Introduction
Au XIXe siècle, sous la colonisation française, l’Aurès et le cercle de Biskra, en Algérie, étaient des foyers d’activité religieuse dominés par quatre grandes zaouïas : Timmermassin, Kheïran, Tolga et Temacin. Ces centres soufis, représentant des ordres distincts, exerçaient une influence spirituelle, sociale et parfois politique sur les populations berbères et arabes de la région. Une cinquième confrérie, les Snoussia, opérait dans l’ombre avec un agenda anti-colonial. Cet article explore leurs origines, leurs rôles et leur évolution jusqu’à aujourd’hui, mars 2025.
Les quatre grandes zaouïas
1. La zaouïa de Timmermassin : une dissidence berbère
Fondée par Si Saddok, un ancien mokaddem des Ouled Abd el-Hafid, la zaouïa de Timmermassin (probablement dans la wilaya de Batna, près de l’Oued el-Abiod) s’imposa comme un centre de résistance chaouie dans l’Aurès. Rejetant l’autorité de Kheïran, Si Saddok exploita l’esprit particulariste des Berbères, hostiles à un joug religieux extérieur. En 1859, il souleva l’Aurès contre les Français, mais fut trahi par le djebel Chechar, les Ziban (Ben Gana) et Tolga, capturé par les colonnes du général Desvaux, et interné en France avec ses fils. La zaouïa fut fermée, mais rouvrit en 1870-1871 sous l’influence du parti Bou Akkaz, avant une ultime insurrection en 1879. Alliée aux Ben Chenouf, elle représentait le parti national autonome. Aujourd’hui, elle semble avoir disparu, victime de la répression et de l’isolement.
2. La zaouïa de Kheïran : une révolte avortée
Située sur l’Oued el-Arab, dans la wilaya de Khenchela (près de Kaïs ou Chechar), la zaouïa de Kheïran était dirigée par les Ouled Abd el-Hafid. En 1849, Abd el-Hafid mena une révolte contre les Français, visant Biskra, mais fut défait à Seriana par le commandant de Saint-Germain, tué dans la bataille. Réfugié dans les montagnes, il adopta une attitude prudente, passant du temps en Tunisie. Dominant les Beni Imloul, le djebel Chechar et des tribus tunisiennes, Kheïran s’allia aux Ben Naceur, suzerains locaux, mais son influence déclina après 1849. Aucune trace significative ne subsiste en 2025.
3. La zaouïa de Tolga : une médiatrice opportuniste
Dans l’oasis de Tolga (wilaya de Biskra), cette zaouïa, affiliée à la Rahmaniyya de Sidi Abd er-Rahman Bou Qobrine, prospéra grâce à sa richesse et ses liens avec Tozeur (Tunisie). Sous Si Ali ben Otman, elle forma un millier d’élèves pour la justice et le culte. Pragmatique, elle apaisa les Ziban lors du siège de Zaatcha (1849) et d’El-Amri (1876), mais en 1879, elle abandonna les Ben Gana pour soutenir un mouvement antimilitaire. Liée au cheikh El-Haddad (leader de 1871), elle représentait le parti pro-français tellien. En 2025, elle reste un site patrimonial actif sous supervision étatique.
4. La zaouïa de Temacin : la puissance tijani
Basée à Témacine (wilaya de Ouargla), cette zaouïa de la Tijaniyya, fondée par Sidi Ahmed Tijani à Aïn Madhi, surpassa sa maison mère. Dirigée par les El Aïd et Si Maamar, elle contrôlait l’Oued R’ir, le Souf (succursale à Guemar), la Tunisie et le sud saharien (Touareg, Chamba). Riche de millions, elle s’allia à Si Ali Bey, figure nationale, tout en ménageant les Français. Aujourd’hui, elle demeure un centre tijani influent, préservant son rôle spirituel et culturel.
Les Snoussia : une menace clandestine
Fondée par Si Snoussi au djebel Lakhdar (Tripolitaine), la confrérie Snoussia visait l’expulsion des Français. Sous Si el-Mahdi, elle gagna des adeptes parmi les réfugiés algériens et infiltra l’Algérie via des mokaddems. Secrète et austère, elle mina l’administration coloniale, posant un danger latent jusqu’au XXe siècle. Son influence actuelle est marginale, mais son passé anti-colonial reste notable.
Alliances et rivalités
Les zaouïas s’alignèrent avec des factions locales : Timmermassin avec les Ben Chenouf (national), Kheïran avec les Ben Naceur (tellien), Tolga avec les Ben Gana (pro-français, puis opportuniste), et Temacin avec Si Ali Bey (national modéré). Ces alliances reflétaient les tensions entre autonomie berbère et collaboration coloniale, héritées des luttes contre les beys de Constantine.
Héritage en mars 2025
Tolga et Temacin subsistent comme centres soufis sous contrôle étatique, tandis que Timmermassin et Kheïran ont disparu, victimes de leur isolement ou de la répression. Les Snoussia, bien que marginalisées, rappellent la diversité des résistances religieuses. Ces zaouïas ont façonné l’identité de l’Aurès et de Biskra, entre spiritualité, politique et adaptation.
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Posté par : patrimoinealgerie