, la contrebande à la frontière tunisienne constitue un défi supplémentaire, drainant le cheptel national et contribuant à la hausse des prix. Si l’importation offre un soulagement immédiat aux ménages, elle soulève des questions sur la viabilité à long terme de la filière ovine, confrontée à des défis climatiques, logistiques, structurels et transfrontaliers. L’enjeu pour l’Algérie sera de conjuguer ces solutions temporaires avec des réformes durables, incluant une meilleure gestion des ressources fourragères, une modernisation des élevages et une coopération régionale pour endiguer la contrebande.

Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)