Dans l’immensité aride du Sahara algérien, où l’eau était un bien aussi précieux que rare, les sociétés oasiennes avaient développé des systèmes d’irrigation d’une ingéniosité remarquable : les foggaras. Ces galeries souterraines, véritables chefs-d’œuvre d’adaptation à l’environnement désertique, furent au cœur d’une conférence animée par l’anthropologue Abderrahmane Moussaoui, le dimanche 4 mai 2025, à 18h00, à l’Institut français de Tlemcen (1, rue Commandant Djaber, centre-ville). Ouvert à tous, cet événement avait exploré l’histoire, la technique et la portée culturelle de ces systèmes hydrauliques, qui racontaient la sagesse des civilisations sahariennes.
Les foggaras : une réponse à la rareté de l’eau
Dans le Sahara, l’eau n’était pas seulement une ressource vitale ; elle était le pivot autour duquel s’organisaient l’habitat, l’agriculture et la vie sociale. Les foggaras, comparables aux qanâts de la Perse antique, étaient des galeries drainantes creusées à faible pente pour capter l’eau des nappes phréatiques et l’acheminer vers les palmeraies et les ksour (villages fortifiés). Présentes notamment dans les régions du Touat et du Gourara, elles avaient permis aux communautés de surmonter la rareté hydrique, structurant l’espace et les rythmes de vie. Comme l’avait souligné Abderrahmane Moussaoui dans ses travaux, la foggara était bien plus qu’une prouesse technique : elle était une « œuvre de civilisation », incarnant un savoir-faire ancestral et une organisation sociale complexe.
Ces systèmes avaient déterminé les lieux d’implantation des villages, orienté le choix des cultures – comme le palmier dattier, adapté à l’aridité – et dicté les calendriers agricoles, rythmés par les saisons et les besoins en eau. Leur gestion, souvent collective, reposait sur des règles précises de partage et d’entretien, révélant une véritable « société hydraulique » où l’eau était au cœur des interactions sociales.
Abderrahmane Moussaoui : un regard anthropologique
Professeur à l’Université Lumière Lyon 2 et auteur de l’ouvrage Les oasis au fil de l’eau : de la foggara au pivot (2019), Abderrahmane Moussaoui avait apporté une lecture anthropo-historique des foggaras. Ses recherches avaient mis en lumière leur origine – probablement perse, diffusée au Maghreb après l’islamisation – et leur rôle dans la construction des territoires oasiens. Il avait également exploré leur lexique spécifique, mêlant arabe et zénète, et leur numérotation en base 24 (ḥabba), possible héritage pré-arabe.
Lors de la conférence, Moussaoui avait abordé les défis contemporains auxquels les foggaras étaient confrontées. L’essor des technologies modernes, comme les forages et les systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, avait entraîné un déclin de ces systèmes traditionnels. Ce basculement technologique s’était accompagné de transformations sociales : abandon progressif des palmeraies, urbanisation des oasis et émergence de nouvelles dynamiques agricoles. Pourtant, les foggaras restaient un patrimoine culturel inestimable, dont la sauvegarde était cruciale pour comprendre l’histoire du Sahara.
Un événement marquant
La conférence du 4 mai à l’Institut français de Tlemcen avait offert une occasion unique de plonger dans l’univers fascinant des foggaras, à travers le regard éclairé d’un spécialiste. En mêlant histoire, anthropologie et réflexion sur les enjeux actuels, Abderrahmane Moussaoui avait invité le public à découvrir comment l’eau, dans sa rareté, avait façonné des territoires et des civilisations. Cet événement s’inscrivait dans la mission de l’Institut français de promouvoir le dialogue culturel et la valorisation du patrimoine algérien.
Informations pratiques :
La soirée avait été une immersion enrichissante et inspirante dans la « civilisation de la foggara », captivant les passionnés d’histoire, d’anthropologie et tous ceux curieux de découvrir les trésors du patrimoine saharien.
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Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Hichem BEKHTI