Les Vraies Raisons de la Pénurie de Pneus Neufs en Algérie

L'Algérie fait face depuis plus de deux ans à une pénurie persistante de pneus neufs, une situation qui impacte gravement la mobilité des citoyens, la sécurité routière et l'économie nationale. Malgré des mesures d'urgence prises par le gouvernement, comme l'importation de lots exceptionnels, la crise perdure en 2025. Cet article explore les causes profondes de cette pénurie, basées sur des analyses récentes, et examine les perspectives d'avenir. Au-delà des explications officielles, des facteurs comme les restrictions commerciales, la production locale limitée et la spéculation jouent un rôle central.

Contexte de la Crise

La pénurie de pneus neufs en Algérie a émergé vers 2023, mais elle s'est intensifiée en 2024 et persiste en 2025. Selon des estimations, le pays a besoin d'environ 6 millions de pneus par an pour répondre à la demande croissante liée à un parc automobile en expansion – environ 180 véhicules pour 1 000 habitants en 2025. Cette demande est exacerbée par l'usure accélérée des pneus due aux conditions routières et climatiques locales. Pourtant, l'offre reste insuffisante, forçant de nombreux automobilistes à recourir à des pneus usagés ou importés illégalement, augmentant les risques d'accidents. Des experts en sécurité routière soulignent que des pneus inadaptés allongent les distances de freinage et réduisent l'adhérence, particulièrement sous la pluie.

En 2024, les prix des pneus ont flambé, avec des écarts significatifs entre les tarifs officiels et ceux du marché noir. Par exemple, certains revendeurs pratiquent des marges excessives, aggravant la pression sur le pouvoir d'achat des Algériens. Malgré l'injection de 300 000 pneus importés en urgence fin 2024, la tension n'a pas été résorbée, et en août 2025, des témoignages sur les réseaux sociaux indiquent que des citoyens se rendent même en Tunisie pour s'approvisionner, inventant un "tourisme pneumatique".

Les Raisons Profondes de la Pénurie

1. Restrictions Gouvernementales sur les Importations

La cause principale réside dans les politiques gouvernementales visant à protéger l'industrie locale. Depuis plus de deux ans, les autorisations d'importation de pneus ont été bloquées ou sévèrement limitées pour encourager la production nationale et lutter contre la surfacturation. Cette stratégie, impulsée par le président Abdelmadjid Tebboune, s'inscrit dans une volonté de souveraineté industrielle. Cependant, elle a créé un vide sur le marché, car les importations représentaient auparavant jusqu'à 300 millions de dollars par an. Des marques internationales comme Michelin ont été particulièrement touchées, avec des restrictions qui ont réduit leur présence en Algérie. Bien que des lots d'urgence (100 000 à 300 000 unités) aient été autorisés en 2024, ces mesures palliatives n'ont couvert que partiellement les besoins, laissant persister la raréfaction.

2. Production Locale Insuffisante

L'Algérie ne compte qu'un seul producteur majeur : Iris Tyres, basé à Sétif, qui produit environ 2 millions de pneus par an, couvrant seulement une soixantaine de références sur les 250 à 300 nécessaires au marché. Cette limitation est particulièrement criante pour les petites dimensions destinées aux véhicules citadins. Bien que l'entreprise ait annoncé une extension pour atteindre 4 millions d'unités annuelles d'ici fin 2025, cette capacité reste en deçà de la demande nationale estimée à plus de 6 millions. De plus, une partie de la production est destinée à l'export (notamment vers les États-Unis), ce qui réduit encore l'offre locale. En 2025, les exportations vers les USA ont chuté en raison de la priorité donnée au marché intérieur, mais cela n'a pas suffi à combler le gap.

3. Spéculation et Marché Parallèle

La vice-présidente d'Iris Tyres accuse certains importateurs et revendeurs de créer artificiellement des pénuries pour gonfler les prix. Sans mécanismes de régulation efficaces, comme une traçabilité des stocks ou un canal de distribution encadré, la spéculation prospère. Des hausses de coûts de transport et une "liberté" excessive du marché de détail aggravent les écarts de prix. Cela pousse les consommateurs vers des pneus de qualité douteuse, souvent importés informellement, posant des risques pour la sécurité.

4. Demande Croissante et Facteurs Externes

Le parc automobile algérien croît rapidement, avec une consommation élevée de pneus due à un usage intensif des véhicules. Des facteurs comme la pénurie de pièces détachées connexes (y compris les pneus) en 2025 forcent les Algériens à adopter des solutions de fortune, comme le "système D". De plus, la dépendance aux matières premières importées (comme le caoutchouc) complique la production locale.

Situation Actuelle en Août 2025

Malgré les efforts, la pénurie persiste. Des importations partielles n'ont pas résolu le problème, et certaines références restent introuvables. Les transporteurs, en particulier, souffrent : des bus sont immobilisés, et les professionnels signalent des difficultés d'approvisionnement. L'Organisation HIMAYATEC appelle à une ouverture réglementée des importations pour protéger la sécurité routière. Sur les réseaux, des débats soulignent que cette pénurie reflète une consommation plus élevée en Algérie par rapport aux voisins, mais aussi les limites des restrictions import.

Perspectives d'Avenir

L'espoir réside dans les projets industriels. Quatre usines entreront en service en 2026 (à Oran, Sétif, Aïn M’lila et Touggourt), avec une capacité totale de 20 millions de pneus par an. Des partenariats, comme avec le chinois Double Star, visent à produire des pneus conformes aux normes internationales, réduisant les importations de 200 à 300 millions de dollars et générant des exportations. L'usine d'Oran, par exemple, prévoit 7 millions d'unités initialement, extensible à 22 millions, avec 80 % d'intégration locale. Ces initiatives pourraient transformer l'Algérie d'importateur en exportateur, mais d'ici là, des mesures transitoires comme des importations ciblées et une régulation des prix sont essentielles pour atténuer la crise.

En conclusion, la pénurie de pneus en Algérie n'est pas seulement une question d'offre et de demande, mais le résultat d'une stratégie économique ambitieuse qui, pour l'instant, sacrifie l'accès immédiat au profit d'une indépendance future. Sans ajustements rapides, les risques pour la sécurité et l'économie persistent.