Algérie

LES ANIMATEURS DU VIDE



Amar Ghoul, ex-ministre et «actuellement» député du MSP, va créer son parti… Cette information, lâchée sous forme de questions au «fan club» sur la page Facebook de M. Ghoul, est strictement sans importance pour l'évolution de la situation politique en Algérie. Et encore moins pour la vie sociale du plus grand nombre.
Ceux qui empruntent une autoroute Est-Ouest en très bonne partie aveugle et sans signalisation et où il faut faire le plein avant de s'aventurer, ceux qui grognent fort après des coupures d'électricité dues à des délestages inévitables et encore moins ceux qui appréhendent la flambée du Ramadhan dont les signes sont déjà là et tant d'autres… ne se rendront même pas compte de ce geste «décisif» de rupture. Dans une vie politique structurée, sérieuse et socialement significative, une telle rupture aurait eu du sens. Or, on n'est pas dans ce cas. La seule certitude est que la décision de M. Amar Ghoul est «importante» et «décisive» pour Amar Ghoul, pour sa famille et accessoirement pour le cercle restreint de ceux qui lui sont proches.
Il est patent que l'ancien ministre apprécie la fonction de ministre. Il n'apprécie pas que son parti ait décidé de «se mettre au vert» en s'offrant une cure d'opposition. On a une posture politique d'un appareil politique - dont on attend de voir comment elle va se traduire au concret - et une posture d'un individu dont les ambitions sont contrariées par le choix fait par le parti d'appartenance. Lui se veut un «homme politique au service de l'Etat». Cela fait beau mais c'est totalement creux. Comme si travailler et militer dans l'opposition cessait de faire de lui un «homme politique au service de l'Etat ». C'est une conception qui a existé de tout temps en Algérie. Elle est même une donnée du système en place.
Il y a ceux que feu Mohamed Boudiaf a nommés les «décideurs», d'une part, et tout un vivier d'hommes disposant de compétences techniques éligibles aux fonctions exécutives des entreprises jusqu'au poste de ministre, d'autre part. Le seul intérêt du non-événement Amar Ghoul est de constater que ce distinguo entre gens habilités à faire de la politique et les «techniciens» chargés de la mettre en 'uvre est fort répandu et ne se limite pas au FLN et au RND où il est une «évidence». C'est ce qui explique que les compétences «techniques» qui ont rejoint les directions des partis du FLN ou du RND ne sont jamais parvenues à prendre une épaisseur politique. Leurs propres stratégies de positionnement se font en fonction de ce qu'ils présument être les choix ou les préférences des décideurs. Ils ne sont pas dans des démarches d'émancipation.
Il n'est pas inutile de noter que les partis FLN, RND (et le MSP quand il s'alliait avec eux dans «l'alliance présidentielle») n'évoquent pratiquement jamais les grandes questions politiques stratégiques. Ils ont concédé à n'être que des exécutants, des politiciens mineurs qui s'interdisent d'aller dans le domaine politique réservé. Ils acceptent de n'être que des «animateurs» même s'ils savent au fond d'eux-mêmes que cette fonction est totalement épuisée et a pris un sens totalement folklorique. Amar Ghoul - tout comme Aboudjerra Soltani d'ailleurs - ne déroge pas à la règle d'airain instituée par le système : la politique aux décideurs, aux «hommes politiques» l'animation et l'exécution. Ce partage des rôles accepté fait le discrédit abyssal de la vie politique algérienne. Faut-il continuer à nommer «hommes politiques» ceux qui ont pour mission d'animer le vide '
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