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Les entreprises nationales marginalisées dans la passation des marchés



Les entreprises nationales marginalisées dans la passation des marchés
Au cours de ces dernières années, les appels à l'implication des entreprises nationales (publiques et privées) dans la mise en ?uvre du programme de développement économique via les différents projets lancés par le gouvernement se sont multipliés. Mais la part des marchés accordés aux entités algériennes reste faible. Elles sont, en effet, nombreuses les entreprises à se plaindre de leur marginalisation au profit des sociétés étrangères.Et pourtant, le concept de la préférence nationale a été clairement mis en exergue dans le code des marchés publics qui a subi au cours de ces dernières années de nombreux remaniements. Il y a eu, à titre illustratif, l'article 23 du décret présidentiel de juillet 2002 sur les marchés publics qui consacre une marge de préférence d'un taux maximum de 25% aux produits d'origine algérienne et aux entreprises de droit algérien, dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents pour tous les types de marchés : réalisation de travaux ; acquisition de fournitures ; réalisation d'études et prestation de services.Cependant, les pratiques douteuses, l'absence de transparence et les tentatives de corruption ont persisté au cours de cette période, en témoignent les scandales qui ont éclaté dans l'énergie et les travaux publics à titre d'exemple. Des produits de haute qualité disponibles localement sont importés par des opérateurs avec l'appui de certains responsables. Les entreprises de réalisation s'approvisionnent régulièrement auprès d'entreprises étrangères via les réseaux de l'import-import.Ce qui pousse la facture d'importation vers le haut, comme le montrent les bilans périodiques du Centre national de l'informatique et des statistiques (CNIS) relevant des Douanes algériennes. Et dire que les besoins sont importants dans de nombreux secteurs. C'est le cas dans l'habitat où les responsables ambitionnent de porter le taux d'intégration à 85%, contre 65% actuellement.Habitat : porter le taux d'intégration à 80%«Nous sommes actuellement à presque 65% en matière de taux d'intégration. Nous allons atteindre prochainement les 70%, mais notre objectif est de porter ce taux à 85% à travers le renforcement du recours aux intrants et composants produits localement», a indiqué dans ce cadre le premier responsable, Abdelmadjid Tebboune, en janvier dernier lors d'une réunion d'évaluation du secteur. La stratégie de l'habitat porte en effet sur la réanimation des entreprises publiques du bâtiment, à l'image de la Sonatiba, la DNC et ECOTC. Les ressources sont d'ailleurs importantes dans ce domaine, de l'avis de l'expert industriel Ahmed Lateb : «L'Algérie a des ressources pour développer la filière des matériaux de construction pour les besoins internes et ceux des pays voisins.Nous avons les coûts de production de matériaux de construction le plus faibles au monde qui peuvent créer une filière industrielle compétitive à l'échelle régionale», expliquera t-il. Pour notre expert, il ne s'agit pas de prôner une révolution économique, mais simplement de lancer des actions concrètes pour soutenir le financement des entreprises privées algériennes et donner de l'autonomie aux universités. De même qu'il s'agit de bien saisir les potentialités existantes sans verser dans les dépenses faramineuses sans résultats, comme ce fut le cas dans les précédents programmes consacrés à la relance de différentes filières industrielles.«Effets destructeurs sur les industries nationales»Des moyens financiers colossaux ont été en effet engloutis par le secteur industriel public, avec plus de 45 milliards de dollars depuis les années 2000. Mais la contribution de ce secteur dans le développement économique reste insignifiante, selonAhmed Lateb. «La stratégie des pouvoirs publics a conduit à un désastre financier avec une économie en quasi friche industrielle livrée aux importateurs et intermédiaires connus pour leurs effets destructeurs sur les industries nationales», relèvera-t-il encore. Rappelant que l'industrie repose sur trois acteurs, à savoir l'Etat, le secteur privé et la recherche publique et universitaire combinés à des conditions de marché, notre expert notera que le rôle de l'Etat est d'orienter la stratégie sur les secteurs porteurs, notamment via le financement, le foncier et les aides publiques. Dans ce sillage, il donnera comme exemple l'énergie où, dira-t-il, «l'absence d'industriels privés dans ce secteur couplé à des entreprises publiques peu performantes et sujettes à des pressions politiques ont conduit à une perte de notre maîtrise de ce secteur». D'où le recours excessif aux entreprises étrangères.«Aujourd'hui, nous sous-traitons une grande partie des efforts de prospection et d'exploitation de nos activités dans l'énergie et l'Algérie est incapable de remonter sa production car nous avons perdu tout le savoir-faire parti ailleurs faire le bonheur d'autres pays», regrettera M. Lateb.Pour illustrer le fonctionnement de ce modèle, il citera le secteur de l'Internet développé par les Américains. «L'industrie Internet a été le fruit d'investissements importants par l'Etat américain à travers la NASA, la recherche universitaire développée par Stanford et des entrepreneurs très dynamiques qui ont su développer les produits et services dans l'industrie Internet», expliquera-t-il avant de poursuivre : «Actuellement, 40% des fonds investis dans la Silicon Valley proviennent de la NASA, ce qui prouve une fois l'importance du rôle de l'Etat