Algérie

Les mille et une nuits


Histoire d’Aboulhassan Ali Ebn Becar et de Schemselnihar, favorite du calife Haroun Al-Raschid CLVIe nuit (suite) Lorsque le calife fut assis, il regarda autour de lui et vit avec une grande satisfaction tout le jardin illuminé d’une infinité d’autres lumières que les flambeaux que tenaient les jeunes eunuques. Mais il prit garde que le salon était fermé; il s’en étonna et en demanda la raison. On l’avait fait exprès pour le surprendre. En effet, il n’eut pas plus tôt parlé, que les fenêtres s’ouvrirent toutes à la fois, et qu’il le vit illuminé au dehors et en dedans, d’une manière bien mieux entendue qu’il ne l’avait vu auparavant. «Charmante Schemselnihar, s’écria-t-il à ce spectacle, je vous entends. Vous avez voulu me faire connaître qu’il y a d’aussi belles nuits que les plus beaux jours. Après ce que je vois, je n’en puis disconvenir». Revenons au prince de Perse et à Ebn Thaher, que nous avons laissés dans la galerie. Ebn Thaher ne pouvait assez admirer tout ce qui s’offrait à sa vue. «Je ne suis pas jeune, dit-il, et j’ai vu de grandes fêtes en ma vie; mais je ne crois pas que l’on puisse rien voir de si surprenant, ni qui marque plus de grandeur. Tout ce qu’on nous dit des palais enchantés n’approche pas du prodigieux spectacle que nous avons devant les yeux. Que de richesse et de magnificence à la fois!» Le prince de Perse n’était pas touché de tous ces objets éclatants qui faisaient tant de plaisir à Ebn Thaher. Il n’avait des yeux que pour regarder Schemselnihar, et la présence du calife le plongeait dans une affliction inconcevable. «Cher Ebn Thaher, dit-il, plût à Dieu que j’eusse l’esprit assez libre pour ne m’arrêter, comme vous, qu’à ce qui devrait me causer de l’admiration! Mais hélas! je suis dans un état bien différent. Tous ces objets ne servent qu’à augmenter mon tourment. Puis-je voir le calife tête à tête avec ce que j’aime et ne pas mourir de désespoir? Faut-il qu’un amour aussi tendre que le mien soit troublé par un rival si puissant! Ciel! Que mon destin est bizarre et cruel! Il n’y a qu’un moment que je m’estimais l’amant du monde le plus fortuné, et, dans cet instant, je me sens frapper le cœur d’un coup qui me donne la mort. Je n’y puis résister, mon cher Ebn Thaher; ma patience est à bout; mon mal m’accable, et mon courage y succombe». En prononçant ces derniers mots, il vit qu’il se passait quelque chose dans le jardin qui l’obligea de garder le silence et d’y prêter son attention. En effet, le calife avait ordonné à une des femmes qui étaient près de lui de chanter sur son luth, et elle commençait à chanter. Les paroles qu’elle chanta étaient fort passionnées; et le calife, persuadé qu’elle les chantait par ordre de Schemselnihar, qui lui avait donné souvent de pareils témoignages de tendresse, les expliqua en sa faveur. Mais ce n’était pas l’intention de Schemselnihar pour cette fois. Elle les appliquait à son cher Ebn Becar, et elle se laissa pénétrer d’une si vive douleur d’avoir devant elle un objet dont elle ne pouvait plus soutenir la présence, qu’elle s’évanouit. Elle se renversa sur le dos de sa chaise, qui n’avait pas de bras d’appui, et elle serait tombée si quelques-unes de ses femmes ne l’eussent promptement secourue. Elles l’enlevèrent et l’emportèrent dans le salon. A suivre...


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