Focus sur le Maghreb et panorama méditerranéen
La qualité d’une huile d’olive vierge extra se décide avant tout dans l’oliveraie : choix de la variété, stade de maturité et soin apporté à la récolte. Voici un tour d’horizon centré sur l’Algérie et le Maghreb, tout en replaçant ces pays dans le contexte méditerranéen.
1. Le stade de maturité : le critère décisif
- Récolte précoce (octobre – début novembre) Olives encore vertes ou à peine tournantes → huile très fruitée, herbacée, amère et ardente, très riche en polyphénols. Rendement faible (12-16 %). C’est le choix des huiles haut de gamme maghrébines et méditerranéennes.
- Récolte mi-saison (novembre – début décembre) Olives en véraison (moitié vert, moitié violet) → équilibre parfait entre fruité vert et fruité mûr, complexité aromatique maximale.
- Récolte tardive (décembre – février) Olives noires mûres → huile plus douce, ronde, arômes de fruits rouges ou de tomate mûre. Rendement élevé (22-26 %). Très courant pour les huiles de grande consommation.
2. Les variétés phares du Maghreb
Algérie (2e producteur africain après la Tunisie)
- Chemlali de Sfax (introduite du Sud tunisien) : la plus répandue en Kabylie, Oranie et dans les nouvelles plantations du Sahara. Huile douce à moyenne, notes d’amande et de tomate.
- Sigoise (autochtone, région d’Oran et Mostaganem) : huile très fruitée verte, ardente, notes d’artichaut et herbe fraîche quand récoltée tôt. Considérée comme l’une des meilleures variétés algériennes.
- Azeradj (Kabylie) : fruité intense, amertume marquée.
- Limli, Blanquette de Guelma, Bouchouk de Guergour : variétés locales anciennes, souvent récoltées précocement pour des huiles de terroir très typées.
- Chetoui algérienne (Nord-Est) : même famille que la tunisienne, très ardente et riche en polyphénols.
Tunisie (1er producteur bio du bassin méditerranéen)
- Chetoui (Nord, surtout Siliana et Kairouan) : la star des huiles intenses maghrébines. Récoltée verte → ardence et amertume puissantes, notes de feuille de tomate et roquette.
- Chemlali (Centre et Sahel, surtout Sfax) : domine 70 % du verger. Huile douce, fruitée mûre, idéale pour les grandes exportations.
- Oueslati, Chemchali, Zarazi : variétés du Nord-Ouest, très aromatiques.
Maroc
- Picholine marocaine (ou « Marocaine du Maroc ») : la variété reine (95 % du verger). Récoltée verte → fruité vert puissant, artichaut, amande verte. Récoltée mûre → plus douce.
- Dahbia, Bouchouika, Boucherouite : variétés autochtones du Rif et du Haouz.
- Arbequina et Arbosana : introduites récemment dans les plantations modernes intensives (Meknès, Marrakech).
Libye
- R’ghiani, El-Horr, El-Bahloul : variétés traditionnelles de Tripolitaine et Cyrénaïque. Huiles souvent douces à moyennes.
3. Comparaison avec les autres grands pays producteurs
| Pays / Région |
Variétés principales pour huile de qualité |
Profil typique quand récolte précoce |
| Algérie |
Sigoise, Azeradj, Chetoui, Bouchouk |
Fruité vert intense, ardence forte |
| Tunisie |
Chetoui (Nord), Chemlali (Sud) |
Chetoui : très robuste ; Chemlali : plus douce |
| Maroc |
Picholine marocaine |
Fruité vert, artichaut, belle longueur en bouche |
| Espagne |
Picual, Hojiblanca, Cornicabra, Arbequina |
Picual & Cornicabra : très ardentes |
| Italie |
Coratina, Frantoio, Moraiolo, Ogliarola |
Coratina : record de polyphénols |
| Grèce |
Koroneiki |
Herbe fraîche, artichaut, ardence marquée |
| Turquie |
Ayvalik, Memecik |
Fruité vert, amertume moyenne |
4. Les clés d’une grande huile maghrébine
- Récolte précoce (octobre-novembre) pour les huiles de terroir ou bio haut de gamme (de plus en plus courant en Kabylie, dans le Nord tunisien et à Meknès).
- Cueillette à la main ou avec vibreurs légers, pas de ramassage au sol après plusieurs jours.
- Pressage dans les 4 à 24 heures maximum.
- Variétés locales bien adaptées au terroir (Sigoise et Azeradj en Algérie, Chetoui en Tunisie, Picholine marocaine).
- Pressage à froid et filtration légère ou non pour préserver les arômes.
5. Tableau récapitulatif des profils maghrébins
| Profil recherché |
Pays / Variété principale |
Stade de récolte idéal |
| Très intense, ardente, herbacée |
Algérie (Sigoise, Azeradj), Tunisie (Chetoui) |
Verte ou début véraison |
| Équilibrée, complexe |
Maroc (Picholine marocaine précoce), Algérie (certaines Sigoise) |
Mi-véraison |
| Douce, fruité mûr |
Tunisie (Chemlali), Algérie (Chemlali de plantation), Maroc (Picholine tardive) |
Noire mûre |
En résumé, le Maghreb dispose d’un patrimoine variétal exceptionnel et d’un savoir-faire qui monte rapidement en gamme. Aujourd’hui, une Sigoise ou une Azeradj récoltée verte en Kabylie, une Chetoui du Nord tunisien ou une Picholine marocaine précoce n’ont rien à envier aux grandes Picual espagnoles ou Coratina italiennes quand elles sont travaillées avec le même soin.
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Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Hichem BEKHTI