dans le développement des industries. En Algérie, c'est loin d'être le cas même dans ce domaine. D'où la nécessité de réorienter les efforts d'investissement, notamment en cette période de baisse des recettes d'hydrocarbures vers les secteurs porteurs comme l'énergie, l'agriculture et l'agroalimentaire.»Programme des ENR : Des opportunités à saisirL'autre secteur où il y a lieu d'accorder la préférence aux entreprises nationales est celui des énergies renouvelables. «Le programme national des énergies renouvelables, qui vient d'être actualisé pour augmenter la capacité à 22000MWc à l'horizon 2030, devra permettre l'émergence d'une industrie et d'une économie du renouvelable de rayonnement régional et même international», nous dira justement à ce sujet le directeur du centre de développement des énergies renouvelables, Noureddine Yassaa. Comment ' «A condition d'impliquer tous les secteurs privés et publics dans la mise en ?uvre de cet ambitieux programme», répondra-t-il.Pour ce responsable, c'est une opportunité considérable pour exceller dans ce domaine, non seulement dans la fabrication des équipements fonctionnant avec le solaire, l'éolien, la géothermie ou une autre forme d'énergie renouvelable. «Mais également dans l'engineering, l'étude, le montage, le suivi et la maintenance», tiendra à préciser M. Yassaa, qui voit en la dernière sortie du ministre de l'Energie, lors de sa rencontre avec les chefs d'entreprise, un signal fort pour associer tous les secteurs nationaux publics et privés dans l'exécution de ce programme.Un programme à travers lequel des entreprises (petites, moyennes et même de taille importante) «devraient être créées pour réaliser des projets EPC (Engineering, Procurement et Construction) avec des coûts compétitifs et des qualités comparables ou même supérieures à celles des multinationales». Pour cela, les entreprises nationales, publiques et privées, sont appelées à saisir cette occasion pour investir dans l'industrialisation de ces équipements en Algérie, avec une forte intégration nationale, et développer le savoir nécessaire dans la réalisation des projets EPC. Et ce, d'autant que la plupart des multinationales qui ont décroché des marchés en Algérie ne fabriquent pas d'équipements et n'assurent que le montage sous forme EPC et clés en main, selon l'expert. Mais pour cela, il faudrait accorder une grande importance à l'innovation et au développement technologique.Aussi, des bureaux d'études et de consulting faiblement présents actuellement devraient être créés, de l'avis du directeur du CDER pour accompagner ces investissements. En somme, pour M.Yassaa, les entreprises nationales répondant aux exigences des coûts et de qualité doivent être privilégiées dans la réalisation des nombreux projets du renouvelable, en droite ligne avec la politique du gouvernement visant à promouvoir le concept de «consommer algérien».Détaillant le processus de production de panneaux photovoltaïques, il dira : «Si on considère les installations en énergie solaire photovoltaïque, il faut savoir que le panneau photovoltaïque ne représente qu'entre 35 et 40% du coût total du système, onduleurs 20%, structure, câbles et autres 20%, bénéfice de l'installateur 20-25%. De ce fait, il est tout à fait clair qu'une intégration nationale de plus de 60% est à notre portée». Ainsi, pour ce produit «il n'y a que la cellule de silicium qui nécessite une technologie de pointe, mais le verre et la structure du panneau peuvent être fabriqués localement».Une opportunité qui reste à saisir en prenant des mesures incitatives définies dans le cadre des textes de loi garantissant les tarifs d'achat pour l'énergie solaire photovoltaïque et l'énergie éolienne, dont la capacité dépasse 1MW, promulgués en avril 2014. Or, pour l'heure, l'engouement n'y est pas pour de nombreuses raisons. L'accent est donc à mettre sur la sensibilisation.L'exemple d'Algérie TélécomSi le recours aux entreprises étrangères semble excessif dans de nombreux cas, des efforts sont consentis par ailleurs pour appuyer la relance de certaines filières industrielles. A titre illustratif, l'opérateur public Algérie Télécom (AT) tente de multiplier ces dernières années les accords avec les entreprises nationales, qu'elles soient publiques ou privées. Début mars, AT a conclu une convention avec le dispositif de l'Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes (ANSEJ) portant sur le soutien à la création de centres d'appels. Objectif : répondre aux besoins générés par 5 millions d'appels recensés pour une durée d'attention d'une minute, créer plus de 3000 emplois directs durant cette année, porter ce chiffre à 3800 l'année suivante et 4750 durant la troisième. AT affiche ainsi son appui aux entreprises créées dans le cadre des programmes de soutien à l'emploi des jeunes et aux micro-entreprises.L'opérateur historique avait auparavant fait appel à la Société de gestion des participations de l'Etat des industries manufacturières (SGP-IM) (qui gère un portefeuille d'entreprises qui activent dans le secteur des textiles, de la confection, des cuirs et du bois) pour s'approvisionner de manière exclusive auprès des entreprises publiques pour tous les produits fabriqués (tenues professionnelles entre autres). Mais, de manière globale, ce n'est pas toujours facile de trouver la main-d'?uvre qualifiée pour les besoins des entreprises nationales. Dans ce cadre, rappelons qu'AT a rencontré des difficultés pour la mise en ?uvre du plan de généralisation de la fibre optique faute de compétences. L'opérateur avait même sollicité l'Ansej à cet effet.


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