Algérie

Le rossignol s’est tu. Le maître de la chanson chaâbi inhumé mardi.




Le rossignol s’est tu. Le maître de la chanson chaâbi inhumé mardi.
El Hachemi Guerouabi s’en est allé. Le rossignol s’est tu pour toujours. La voix langoureuse qui a chanté avec tant de passion, de chaleur et de générosité le chaâbi, plus particulièrement le haouzi, pour des générations de mélomanes appartient désormais au passé.
 
El Hachemi Guerouabi, l’un des derniers grands maîtres de la musique populaire, certainement la plus répandue et la plus prisée à travers le territoire national, a tiré sa révérence dans la nuit de lundi au monde artistique, suite à une maladie à laquelle il a résisté de toutes ses forces mais qu’il n’a, hélas, pas pu vaincre. On imagine qu’il est parti avec ce même sourire, un tantinet espiègle, qui l’a toujours accompagné et qui l’avait rendu familier à des milliers et des milliers de fans d’ici et d’ailleurs.
Des fidèles qui lui témoignent, en cette douloureuse circonstance, toute leur reconnaissance de les avoir charmés et bercés par d’abord une voix veloutée, mélodieuse, envoûtante portant en elle la magie de transporter les âmes sensibles au-delà du temps, ensuite un style d’interprétation d’une rigueur époustouflante qui, comme pour El Anka, a fait naturellement école par son originalité, et enfin un genre musical qui, à travers les textes écrits et laissés par nos illustres poètes, vous confronte en permanence aux vicissitudes de la vie, à une réalité sociale, culturelle et même politique dans laquelle chacun de nous se retrouve et s’implique dans ses propres émotions.
Un chaâbi profond et viscéral
Le chaâbi, comme le blues qui a servi de mode d’expression et d’émancipation aux Noirs américains, est donc une sorte de miroir à multiples facettes qui livre en vrac les enseignements de l’existence en traçant les frontières entre le bien et le mal, le beau et le laid, le fort et le faible, le sage et le turbulent, un kaléidoscope qui fait la part belle à la morale dans ses confrontations avec l’amour, la loyauté, la fidélité, l’amitié, la trahison, etc, tout en restant profondément attaché aux valeurs du sacré qu’il faut perpétuer à travers les âges, mission ô combien noble confiée au medh ou au chant religieux.
Le chaâbi, toutefois, pour atteindre les cœurs et les consciences, doit être chanté avec les tripes, et à ce jeu Guerouabi, à l’image de tous les interprètes qui ont marqué la première génération des grands maîtres, à savoir El Anka, El Ankis, Khelifa Belkacem, H’cicen, Omar Mekraza, Hadj Menouar, Hacen Saïd, Amar Lachab, Réda El Djilali, Farid Oudjdi, pour ne citer que ces quelques noms, excellait dans l’art de transcender les quacidate par une puissance communicative qui illustrait en fait toute la dimension de sa personnalité artistique, et par extension de sa popularité.
Maître chaâbi
A vrai dire, chacune de ces immenses figures du chaâbi avait son timbre, voire - ce qu’on appelle communément dans le jargon des initiés - une khana reconnue et appréciée par le grand public qui leur a permis de porter bien haut l’étendard du genre musical. Mais El Hachemi tout en appartenant à la même lignée, avait incontestablement quelque chose en plus, indéfinissable mais bien présente, qui faisait qu’il avait un auditoire pluriel et une aura qui allait au-delà des normes établies. Dans le milieu très conservateur de la musique populaire, où pour prétendre au titre de cheikh il faut sacrifier ses nuits de sommeil et entretenir sa mémoire, l’enfant de Belcourt apparaît comme une icône pour qui chanter est d’abord une passionnante aventure qui s’ouvre à la vie.
C’est que Guerouabi, qui avait le respect du professionnalisme dans toute son étendue, ne faisait jamais dans l’approximatif. Textes du terroir ou chansonnettes, il avait ce don sublime de faire apprécier la chanson en associant avec un rare bonheur chaleur vocale et maîtrise technique ? Cela paraît tellement simple de l’écouter interpréter avec une facilité déconcertante des classiques comme El Haraz, Youm el Djemâa, Lériem djaouni el barah, etc. mais derrière chaque morceau, c’est le métier qui contrôle la gamme et la mesure. Les jeunes aimaient particulièrement cet éternel jeune premier de la chanson chaâbi parce que, quelque part, il répondait à leurs attentes par une musique qui correspondait à leurs vibrations sentimentales. Entre l’artiste et ses admirateurs, il y a toujours eu un lien indéfectible qui persistera toujours. Ce sera le leg de ce géant qui va bien sûr laisser un vide difficile à combler.
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